Elie Baussart

Conscience de Wallonie

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Biographie

Elie Baussart en Bref…

Biographie

Sur sa tombe, Elie BAUSSART a fait graver cette courte phrase de l’Evangile de Matthieu : «  Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants ».  Comme Matthieu le fit pour sa propre communauté, Elie BAUSSART passera l’essentiel de sa vie à réfuter le Dieu des morts que tente d’imposer au monde un catholicisme institutionnel sclérosé, devenu aux mains de la bourgeoisie un véritable instrument d’oppression sociale plutôt que le fondement d’une libération, un christianisme de plus en plus asservi à des desseins politico-économiques et paralysé dans des structures de piliers dont nous sortons à peine, et timidement ! à l’aube du 21ème siècle.

 

Rien ne prédestinait pourtant ce fils de forgeron peu fortuné, né à Couillet, le 16 décembre 1887, en plein cœur du bassin houiller et sidérurgique de Charleroi, à devenir véritablement une conscience de son temps. Après des études moyennes chez les Jésuites, dans la section moderne, moins prisée alors que la section gréco-latine, Elie BAUSSART se voit contraint de subvenir à ses besoins. Il entre dans un bureau d’employés. Toutefois, il va parfaire sa formation soutenu en cela par ses anciens professeurs qui ont vu en lui un élément particulièrement brillant, et aussi d’une manière autodidacte par ses lectures (sa bibliothèque était phénoménale) et se frottant à la pensée d’hommes tels que Léon BLOY et BARRES. En janvier 1909, il revient au Collège qu’il avait quitté quelques années auparavant, et qu’il ne quittera plus avant l’âge de la retraite, mais cette fois comme professeur. Cette longévité dans un Collège comme celui des Jésuites est déjà une performance en soi, quand on sait l’intense activité syndicale, littéraire, politique qu’Elie BAUSSART mènera en parallèle à ses activités professionnelles. Et qu’il mènera à visage découvert, à l’opposé même parfois des valeurs prônées par cette bourgeoisie traditionaliste dont il a pour mission d’éduquer les fils.

Son premier combat significatif, il le mènera sur un plan syndical. En juillet 1914, il est élu président du Syndicat des Employés et Voyageurs du Bassin de Charleroi, qu’il vient de fonder. Eclate un mois plus tard la Grande Guerre. Réformé pour raison médicale quelques années plus tôt, Elie BAUSSART tentera en vain de souscrire un engagement volontaire. Deux années auparavant, il avait épousé Valentine CASTELAIN, une jeune française, avec qui il s’était installé à deux pas du Collège, à la Rue d’Assaut.

Au lendemain de la guerre, en 1919, Elie BAUSSART fonde la revue Terre wallonne qu’il dirigera jusqu’en 1940 et qu’il définit alors comme catholique et régionaliste. C’est la seconde facette de son militantisme. Dès 1921, il est Membre de l’Assemblée Wallonne, puis, en 1930, de la Concentration wallonne par laquelle il se positionne pour le fédéralisme. Mais Elie BAUSSART ne peut rester muet face à l’actualité dans le monde et en Belgique : la Révolution russe de 1917, le Traité de Versailles en 1919 et les vains efforts de la S.D.N. pour instaurer une paix durable ; la même année, chez nous, le suffrage universel (masculin) qui va bouleverser la donne politique, la naissance du Parti communiste, l’expansion des syndicats et les premiers cabinets de coalition ; l’expérience fasciste de MUSSOLINI en Italie, la grande crise économique de 1929 et la lente marche vers un second conflit mondial. En 1930, Terre Wallonne s’ouvre plus largement au social, au politique, à l’international. Durant dix années, aidé par des Jules DESTREE ou des MAURIAC, entre autres, Elie BAUSSART n’aura de cesse de s’insurger contre la montée du nazisme en Allemagne, l’arrivée au pouvoir d’HITLER en 1933, la guerre d’Espagne (il sera un des rares catholiques à stigmatiser le soutient de la majorité des autorités catholiques à FRANCO), le rexisme de DEGRELLE, à s’interroger sur l’expérience du Front Populaire en France en 1936. En 1938, il publiera un ouvrage-clé de sa pensée : Essai d’Initiation à la révolution Anticapitaliste. C’est l’heure des choix autour de lui : fascisme ou communisme en réponse au capitalisme. Elie BAUSSART, stigmatisant l’un et l’autre, remet l’homme au cœur de la société. C’est une troisième voie qu’il préconise, une voie humaniste où les travailleurs asserviront le capital à leurs intérêts sans être asservis eux-mêmes par une bureaucratie oppressante. Les chrétiens auront leur pierre à apporter à l’édifice commun, architecture dont ils n’ont pas à revendiquer l’apanage ou le propriété. Cette même année, dans Terre Wallonne, il publie deux articles Equivoques et contradictions du parti catholique et Pour un nouveau parti où il souhaite le regroupement de « ceux qui rejettent le libéralisme individualiste, condamnent le marxisme ou répugnent à l’aventure rexiste ». On se s’étonnera pas, dès lors, quelques années plus tard, en 1944, de le retrouver mêlé à l’expérience de l’U.D.B.

