Elie Baussart

Conscience de Wallonie

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Bulletin n°72: Mai 2014 : un miroir aux alouettes ?

12 avril, 2014 (01:08) | accueil | By: Bernard

Commentant les élections municipales françaises, au lendemain du premier tour, Jean-François KAHN écrivait : « Il fut un temps où la grande mouvance politique, ainsi que les médias, portaient une espérance, des aspirations, c’est-à-dire une utopie, et proposaient des alternatives. C’était vrai à gauche. Ce l’était aussi à droite. Et même au centre avec le christianisme social (LE SOIR, 25/03/2014. Les raisons d’un désert électoral).

Comparaison n’est certes pas raison, mais ces constatations pourraient fort bien avoir été écrites pour les élections générales de mai prochain.

La gauche traditionnelle en Wallonie (PS auquel nous ajoutons Ecolo et CDH) et la droite démocratique (MR) sont restées toutes deux comme emprisonnées dans le carcan de la social-démocratie. Avec plus ou moins de touches sociales, plus ou moins de nuances, mais entretenant consciemment ou non la capitalisme, s’efforçant seulement d’en atténuer les dérives. Du christianisme social, il n’est plus question depuis que le PSC s’est déconfessionnalisé. Le pilier laïc, longtemps porteur d’émancipation, ressemble à s’y méprendre à une police laïque – il est interdit de porter, par exemple, le foulard dans les écoles, certains lieux publics, etc- et s’est, par ailleurs, confiné dans des combats éthiques (mort assistée, mariage gay, etc.), combats indispensables, certes, mais insuffisants en terme d’utopie.

En 1938, Elie BAUSSART écrit parlant du capitalisme dans « Initiation à la Révolution anticapitaliste » – un ouvrage majeur selon nous – : « Nietzschéen avant la lettre, il affirme partout sa volonté de puissance et met, chaque fois qu’il le peut, l’Etat et l’appareil de l’Etat à son service… Le capitalisme a créé son éthique, il a établi une nouvelle hiérarchie de valeurs. L’homme, aujourd’hui, est jugé en fonction de ce qu’il possède et, pour naïve ou cynique qu’elle soit, la manière américaine d’évaluer quelqu’un en dollars, est l’exacte transcription de la norme générale… Dans l’ensemble, le capitalisme entretient une atmosphère d’hypocrisie et de sournoiserie violence dans laquelle nous étouffons. Par exemple, le même homme qui revendique les droits sacrés de la propriété privée n’éprouve aucun scrupule à léser le prochain de ses biens. La même opinion qui proclame la liberté dans l’ordre politique fait peser sur les masses dépossédées une odieuse tyrannie… Et c’est le décalage entre la production et la répartition. Nous disons bien la répartition et non la consommation : nous avons constaté qu’il reste encore des besoins insatisfaits dans le monde. Mais l’organisation capitaliste – incurable aveuglément – s’inquiète fort peu de la répartition. Ou plutôt, elle l’a organisée de telle façon qu’elle a fait et fait toujours en sorte de gonfler les gains de la toute petite majorité des grands capitalistes et de comprimer les revenus des masses. »

Ne nous méprenons pas : Elie BAUSSART s’est toujours défendu d’être marxiste. Il pose cependant le débat là où il le faut. Cette fameuse répartition dont il parle est au cœur même des programmes des partis, sous l’étiquette d’une réforme fiscale. Ce n’est pas insignifiant, mais cela ne remet pas fondamentalement le système en cause. En question plutôt. A gauche comme à droite, on se comporte comme si le capitalisme (parfois dénoncé, mais comme disait la chanson : paroles, paroles…) était une fatalité, la dernière médiocrité de l’histoire humaine après tant et tant d’autres. D’utopie, de projet d’une société autre, point n’est question. Un peu de rose par ci, un peu de bleu par là… Mais rien de bien consistant. Un parti comme le PTB qui se revendique du marxisme parle d’un marxisme du 21éme siècle, mais sans dire de quoi il serait fait.

