Elie Baussart

Conscience de Wallonie

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Activités

Depuis sa création, les activités de l’asbl ELIE BAUSSART ont été multiples. On en trouvera un large écho dans la rubrique « BULLETINS »

On notera en outre de très nombreuses conférences où s’exprimèrent des personnalités telles que Luc de HEERSCH, Denise VAN DAM, Jean LOUVET, Thierry HAUMONT, RICARDO PETRELLA, Pierre DELOOZ, Vincent DECROLY, Georges-Henri SIMONIS, Marc MAESSCHALCK et, plus récemment, Le Ministre-Président de la Région wallonne M. VAN CAUWENBERGHE venu présenter son ouvrage Oser être wallon.

En voici quelques aperçus glanés dans nos archives.

Un centenaire mémorable.

Le 16 janvier 1988, la Fondation ELIE BAUSSART, qui avait vu le jour quelques mois auparavant, organisait un colloque à l’occasion du centenaire de la naissance d’Elie BAUSSART. C’était un samedi. Ceux qui le mirent sur pied n’oublieront jamais. Ils avaient nom : Willy BAL, Louis BOULVIN, Germain CAPPELLEMAN, Yves de WASSEIGE, Paule et Jean DORZEE, Claude DURIEU, Madelien GREVY, Jean LEHIEST, Robert SOOTIAUX, Jeanne WASTERLAIN, Alfred CALIFICE, Jean DELPORTE, Jean DOYEN, Jules-Gérard LIBOIS, Raymond GOOR, Emile LEMPEREUR, Micheline LIBON, André MONNON, Jean VAN LIERDE,et Henri VANDE.Pour un premier essai, c’était un coup de maître.

La veille, dans la presse régionale, Jean DORZEE, président de la Fondation, mais surtout ancien collègue d’Elie BAUSSART, racontait…

« C’est un homme de la stature de Jules DESTREE. IL n’est pas aussi connu que lui parce qu’il a vécu à une époque où les trois mondes – catholique, socialiste, libéral- étaient très séparés. Or, Elie BAUSSART, qui était très chrétien, consacrait son énergie à la défense des petits et des faible, ce qui l’a mais en opposition avec la parti catholique – conservateur- et aussi avec la bourgeoisie catholique ». (*)

Et d’ajouter qu’Elie BAUSSART avait « beaucoup souffert d’être perpétuellement écartelé entre sa manière de vivre cette foi en défendant les petits et les faibles, et ses ennuis avec la hiérarchie catholique ».

Alfred CALIFICE, alors Ministre d’Etat et président des Mutualités chrétiennes de Charleroi et de l’union chrétienne des pensionnés, et qui avait bien connu Elie BAUSSART après la seconde guerre mondiale déclarait garder de lui le souvenir d’un « homme qu’on admirait, que nous (les jeunes) admirions. Il avait un certain sens du mouvement ouvrier… Il n’avait pas d’avis définitif sur les choses, mais il forçait à la réflexion. En fait, nous ne voulons pas faire survivre la mémoire d’Elie BAUSSART, mais bien reprendre le message qui était le sien en l’actualisant ». (*)

Yves de WASSEIGE, alors élu coopté au Sénat, définissait Elie BAUSSART comme un « homme chrétien sans habitude, un artisan dont l’outil était l’intelligence, un homme fidèle à sa terre, la Wallonie, un homme ouvert à l’humanité… ». (*)

Le lundi, parlant du Colloque, la presse titrait : « Le message d’Elie BAUSSART est bien passé, chez ses mais, anciens et nouveaux ». (*)

La matinée fut consacrée à deux interventions brillantes. L’une de Jean RAES, professeur aux Facultés Notre-Dame de la Paix à Namur et ayant trait aux Nouvelles valeurs dans une Wallonie en mutation. L’autre de Jacques DEFYS, économiste à l’U.L.B. et titrée Pardessus le marché, alternative au néo-libéralisme.

L’après-midi, avant la projection d’une vidéo, plusieurs personnalités prirent la parole. Quelques échos dont les murs du Collège sont encore porteurs aujourd’hui.

Le Père Jean-Paul LAURENT, tout d’abord, Directeur du Collège du Sacré-Cœur qui, rappelant l’impact qu’avaient eu la pensée et l’action d’Elie BAUSSART au sein même du Collège où il avait enseigné jusqu’en 1954, déclarait que l’objectif des Jésuites en matière d’éducation était dorénavant de former des acteurs de transformation sociale, et qu’ils le devaient pour une large part à Elie BAUSSART : «  Former des acteurs de transformation sociale ! Elie BAUSSART se réjouirait, je pense, d’adhérer à pareil objectif. Mais il nous rappellerait à l’action. A une action qu’il faut conduire. Elle est entamée, certes, mais il convient de faire encore beaucoup d’efforts pour lui donner consistance. Avec les professeurs du Collège, inspiré par l’Evangile et aidé par le travail de pionnier de ce collègue que fut Elie BAUSSART, j’entends bien poursuivre cette action d’éducation : aider les jeunes qui nous sont confiés à devenir ingénieux pour transformer et servir la société en la rendant plus fraternelle ».