En 1941 meurt Valentine, à près de 50 ans, dont 20 passées en souffrances. Découvrant alors son journal spirituel, Elie BAUSSART est confronté à une véritable révélation, celle de la sollicitude divine, révélation qui le marquera jusqu’à sa mort. Il publie, sous le pseudonyme de V. DUCHATEAU, De la Souffrance à l’Amour où il raconte la vie de la défunte. Parlant de cette révélation à lui-même, quelques années plus tard, il écrira : « Sans cet anéantissement, l’aurait-il jamais reconnue ! ».

Ce coup du sort, loin de l’abattre, lui redonne une énergie sans égale. En 1945, il est membre du mouvement Rénovation, il adhère aux positions du Congrès national wallon. En 1946, il soutient les prêtres ouvriers, fonde d’Ecole des Délégués d’Entreprise, puis l’Institut de Culture Ouvrière. Un retour à ses amours de jeunesse, en quelque sorte. Sur la question royale en 1950, il s’exprimera très clairement contre le retour de LEOPLOD III, se plaçant délibérément en porte à faux par rapport aux milieux catholiques. De 1950 à 1957, Elie BAUSSART s’adressera aux travailleurs sur les ondes de Radio Hainaut.

En 1953, il épouse ne secondes noces Suzanne SOTTIAUX. Un an auparavant, il a adhéré au Mouvement chrétien pour la Paix. En 1954, il prête sa plume à la chronique internationale de Route de Paix. Son militantisme s’est enrichi d’une cause supplémentaire. Il vient de publier, un an auparavant Le Porche d’Argent – il a 66 ans – et y aborde sa propre mort, sans relâcher pour autant le moins du monde ses activités. En 1955, il écrit Adieu à la Démocratie chrétienne, un autre document-clé de sa pensée mais qui ne trouvera aucun éditeur. Il faudra, en effet, attendre 1973 et l’ouvrage de Jean de NEUVILLE pour que le public y ait accès. Adieu à la démocratie chrétiennecèle le divorce d’avec ce Dieu des morts qu’on a tenté de lui imposer des années durant. L’œuvre d’Elie BAUSSART, son combat ont trouvé leur conclusion, leur épanouissement suprême. Sa propre finitude, dès lors, va frapper à sa porte : il meurt le 30 décembre 1965. Ceux qui accompagneront sa dépouille au cimetière de Loverval ne pourront s’empêcher de se remémorer ces quelques lignes écrites de sa main une dizaine d’années plus tôt : «  Il avait peu de besoins et Dieu ne lui avait pas donné de fils. Sa maison, son travail suffisaient à sa joie. Il eut, comme tous, son lot de bonheur et de peine – à quoi bon évaluer quelle part fut la plus généreuse ?… Un jour, passant par le chemin de tout le monde, il franchira la porte, tout seul. Quelle que soit leur tendresse, quelle que soit leur fidélité, personne de ceux qui l’aiment ne passera avec lui… Le temps, ce temps qui fut notre pâques, notre passage, n’est plus. Tout est éternellement aujourd’hui, un aujourd’hui plein de la présence de Dieu – ou de l’absence de Dieu – angoissante alternative, si tu n’existais pas, petite fille Espérance » (LE PORCHE D’ARGENT).

Tout comme ils ne pourront s’empêcher, quelques années plus tard, en 1987, année où Suzanne rejoignait Elie au-delà de la Porte d’Argent, année aussi où Elie BAUSSART aurait eu cent ans, tout comme ils ne pourront s’empêcher de revivifier cette « petite fille Espérance » d’un « éternellement aujourd’hui » en créant la Fondation qui porte son nom. Preuve, s’il devait en être besoin, que Dieu est réellement le Dieu des vivants, à leurs yeux, comme il le fut aux yeux d’Elie BAUSSART.

Il avait d’ailleurs fait graver dans le bois de son bureau, juste après la mort de Valentine:

« Rien n’est brisé… tout continue ».

La Fondation, devenue ensuite ASBL, continue l’action d’Elie BAUSSART.

Rien n’est jamais brisé.

Le 13 septembre 2012, le Gouvernement wallon élevait Elie Baussart au grade d’Officier du Mérite wallon pour « son action remarquable en faveur de la conscience et de l’autonomie wallonne ».

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