Elie Baussart

Conscience de Wallonie

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Bulletin n° 83 : En guise d’au revoir…

12 septembre, 2016 (09:53) | accueil | By: admin

Pour cette ultime publication de notre ASBL, il nous a semblé opportun de rappeler succinctement la pensée de Elie BAUSSART, ses combats, et de les mettre dans la perspective d’aujourd’hui et, surtout, de demain.

  1. Le militant wallon

Elie BAUSSART écrivait :«  (La Wallonie) va-t-elle, comme elle l’a fait jusqu’ici, continuer à identifier le bien commun de la Wallonie et le bien commun de la Belgique, celui-là étant toujours garanti quand celui-ci est assuré, ou, pour que ses fils aient la place et les possibilités qui leur reviennent dans la communauté nationale, va-t-elle définir et pratiquer une politique wallonne, à l’instar de la Flandre, qui poursuit, elle, une politique flamande ?

Je pense que nous  n’avons pas le choix. »

Longtemps, très longtemps, les politiques wallons ont identifié le bien de la Wallonie à celui de la Belgique. Il n’y a pas très longtemps encore,  le 23 novembre 2010, Paul MAGNETTE, par ailleurs Ministre-Président de la Région wallonne, à l’auditorium de l’UT de Charleroi où les régionalistes wallons tenaient leur assemblée générale, ironisait sur l’âge des participants, signifiant par-là que, selon lui, le Mouvement wallon avait pris un coup de vieux.

Et voilà que ce dernier, le 7 juin de cette année, déclare tout de go : « La Wallonie reste eunuque sans la compétence de la culture et de l’enseignement » Ni plus, ni moins que ce que la Manifeste  pour la culture wallonne  réclame à cor et à cris depuis 1983 ; relayé ensuite par le Manifeste pour une Wallonie maîtresse de sa culture, de son éducation et de sa recherche en 2003, document à la rédaction duquel en tant que Fondation nous avons activement travaillé.

Il existe donc toujours et plus que jamais un avenir pour l’idée wallonne que se faisait Elie BAUSSART : « Le régionalisme a horreur des constructions idéologiques qui violentent la géographie, l’histoire et la psychologie ; ce n’est pas lui qui proclamerait les droits de l’homme : il se défie des théories idéalistes parce que ses enquêtes et ses travaux lui ont appris à connaître la complexité de toutes les questions qu’on résout surtout par des approches successives où il entre beaucoup de bon sens et plus encore de bonne volonté.

 Le régionaliste est persuadé qu’on ne réforme pas la société par des décrets providentiels émanés d’un souverain ou d’une assemblée délibérante.

 Il croit ferme comme roc que le salut de la Wallonie, pour autant que nous ayons un Etat qui nous fasse respecter de l’étranger, assure la justice pour tous et la liberté de chacun, et ne se livre pas à des folles incursions sur des terrains où il n’a que faire, prendra naissance dans la Wallonie elle-même. C’est le Wallon, la famille wallonne, l’atelier wallon, la campagne wallonne qu’il faut réformer ou relever ou réorganiser et c’est de la combinaison de ces restaurations partielles que sera fait le renouveau de notre petite patrie » (La Terre wallonne) »

  1. Le militant politique

Une constante du combat politique chez Elie BAUSSART, c’est le rejet du capitalisme : « Supposé même que les iniquités passées ne soient plus qu’un souvenir et que leur retour soit désormais impossible, il ne faudrait pas se hâter de proclamer que la question sociale est résolue, que le procès du capitalisme est désormais sans objet, soit qu’il y ait prescription pour les fautes passées, soit qu’il y n’ait plus d’abus à lui reprocher » (ESSAI D’INITIATION A LA REVOLUTION ANTICAPITALISTE).

Le capitalisme se porte toujours à merveille ; on s’en accommode hélas trop facilement. La sociale démocratie est en perte de vitesse et n’arrive même plus à mettre des balises.

Brouillage de l’appartenance de classe, écrivions-nous dans le précédent numéro, brouillage du clivage droite/gauche : la gauche qui s’était constituée à partir de la critique marxiste du capitalisme, et qui était porteuse d’un projet de société, le socialisme, et qui durant longtemps a largement représenté les ouvriers et le peuple, est aujourd’hui tout à la fois totalement déconnectée des couches populaires, et n’a plus de projet alternatif à proposer sauf, comme le fit en son temps DI RUPO : sans nous ce serait pire.

Et ce capitalisme continue à faire des dégâts. CATERPILAR, entre autres, en est l’illustration.

  1. Le syndicaliste

Les mois de mai et juin dernier ont été particulièrement agités : manifestation pour le maintien d’un service public de qualité, grève des gardiens de prison francophones, les trains et les transports en commun qui ne roulaient guère, éboueurs en grève à certains endroits. Michel MEYER, pour la CGSP, déclarait : «  Tant que la politique du gouvernement restera la sienne, il y aura des actions. Ce sera la guérilla et s’il le faut nous irons au finish »

Elie BAUSSART écrivait :

« Tout d’abord, l’institution syndicale est une création proprement, strictement ouvrière. Ce sont les travailleurs seuls qui ont constitué ces groupements professionnels… avec leurs multiples services de contentieux, d’assurance, d’éducation, etc., avec tous les rouages d’une vaste et délicate administration, comparable à celle d’un ministère. Un ministère du travail dirigé par les ouvriers eux-mêmes, mais qui, au lieu au lieu de suivre la législation et les mœurs, précède et prépare celle-là, exprime et, en partie, informe (au sens scolastique) celles-ci…. Il s’agit d’obtenir, par les voies légales, les réformes juridiques qui amélioreront le sort des classes laborieuses et faciliteront l’accès de leurs fils à tous les degrés de la vie sociale. Il s’agit, parallèlement, de préparer la prise du pouvoir, qui leur permettra de réaliser les réformes de structure préalables à la transformation du régime » (Essai d’initiation à la Révolution anticapitaliste, 1938)

On en est évidemment loin.