Autre discours retentissant, celui d’Emile HENRY, bourgmestre faisant fonction de la ville de Charleroi pour qui Elie BAUSSART fut un « précurseur » qui « avait senti dès avant la première guerre, au moment où un grand Wallon Jules DESTREE écrivait sa Lettre au Roi, que la Wallonie devait non seulement conserver ses racines – qu’une culture bourgeoise et anonyme tendait à couper – mais devait surtout affirmer son identité par  elle-même et pas seulement en réaction au mouvement flamand. Ce choix ne restera pas chez lui un vœu pieux. Il va créer, en 1919, la revue Terre Wallonne qu’il animera pendant plus de 20 ans. Le titre est tout un programme à l’époque où beaucoup n’ont pas compris ou pas voulu comprendre l’ampleur du problème qu’Elie BAUSSART soulevait en affirmant la réalité d’une terre wallonne ».

Enfin, et non des moindres,  l’éloge fait par Alfred CALIFICE qui termine son propos par les mots suivants : « Nous n’avons pas voulu seulement honorer la mémoire de ce grand homme : nous voulons approfondir le message d’Elie BAUSSART ».

(*) LE RAPPEL des samedi 16 et dimanche 17 janvier 1987 et du lundi 18 janvier 1987.

 

Une nation, la Wallonie ?

Le 21 janvier 1989, nouveau colloque organisé par la Fondation ELIE BAUSSART, cette fois dans la grande salle de Notre Maison à Charleroi, où elle a son siège social.

Un public nombreux parmi lequel d’anciens ministres comme Jacques HOYAUX et Alfred CALIFICE, mais encore le représentant du bourgmestre Jean-Claude VANCAUWENBERGHE , M. CHANTRY, Mme CORBISIER, députée, M. de WASSEIGE, sénateur, M. THOMAS, conseiller provincial, M. HUMBLET, ancien sénateur, …

Les orateurs du jour sont M.M. Xavier MABILLE, Tony DHANIS et Jacques HOYAUX..

Le premier s’interroge quant à savoir si le changement institutionnel survenu en Belgique a modifié en profondeur le sentiment d’identité wallonne. Il rappelle que le sentiment d’appartenance à la Nation belge ne s’est pas fait du jour au lendemain. Celui-ci ne s’est construit qu’au travers et grâce à des mythes. L’an I de la Nation wallonne ne date que du 20 juillet 1988 lorsque le Roi des Belges annonce la création d’un Etat fédéral. Les mythes, l’Histoire, reste donc encore à construire. Mais l’Europe dans tout cela ? Ici aussi, il est fait appel à un passé collectif. Pour Xavier MABILLE, l’identité wallonne est donc plurielle.

Le second orateur, Jacques HOYAUX, ancien ministre socialiste,  décrivait la Wallonie comme étant un « territoire de Français hors hexagone ».

L’après-midi, le troisième orateur, Tony DHANIS, ira dans le même sens. Il souligne la chance qu’a eue la Wallonie d’être façonnée par une immigration proche et lointaine. Pour lui, l’identité wallonne s’est construite autour des luttes sociales. Et l’identité européenne ? Pas question que l’Europe devienne une grande colonie américaine ! La Wallonie doit apporter à l’Europe sa générosité sociale. Et de terminer par se situer dans l’Eglise ( Tony DHANIS est prêtre) : celle-ci doit être un lieu du sens de l’existence avec ou sans sa référence à Dieu, pour un peuple uni et ouvert, capable d’imaginer un aevnir.

LE JOURNAL, INDEPENDANCE, LE PEUPLE  déclarait, le 24 janvier 1989 :

« Ce fut au total une belle journée de réflexion pour tous ceux qui, au-delà des conceptions philosophiques ou politiques, ont la détermination de voir vivre notre Wallonie »

LA NOUVELLE GAZETTE, elle, parlait d’une « intéressante journée ».

 


Manifestation de soutien à Mgr GAILLOT, le 5 février 1995 à Charleroi.