D’un point de vue strictement wallon, les voix régionalistes, à de rares exceptions près et elles sont sans doute muselées, appartiennent au passé. Rappelons ce que nous rapportions dans notre précédent bulletin. José HAPPART se plaignait de ce que, depuis que DI RUPO est premier ministre, les drapeaux wallons étaient absents des manifestations du PS. A quoi, Hugo BROERS répondait : « DI RUPO n’est pas un Wallon, c’est un Belge » (LE VIF/L’EXPRESS 10/2013). DI RUPO d’ailleurs, il y a peu, déclarait qu’il ne gouvernerait pas avec des partis qui détruisent le pays. Lisez, sans doute la NVA. Cette utopie-là, d’une Wallonie plus autonome encore, est aussi absente des débats électoraux

Reste l’Europe. Ah ! Oui ! L’Europe. Dernièrement, Benoît LUDGEN, le président du CDH déclarait : « Vivre mieux, c’est possible… Ce qui est désespérant, c’est qu’on se dit : on ne va jamais y arriver, tout est sombre, tout est gris. L’Europe y a largement contribué, avec son message d’austérité, de coupes budgétaires, de destructions sociales et humaines ! » (LE SOIR, 29 et 30 mars 2014). Quelques jours plus tôt, dans le même journal, Guillaume KLOSSA, auteur d’un ouvrage sur la jeunesse européenne écrit : « Ma génération est divisée et hésite entre le repli sur soi, la tentation de quitter l’Europe et la volonté d’inventer une nouvelle page de l’histoire de notre continent fondée sur la création d’une puissance démocratique européenne en mesure d’apporter une réponse au chômage, d’assurer nos besoins collectifs et de faire vivre nos valeurs dans la mondialisation ».

Nous ne sommes pas certains – et c’est un euphémisme – que beaucoup de citoyens chez nous portent encore en eux cette utopie.

Elie BAUSSART écrivait : « La preuve est faite – en marchant – qu’une civilisation matérialiste conduit à la catastrophe : l’homme subordonné à la matière (dont l’argent est le signe grâce auquel elle s’échange) servie comme un dieu, étouffe faute d’air et de justice, et se révolte. Toute la crise de l’Europe et du monde est là » On ne pouvait être plus prophétique. Et d’ajouter, revendiquant une révolution anticapitaliste mais se déclarant incapable d’en prédire les formes : « Mais de quoi nous sommes convaincu, c’est que la révolution doit être universelle et que, plus rapidement elle s’étendra, moins douloureuses seront les convulsions dont elle s’accompagnera. De quelle idée devrait s’inspirer cette révolution pour ne pas finir par une nouvelle barbarie ? Nous n’hésitons pas à répondre : de l’homme. Quand nous écrivons cela, nous pensons simplement à ceci, que la société est faite pour l’homme, et qu’une révolution accomplie au nom de l’homme et au service de l’homme a beaucoup de chances de restituer à la société sa véritable destination et son véritable caractère »

Qu’on ne se méprenne pas donc pas à notre égard : nous ne voulons pas pousser nos lecteurs et sympathisants au vote blanc ou, pire et plus hypocrite au vote sanction, non, nous voulons qu’ils s’imprègnent, où ils sont, dans ce qui fait leur quotidien, leur militance aussi, de ce qu’écrivait Elie BAUSSART : « Un régime n’est assuré de durer que si son principe, même vidé de tout dynamisme, se survit à lui-même comme une convention commode, que s’il bénéficie de ce minimum d’adhésion que constituent l’acceptation passive de ses formes et la paresse ou l’impuissance de les remplacer par d’autres »

Oui, une révolution anticapitaliste s’impose, oui, elle est possible.

Mais elle ne l’est que si les citoyens en aient conscience et, surtout, aient la volonté d’agir.

Comme disait TROSKY : « La vraie morale ne s’occupe pas de ce que nous pensons et voulons, mais de ce que nous faisons ».

Ce faisant, mai 2014 pourrait bien n’être plus, une fois encore, un simple miroir aux alouettes.

Bernard DE COMMER.

Comments

Comment from Bernard
Time 13 avril 2014 at 19 h 50 min

Commentaire de José FONTAINE sur Facebook:

Grâce à Bernard De Commer nous réentendons Baussart et que la Wallonie autonome n’est + quelque ch. qui mobilise et fait espérer Demotte en maire de Tournai et en cycliste du Tour des Flandres : on comprend que toute espérance politique aujourd’hui est morte.

Comment from Bernard
Time 25 avril 2014 at 13 h 14 min

TRES intéressant! Merci, Bernard. (Sylvaine DERONQUIER)