  1. Le militant pour la paix

« J’ai tué pour défendre mon pays, non pour le vain prestige de la victoire, mais parce que, lui défait, c’était des millions d’êtres voués à l’humiliation, à la souffrance, à une manière de servitude. Et parce que, vaincu, il eût vécu dans la haine et préparé une nouvelle guerre qui eût coûté, de nouveau, des flots de sang. Mais j’aurais brisé mon fusil si j’avais su que mon pays dût, victorieux, imposer à un autre pays un joug dont il ne voulait pas pour lui, une injustice pareille à celle contre laquelle il luttait » (LA TERRE WALLONE).

Elie BAUSSART n’était donc pas un pacifiste naïf, mais il soulignait par là qu’il est facile de gagner une guerre que de gagner une paix. L’histoire et l’actualité l’illustrent à souhait.

  1. Le croyant

Dans les années 60, des hommes profondément religieux prenaient appui sur leur foi pour un monde plus juste. Pensons à Marthin Luther King et son combat pour les droits des noirs aux USA, à Desmond TUTU en Afrique du sud.

Elie BAUSSART écrivait : « Notre qualité de créatures à l’image de Dieu, notre prédestination, notre rédemption par le Christ, constituent l’homme dans un état d’exceptionnelle grandeur, sans comparaison avec les autres êtres.

 La personne est un tout, une autonomie qui, comme telle, a le droit de disposer de toute la création, ordonnée à son salut, et de toutes les œuvres des hommes qui doivent s’ordonner à sa fin dernière. Ainsi en va-t-il de l’Etat et des sociétés naturelles intermédiaires que l’homme a créées ou peut créer.

 Tout donc, dans l’ordre social, doit concourir, directement ou indirectement, au bien de l’homme, tant du point de vue du bien temporel, -et la liberté, notamment, est un bien temporel, – que du point de vue surnaturel. »(Essai d’initiation à la Révolution anticapitaliste, 1938).

Certains, aujourd’hui, mettent leur foi au service d’une radicalisation où Dieu lui-même ne s’y retrouve plus.

Et pour conclure.

Comme on peut le voir, la pensée d’Elie Baussart, ses combats que nous avons illustrés depuis la création de la Fondation en 1987, devenue ASBL en 1999, sa pensée, ses combats ont encore de beaux jours devant eux.

C’est évidemment avec regret que nous mettrons fin à l’existence de notre ASBL en décembre. Ce n’est pas par manque d’envie, mais par nécessité, notre conseil d’administration se résumant au fil des années à une peau de chagrin. Des fondateurs de 1987, il ne reste plus que Yves DE WASSEIGE actif au sein de notre ASBL. La plupart des autres sont décédés, dont Jean DORZEE le premier président. Il n’y a pas eu de relève. Mais la perpétuation de la mémoire d’Elie BAUSSART, qui était notre objectif premier, ne doit pas être entendue comme la vénération d’un personnage disparu, aussi extraordinaire fut-il dans tous les aspects de sa personnalité et de son activité humaine. Cette mémoire doit s’ancrer dans le temps présent ; elle doit être mise à l’épreuve des réalités actuelles, servir de référentiel. Elie BAUSSART était un homme de son siècle : certains aspects de son œuvre n’ont plus rien de commun avec nous, ils appartiennent au passé. D’autres, par contre, font fi des clivages temporels, et restent particulièrement interpelants pour nous en ce début de 21ème siècle. C’est cet héritage que l’ASBL a voulu mettre en avant, un héritage qui peut encore fructifier et s’enrichir des acquis de ce temps quand bien même l’ASBL disparaît. Toute la vie d’Elie BAUSSART fut d’ailleurs en perpétuelle évolution : il n’eût pas compris qu’on fige sa pensée.

Cette pensée a non seulement été reconnue sans que nous le sollicitions quand Elie BAUSSART fut élevé au rang de officier du Mérite wallon, distinction dont l’objet est de consacrer la reconnaissance des autorités wallonnes envers toute personne, physique ou morale, dont le talent ou le mérite fait honneur à la Wallonie dans une mesure exceptionnelle et contribue d’une façon significative à son rayonnement. Mais elle continue, nous en sommes convaincus, comme la graine de sénevé des Evangiles, à grandir et à élargir son champ d’action. En témoignent le nombre de visiteurs de notre site (dont beaucoup de Flamands), site qui va perdurer au-delà de la dissolution. Et donc nous vous invitons à le visiter de temps à autre sur eliebaussart.org. qui restera disponible au moins pour dix ans.

Et mettons un point final avec ce trait d’humour d’Elie BAUSSART : « Les idées sont de belles filles, saines, séduisantes » mais qui « ont couru les chemins » et qui forcément risquent de faire « de mauvaises rencontres ».

Restons donc dans cette vigilance à laquelle nous invite Elie BAUSSART. C’est sans doute la meilleure leçon que nous puissions tirer de son œuvre, de sa vie.

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