La Fondation s’est associée au texte suivant et a invité à participer à la manifestation :

Exclus avec les exclus,

Avec notre frère, Jacques GAILLOT,
Evêque de Partenia, diocèse qui rassemble toutes les victimes dont nous sommes solidaires.

Nous voulons continuer la lutte pour le respect intégral des Droits de l’Homme.

Que ce soit dans la société civile,
Que ce soit dans les sociétés religieuses,
En particulier dans l’Eglise catholique, dont beaucoup, dans la hiérarchie, disent, mais ne font pas !

Avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté,
Au-delà des étiquettes, frontières et discriminations sociales, culturelles et religieuses.

Nous nous engageons à travailler, œuvrer et crier avec ceux que les puissants de ce monde et des Eglises veulent bâillonner, écarter, mépriser, juger, blesser dans leur dignité de femmes et d’hommes libres.

Ils sont nos préférés.

Nous voulons partager leurs tendresses, leurs cris de révolte, leurs espoirs et leurs luttes contre les cœurs de pierre des riches d’avoir, de savoir et de pouvoir, quand ce n’est pas de ce qu’ils appellent « leur vertu ».

Jacques, sur tes pas et avec toi, nous continuons…

A cette occasion, tout un numéro de son bulletin de mars 1995 fut consacré au soutien à Mgr GAILLOT.

Outre des coupures de presse, ce numéro contient deux articles écrits par des membres de la Fondation : le premier est signé par Bernard DE COMMER – Signes avant-coureurs d’une mort annoncée- le second de Jean DORZEE, président à l’époque. Les voici :

Signes avant-coureurs d’une mort annoncée.

Coup de théâtre ? Non pas. Que l’on renvoie Mgr GAILLOT comme un malpropre n’a pas de quoi surprendre. Il dérangeait ses collègues français, complètement assoupis depuis une bonne décennie, il indisposait surtout le Vatican, plongé dans une guerre sainte, expiatoire, et pour tout dire intégriste.

Le monde n’est pas ce qu’il devrait être, soit. Il n’est pas ce dont la hiérarchie catholique rêve, heureusement. C’en est fini – et d’aucuns le regrettent- de ces brebis bêlantes qui suivaient comme une seule un pasteur prometteur de monts et merveilles. Pour plus tard, bien sûr. Et à la condition expresse d’avoir sauvé son âme. Ils sont de plus en plus aujourd’hui, ils seront majorité demain, ces chrétiens, ces croyants qui veulent bien se mettre en Eglise, assumer une certaine référence idéologique, dogmatique, rituelle, voire morale. Certes, mais pas au prix de leur liberté de fils et fille de Dieu. Pas au prix de toutes les compromissions avec le s pouvoirs en place. Ces croyants n’ont pas le souci de sauver leur âme –ce qui relève de l’absurde- mais de suivre leur conscience, cette intimité où le Créateur parle avec sa Créature.

Et cela, c’est un événement. Quelque peu clandestin encore, mais déjà présent. C’est l’événement de la fin de ce deuxième millénaire de christianisme. L’homme, la femme ne se plient plus aux consignes, aux raisons d’Etat (ou d’Eglise). Ils choisissent.

Et c’est dérangeant pour les systèmes en place. Et plus encore pour les structures cléricales ; c’est qu’elles ne sont pas démocratiques et ne laissent donc aucune aire de liberté et de différenciation. Elles ne la laissent ni en bas (c’est l’évidence), ni en haut. Tous pape, cardinaux, évêques, y compris, se retrouvent muselés dans des discours, des pratiques, des codes qui ne sont plus que des carcans. Que surgisse quelqu’un qui mette le doigt sur ces carcans et disent : « faites les sauter », et la hiérarchie se cabre, se replie sur elle-même, réaffirme de manière sentencieuse des soi-disant vérités dont on a peine à croire que des êtres lucides puissent encore s’y assujettir. C’est que cette hiérarchie ne trouve sa propre justification, à défaut de légitimité, que dans ces carcans- là. Sans eux, elle s’effondrerait. En fait, elle se refuse à reconnaître l’évènement. Elle l’étouffe, quand elle peut, comme elle peut. Elle minimise, elle ment effrontément. Le discours lénifiant des évêques de Belgique, à propos de l’affaire Gaillot, est plus que significatif à ce sujet : on parle de la douleur, d’épreuve, de prière. On utilisait, sur un autre registre – et c’est bien la preuve qu’il s’agit-là d’un stéréotype – on utilisait les mêmes mots à propos de Mgr Lefèvre dans les années 70. Bref, on parle de tout, et surtout de rien, et surtout pas du fond du problème.

Tant qu’il ne s’agit que de fidèles, de ceux que l’on confine encore dans des rôles de sous-fifre, en leur faisant croire le contraire (et je pense plus spécialement aux femmes), la hiérarchie ferme un œil. Si parle un théologien, on le réduit au silence (on pense ici à la théologie de la libération – quel mot subversif, quand on prône la rédemption !). Si s’exprime un Gaillot par les canaux qui sont ceux des masses, c’est que le loup est dans la bergerie ; on le vitupère puis, comme décidément il persiste et signe, on l’exclut.

Cette Eglise-là, quoi qu’elle fasse, même un combat d’arrière garde. Elle est condamnée à disparaître. Les signes avant-coureurs de sa mort sont déjà visibles. Il suffit d’ouvrir les yeux. L’affaire Gaillot en est un parmi d’autres. Ce n’est plus qu’une question de temps. Demain, après-demain, selon l’acharnement thérapeutique qui auront mis d’aucuns, cette Eglise-là expirera, laissant la place à une Eglise qui ne tournera pas le dos à deux mille ans de son histoire, mais saura tenir le passé à sa place, et qui regardera devant elle. Car l’histoire est devant, plus avant. Toujours. Hier n’est que mémoire ; aujourd’hui, prophétie ; demain, accomplissement. Prétendre le contraire, c’est oublier la référence à Jésus Christ qui n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants.

Sans doute est ce un peu à tout cela que pensent ces hommes et ces femmes rassemblés ce jours à Charleroi, sous la bannière : solidarité avec les exclus. Avec des mots à eux. Non pas qu’ils imaginent qu’on puisse faire en quoi que ce soit pression sur le Vatican et ses acolytes. Non, mais parce qu’ils sentent, pressentent plutôt, qu’ils sont la graine du sénevé, le levain, ces petits riens qui portent témoignage de demain.

Tuer les prophètes n’a jamais empêché les prophéties. Ceux qui nous invitent à lire la Bible, auraient dû le savoir.

Dimanche, le 5 février 1995
Charleroi.

De Commer B.


Le peuple de Dieu et la hiérarchie.

« L’affaire Gaillot » interpelle le chrétien et tout citoyen d’ailleurs. Le chrétien doit choisir entre les moeurs divines et la « façon de faire » de Rome, entre le peuple de Dieu et la hiérarchie, entre l’histoire du Christ et la théologie, entre la vie et le dogme, entre la religion et la foi.
Etre chrétien, c’est croire dans la joie à un être vivant, à un élan intérieur, à une parole amicale, à une personne qui m’invite à répondre à son appel dans tout être qui vit et qui souffre.
Etre chrétien, ce n’est pas me conformer dans l’effort et la morosité à un code de préceptes – la chasteté en fait partie- impose d l’extérieur par une volonté avant tout soucieuse d’orthodoxie.

Le choix de Jésus-Christ.

Son premier souci n’a pas été de fonder une religion : il s’est même présenté comme l’adversaire de la religion établie alors, au grand scandale des adeptes de la foi de Moïse. Il a voulu aider les gens à vivre, il a répondu à leurs besoins, il a voulu libérer les petites gens, les déshérités, les marginaux, les rejetés de la société des prêtres et des bien pensants. Aux envoyés de Jean-Baptiste qui l’interrogeaient sur sa mission, il disait : « les aveugles voient, les paralytiques marchent, les pauvres reçoivent la bonne nouvelle ». Il a voulu les libérer de leurs chaînes intérieures et de celles que la société avait forgées.

Les hommes eux-mêmes devaient se libérer et cela grâce à leur foi. Ne dit-il pas à la femme guérie de sa maladie « Ta foi t’a sauvée. Tu es guérie parce que tu as cru ». C’est le oui de l’homme à l’invitation du Seigneur qui libère. Dieu n’impose rien à l’homme même pas sa guérison. Il respecte la liberté qu’il a donnée à sa créature. Il propose et l’homme accepte ou refuse. « Si tu veux » a-t-il dit au jeune homme riche.

Le choix de Mgr Gaillot.

Le Christ a révélé la façon de faire de Dieu : il a agi d’abord, il a vécu, il a été lui-même. C’est essentiellement sa vie qui a été sa prédication. Mgr Gaillot a compris la leçon de l’Evangile, il s’en est inspiré : une façon d’être et de faire vaut plus que tous les sermons. Le témoignage du vécu est la meilleure réponse aux besoins des hommes qui ne croient plus aux belles paroles… mais aux actes. Il a opté pour un christianisme qui relie l’homme à Dieu dans sa réalité la plus misérable par une foi librement choisie.

Le choix de Rome.

C’est le choix du dogme, de la théologie, de l’autorité, de la religion..
La religion, une chose excellente, nécessaire,
– si cet ensemble de moyens humains comme les rites, l’organisation, l’autorité doctrinale adaptés à une civilisation, à une époque, aident l’homme à découvrir la foi et favorisent l’épanouissement de celle-ci ;
– si elle ne confond pas les explications rationnelles de la théologie avec le mystère de cette foi en chacun des hommes ;
– si l’autorité suprême légitime ne s’arroge pas le monopole de l’inspiration divine et n’étouffe pas la richesse de cette inspiration en chacun de ses membres et dans le contact de ses membres entre eux.
La religion influe très fort sur une époque mais l’époque influe très fort sur la religion. Une visite à Rome, si elle comble de plaisir un amateur d’art, rend le chrétien perplexe. La magnificence du Vatican contraste avec la vie simple du charpentier de Nazareth. Ce qui est plus grave, c’est l’exercice de l’autorité du successeur de Pierre qui est marquée par la manière de gouverner des Césars. Quelle différence entre l’empereur romain imposant la puissance de ses armées sur les peuples de son empire et le pontife romain qui règne sur les consciences d’une façon peu évangélique ?

La société civile actuelle découvre avec beaucoup de peine les vertus de la démocratie, cette confiance dans l’homme, dans ses capacités de réfléchir, de juger et de prendre ses responsabilités.
Fini le temps où un petit groupe, ou même un seul, pensait, décidait, en face d’une foule qui, elle, exécutait. Quel progrès dans l’évolution de l’humanité que cette prise de conscience de la responsabilité de l’homme.
L’Eglise, elle, ne semble pas comprendre que « exalter l’homme, c’est exalter Dieu. « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant ». « Notre Mère, la Sainte Eglise », selon la formule, un peu comme des parents timorés, veut maintenir dans un état infantile le simple chrétien. Celui-ci veut s’émanciper, devenir adulte, comme tout citoyen bien né le souhaite, dans la cité terrestre. Ce souci de prendre ses responsabilités honore et le chrétien et le citoyen. Que de déboires pour l’Eglise qui n’a pas su, dans le passé, comprendre les légitimes aspirations de la Révolution française, du mouvement ouvrier, etc.…
Si l’Eglise veut être un pôle d’attraction pour nos contemporains, au lieu de freiner leurs légitimes aspirations, elle doit les encourager et d’obstacle qu’elle a été dans le passé, devenir moteur dans l’avenir.
Fini, le temps des héros de l’évangélisation, qui baptisaient à tour de bras, heureux de mettre à leur tableau de chasse de nouvelles recrues.
Finie, la marche triomphale des soldats du Christ à la conquête du monde pour le Christ Roi.

Que d’efforts dans l’Eglise officielle pour empêcher les retombées de Vatican II, pour contester au peuple de Dieu sa place privilégiée et ses droits, dans le grand corps de l’Eglise ; le droit pour un chrétien, à fortiori pour un évêque, d’explorer de nouvelles pistes d’action et de réflexion parfois insolites mais répondant aux besoins des gens, en s’inspirant de l’exemple du Christ, quitte à dialoguer avec les pouvoirs en place sur l’opportunité de ces démarches ; le droit de croire que l’Esprit souffle où il veut, et parfois plus fort dans de simples membres de l’Eglise réunis sous l’inspiration de Dieu que dans quelques têtes mitrées.
« Vox populi vox Dei ». La voix du peuple de Dieu, c’est la voix de Dieu lui-même.
Le monde moderne, dans ses institutions, dans ses membres les plus influents – heureusement, il y en a d’autres- ne respecte que l’argent, la force, le pouvoir. Il a besoin de témoins du respect de l’homme, de l’amour, de la vie simple.

Une image à la télévision. C’était à Manille, un spectacle haut en couleur devant 3 millions de fidèles. Tout l’apparat de la pompe romaine accompagnant un code moral de commandements est peut-être- gros point d’interrogation- utile pour un peuple dans son stade d’évolution actuel mais inefficace voire nuisible pour un téléspectateur occidental.
Une autre image. Un évêque déambulant comme un simple particulier dans les stands de livres à un congrès sur la pauvreté. Sa réponse à un journaliste lui demandant s’il irait à Rome : « Oui, j’irai … pas pour me justifier, mais pour dialoguer.

Le prophète Jacques Gaillot a réveillé le peuple chrétien de sa longue somnolence de brebis bêlantes, à l’unisson de leur pasteur.
Que le chrétien, comme il le fait dans la cité, ose relever la tête fièrement dans son Eglise et exige le dialogue dans des « conseils » existants ou à créer.


Jean DORZEE.

A lire ces textes, vieux d’une dizaine d’années, on peut légitimement se demander su quoi que ce soit ait vraiment changé depuis l’affaire Gaillot

 

 

Spécial enseignement et éducation (1996)

En janvier 1996, Jean DORZEE, président de la Fondation, écrit dans son éditorial : « Un Bulletin « spécial enseignement » ne vous étonnera pas : la culture est un élément capital dans notre société à venir ». Et de donner la parole à divers intervenants à ce propos en prélude à une conférence de Jean DELOOZ, sociologue, qui se tiendra le 29 janvier 1996 à l’initiative de la Fondation. Ces intervenants ont encore en mémoire les longs mois de grève dans l’enseignement en 1990. Ils ne se doutent pas que, en cette année 1996 qui débute, ils sont à quelques semaines d’un nouveau mouvement social dans ce secteur. En cela, ce Bulletin a quelque chose de prophétique…

ECOLE ET SOCIETE (Bernard DE COMMER)

Le malaise détecté dans l’enseignement depuis une dizaine d’années, mais mis en avant en 1990-1991, est, mes semble-t-il, interdépendant du malaise de certains acteurs de groupes face à une société postindustrielle qui s’organise de plus en plus selon des schémas de type sadien – le marquis de Sade prône, dans son opuscule « Le château des plaisirs » une société basée sur la jouissance. Il s’agit là, incontestablement, d’une dérive de l’idéologie néo-libérale. Elle n’est pas neuve, certes, mais la chute du mur de Berlin et des idéologies marxistes, a laissé à cette dernière le champ libre. Elle n’a pas manqué de l’occuper, et très vite. Signalons, pour rappel, que les grandes grèves de 1990-1991 qui ont secoué les milieux scolaires ont vu le jour d’une manière anodine : un cahier sectoriel de revendications salariales. Personne, à l’époque, n’eut imaginé un seul instant un mouvement d’une telle ampleur. Et pourtant…

Mais revenons-en aux schémas de type sadien. Dans la société décrite par Sade, il n’y a aucune vision globale visant à donner un se ns à l’existence, aucune idéologie. L’homme est objet et n’est plus acteur. La société est un vaste marché de consommation en ce y compris au niveau des valeurs perçues comme des produits de consommation au même titre que d’autres. A l’intérieur de ce vaste marché, tout circule, tout est nivelé, chacun est tout à tour séducteur et séduit, sodomisateur et sodomisé dit Sade. L’essentiel étant le plaisir, tout le plaisir, et tout de suite. L’investissement humain ne se fait plus dans la durée, mais dans l’instantané. La désaffection – des jeunes surtout – par rapport à des structures sociales telles que partis politiques, organisations syndicales, et même Eglises, doit se comprendre aussi par là.

La société sadienne créera des structures illusoires propres à permettre au vaste marché de se développer intra muros, structures donnant une impression trompeuse de liberté – les Droits de l’Homme, évidemment bons en soi, mais dans une telle société juste prétextes à dorer les barreaux de ses prisons.

L’école n’échappe pas à la sadisation, mais avec un certain retard, comme cela a toujours été. D’où son malaise actuel. Toujours structurée comme il y a u n quart de siècle, porteuse de valeurs humaines, sociales, voire religieuses, travaillant dans le long terme, la voilà aujourd’hui en porte-à-faux avec une société sans idéologie, où l’homme est de moins en moins sujet, et de plus en plus objet. Certes, des voix s’élèvent bien çà et là et des discours surgissent comme ceux des agoras fixant des objectifs tels que la promotion du développement de la personne de chacun des élèves ; la construction de leur savoir par les jeunes en vue de prendre une place active dans la vie économique ; la citoyenneté responsable dans une société libre. Tout cela est beau, mais naïf. La société sadienne absorbera ces discours comme d’autres. Il est d’ailleurs significatif que, quelques semaines après ces agoras, le pouvoir politique ait balayé d’un simple revers de la main tous ces sermons pieux pour mettre sur pied, dira un syndicaliste « l’été le plus meurtrier de l’école ».

J’avis lu quelque part que la drogue et la violence chez les jeunes seraient des indices de révolte comme la société ambiante, une sorte de cri négateur, une morale du cri. Je ne pense pas. Il s’agit, au contraire, d’indices de parfaite adaptation des jeunes à la société sadienne. Le plaisir, tout le plaisir et tout de suite, sans prospection aucune à long terme.

L’école, dis-je, est en porte-à-faux. Elle véhicule des valeurs qui n’ont plus cours ; elle vise le long terme, et, comble, elle n’arrive même plus à livrer un savoir compétent vu le retard technologique accumulé.

Cette confusion engendre, chez les enseignants, une perte de statut bien plus dramatique que celle qui les verrait inférieurs aux autres couches de la société : ils perdent jusqu’à l’image qu’ils peuvent avoir d’eux-mêmes.

Enfin, sans trop le savoir, l’école entre pas à pas dans une aire où l’ordinateur va supplanter l’homme. Les nouveaux programmes proposés dans l’enseignement fondamental, baptisés « socles de compétences » ont de quoi effrayer. Ils laissent à penser que le cerveau humain doit « raisonner » comme l’ordinateur. Autrement dit, l’homme doit parler le langage de la machine qu’il a créée. Mais cela n’a rien d’alarmant pour une société sadienne : jamais machine n’a permis un tel brassage, n’a permis de fonctionner sur soi-même avec une telle efficacité.

En conclusion, je pense que l’école est condamnée à s’adapter à la société sadienne, ou à disparaître. Si l’on veut une autre école que celle qui se dessine aujourd’hui, c’est sur la société qu’il faut agir. L’école n’est en soi qu’un outil. Changer l’outil ne change pas l’ouvrier qui le manipule.

Sombre tableau, me dira-t-on. Non, pas. Il existe encore des lieux où des valeurs sont proposées visant à donner du monde une vision globale : ce sont les mouvements. C’est au travers d’eux que la société a une chance de se régénérer. C’est sur eux qu’il faut compter pour prospecter l’avenir, si nous voulons échapper à l’anéantissement sadien et reconstruire une autre société. L’éducation passera avant tout par eux plus que par l’école : celle-ci n’a pas, n’a plus les moyens des missions qu’on voudrait lui octroyer.


EDUCATION ET TRANSFORMATION SOCIALE (MARIE-DENYSE ZACHARY)

L’éducation n’est pas uns système fermé, c’est un élément moteur dans la société, à la fois facteur de reproduction sociale mais aussi lecteur et acteur des transformations sociales. L’éducation et la formation sont donc des actes politiques et représentent des outils par rapport au concept de transformation sociale.

L’éducation ne doit pas être considérée comme uniquement fonctionnelle par rapport à l’acquisition d’un diplôme ou à l’épanouissement personnel. En outre, les actes culturels (c’est-à-dire tout ce qui est exprimé, fabriqué pour donner du sens au quotidien) sont des actes d’éducation car ils contribuent à former ce qu’est la société.

Education et transformation sociale sont donc intimement liées. L’éducation joue un rôle important dans la transformation sociale passive (reproduction), et dispose d’un rôle essentiel dans la mise en œuvre d’une « contre-reproduction sociale ».

L’éducation n’est cependant pas suffisamment perçue comme telle et pourtant, elle ne peut pas être lue indifféremment de la situation de la société dans laquelle elle s’insère, c’est-à-dire, aujourd’hui, une situation de passage, de changement d’un modèle à un autre (passage d’une société salariale à une société post-salariale, d’une société industrielle à une société post-industrielle) *

Il s’agit dès lors de repérer que la mutation sociale actuelle touche à un nouvel enjeu de société où vont se cristalliser les conflits sociaux. Dans la période de transition actuelle, le modèle de l’Etat providence s’estompe, cependant, il est toujours indispensable comme modèle de socialités secondaires. Par ailleurs, auparavant, dans la société de type industriel **, le mouvement ouvrier positionnait les rapports de classe. Aujourd’hui, le conflit central n’est plus de savoir comment distribuer les richesses ; les réseaux se complexifient et le rapport de la société à elle-même, par la science et la technologie, se transforme. Jean BLAIRON (sociologue FOPA) fait l’hypothèse que l’enjeu central de la société sera davantage lié à la place occupée par rapport à la production du savoir et à sa diffusion. L’éducation deviendrait alors doublement politique : intrinsèquement (car elle a un rôle d’observation, de lecture et de transformation sociale) et parce que l’enjeu des conflits au sein de la société se centraliserait sur les questions de production et de diffusion du savoir et des connaissances (développement de la recherche, de la formation, des industries de l’information et de l’immatériel traduisent cette évolution).

La place des politiques de formation et de démocratisation des études, dans cette perspective, devient centrale ; elle est au cœur des nouvelles dynamiques de la transformation du social. Bien plus cruciales seront alors les exclusions liées aux sphères de production et de diffusion des connaissances (cf. Internet) que l’exclusion liée à l’argent.

On peut faire une lecture de la démocratisation de l’enseignement et du combat pour la démocratisation (dernier grand projet éducatif) dans la vision de la fin la société salariale, où les solidarités secondaires (dues à l’organisation sociale) entrent en déliquescence et où les solidarités primaires (famille) ont considérablement diminué et en postulant que le savoir et les connaissances sont le nouvel enjeu des conflits au sein de la société.

Replacées dans le cadre wallon, ces réflexions aboutissent à l’hypothèse que la Wallonie, qui ne détient pas le pouvoir d’organiser l’éducation, rencontrerait encore plus de difficultés à agir sur la transformation de la société wallonne.

* Pour Alain TOURAINE notamment, la société n’est désormais plus organisée uniquement selon une hiérarchie verticale, celle des rapports de production de la société industrielle où la place est définie par un rôle de production et une position de classe. A cette dimension verticale s’est ajouté un axe horizontal : les individu(e)s qui sont « in » et ceux qui sont « out ». Leur place ne se définit plus par une position de classe mais par une position sur le marché. Cet axe horizontal est caractéristique des mutations sociales en cours (notamment les phénomènes d’exclusion) sans que le modèle industriel (vertical) ait pour autant disparu.
** Cf. E. SERVAIS : « Dans la société industrielle, l’ordre social est structuré sur les rapports de production de biens matériels et est caractérisé par un conflit central, qui oppose, autour du progrès et du partage de ses bénéfices, mouvement ouvrier et détenteurs des moyens de production ».


DE L’INDIVIDU A LA PERSONNE (Jean DORZEE).


Comment motiver les jeunes ?
« Inutile de donner à boire à un âne qui n’a pas soif ».
Les jeunes que veulent-ils ? Qu’est-ce que ce désir de jouir attisé par une société qui veut à tout prix faire consommer ; que cache cette volonté de puissance, de compétitivité, d’agressivité ? Des désirs plus profonds, une aspiration profonde qu’il faut découvrir, une petite semence qu’il faut aider à grandir, une raison de vivre, un mobile.

Notre société est déboussolée : elle a perdu ses « avaleurs ».
Les valeurs, ce sont des idées. Les jeunes ne sont plus sensibles à la sécheresse des idées, ils ont besoin de quelque chose de plus vital, de pus dynamique pour les pousser à agir. C’est perdu d’avance que de vouloir ressusciter ces formules magiques d’autrefois, comme la solidarité, qui ont soulevé des foules entières contre l’injustice.
Ces valeurs proposées ou imposées du dehors par l’Etat, la religion, la Famille, ne leur disent plus rien. Ils ont beau jeu d’ailleurs pour stigmatiser l’échec de la société des adultes inspirée par ces fameuses valeurs.
C’est au fond d’eux-mêmes qu’il faut découvrir une orientation de vie commune à tous et qui donnera cohérence à la société. On y trouvera bien sûr ce qui est réclamé par la nature de l’homme de tous les temps mais aussi ce qui est particulier à la nôtre.

L’Humanité, à côté de son évolution physique, lente, imperceptible, est invitée à un saut important dans l’évolution des consciences. C’est un besoin de la nature humaine que les scientifiques de l’époque disent réalisable et que la société du 21ème siècle réclame. Une conscience cosmique et ouverte au transcendantal succèdera à la conscience personnelle et purement humaine actuelle.
Karl DURCKHEIM décrit très bien dans son ivre « L’Homme et sa double origine » (Ed. du Cerf 1977), cette dualité qu’il appelle l’Existence et l’Essence.
Pour percevoir cette dernière, une conscience nouvelle plus affinée, doit naître.

Il y a des signes avant-coureurs de cette naissance ; encore faut-il les déceler.

Les jeunes sont individualistes. Aidons-les à aller au bout de leur logique du plaisir. En allant à la rencontre de leur vraie personnalité ouverte sur le monde, ils trouveront une autre gratification que dans l’individu jouisseur et replié sur lui-même.

L’individu, le jeune est épris de liberté ; faire ce qu’il veut, ce dont il a envie, être autonome. Il découvrira que la vraie liberté, c’est apprendre à dire oui ou non à une aspiration profonde en lui et à ne pas se laisser éparpiller par mille caprices.

Le jeune a la hantise de vivre seul. Il a saisi le « Vae Soli » (« malheur au solitaire ! »). Inconsciemment peut-être, mais réellement, il veut se relier.
La rencontre personnelle, recherchée à travers la rencontre sexuelle souvent, est capitale pour lui.


La tâche essentielle de l’éducateur ne serait-elle pas de croire à ces aspirations profondes de la jeunesse et d’aider celle-ci à les découvrir.

Quel espoir pour un monde matérialisé, séparé, déshumanisé, de retrouver dans l’homme cette source de cohérence et d’unité à laquelle tous aspirent !