Elie Baussart

Conscience de Wallonie

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Témoignages

Funérailles de Jean DORZEE.

 

Texte lu par Jean BOSMANS (mars 2015)

Veilleur-éveilleur : ce sont des mots qui peuvent convenir à Jean DORZEE.

Veilleur : oui, car il une attention, une curiosité inépuisables pour l’état, l’évolution du monde.

Au travers des livres, de la presse écrite, de la télévision: il a toujours cherché à comprendre les processus à l’oeuvre, les enjeux de société.

Eveilleur. Oui, car il avait la passion de transmettre : comme professeur au collège des Jésuites à Charleroi, à l’Isco , comme formateur aux syndicats chrétiens, comme président de la fondation Baussart (dont il fut l’un des initiateurs) et d’autres lieux sans doute dont je n’ai pas connaissance.

Transmettre tout ce qui peut aider à démonter la pensée unique ainsi que ce qui peut contribuer à bâtir une société plus juste.

Il s’efforçait également à rendre le fruit de ses recherches accessible au plus grand nombre par la parole et par l’écrit.

Non seulement il transmettait mais il s’engageait aussi. Pour les plus faibles, pour la Wallonie, pour la paix. C’est dans le cadre de ces engagements qu’il s’est toujours fortement investi dans la présidence de notre a.s.b.l. (ex-Fondation Elie BAUSSART).

Sa quête spirituelle aussi était insatiable. Une quête ouverte, sans a-priori : Carl Gustav Jung, maître Eckhardt, Arnaud Desjardins, Mathieu Ricard, Tich Nat Han, Hermann Hesse, Karlfried Durckheim, Christian De Duve, Albert Jacquard, Edgard Morin, René Girard et tant d’autres…
Merci, Jean,
Elie BAUSSART, l’oncle…

Je vous écris, bien sûr, au sujet d’Elie Baussart car sa première    épouse, Valentine Castelain, était ma grand-tante – la sœur de mon    grand-père paternel.

J’ai toujours vécu en France, mais je suis resté proche de la    Belgique où, enfant, je passais mes vacances. J’ai ainsi le souvenir    lointain et imprécis d’être allé visiter « oncle Elie ». Beaucoup plus    tard, maintenant, je retrouve ce passé car, après le décès de mon    père, puis celui de ma mère il y a quelques mois, j’ai du ranger de    nombreux papiers avant de vider leur maison.

J’ai ainsi trouvé des photos de jeunesse d’Elie et de Valentine qui    pourraient éventuellement vous intéresser.

(Jean-Pierre CASTELAIN)

Elie Baussart, l’homme, par Jean DORZEE.

L’influence d’Elie Baussart, acteur wallon et acteur social, a été mise largement en valeur par Willy Bal et Hubert Dewez. Bernard Stenuit a eu l’heureuse initiative de nous faire connaître dans ce livre le rôle important joué par le professeur.
Je voudrais, moi, dans cette préface, donner une vue globale, panoramique de toutes les activités d’Elie Baussart, si c’est possible – elles sont si nombreuses – et y inclure celle de professeur ainsi que la place importante de cette activité dans sa vie.
Pour mieux comprendre, je replacerai cette action dans le contexte du 20ème siècle. Ensuite, dans une seconde partie, j’insisterai sur la source de cette action, la personnalité d’Elie Baussart, sur l’Homme et le Croyant.
Vous y découvrirez de temps à autre une note plus personnelle du collègue et de l’ami.

Les activités sociales et wallonnes.

Nous sommes au XXème siècle, dans l’entre-deux guerres. C’est l’époque de la bourgeoisie capitaliste triomphante, maîtresse de tous les leviers de commandes politiques et économiques de la Belgique.
Face à elle, une classe ouvrière qui essaie de sortir de sa situation précaire, se groupe en syndicats et cherche une expression politique.
C’est l’époque où le peuple flamand et le peuple wallon ne sont guère respectés dans une Belgique uni-
tariste.
La démocratie est menacée partout en Europe, par le fascisme en Italie, l’hitlérisme en Allemagne, le communisme en Russie et le rexisme chez nous.
Les valeurs traditionnelles, surtout portées par l’Eglise catholique, sont difficilement supportées, parce que imposées par des structures rigides et des dogmes pesants. Un pays cloisonné dans ses piliers : catholique, socialiste, libéral. Une société stable, rassurante mais figée, qui se devait d’évoluer
pour répondre aux aspirations profondes de la population surtout de la plus pauvre.
Face à cette société se dresse un homme qui a l’audace de s’opposer aux puissances d’argent et aux structures étouffantes de l’époque, un homme libre qui a adressé à ses contemporains un message de liberté et de démocratie en avance souvent sur la mentalité de l’époque. et lui donner une expression politique *.
Je rappellerai deux faits mémorables qui caractérisent bien le personnage :
– la lutte épique entre E.B.et le cardinal de Malines qui voulait imposer aux agriculteurs wallons l’emprise néfaste du Boerenbond flamand.
– ses différends avec l’évêque de Tournai qui lui reprochait ses prises de position pour les « rouges »… des athées face aux très catholiques partisans de Franco.
Une anecdote.
Un soir, à la fin d’une réunion, un interlocuteur vantait les mérites de Léopold II, « le grand bienfaiteur du Congo ». Elie devint blanc comme un linge, maîtrisant avec peine sa colère, murmura les dents serrées : « Léopold II, l’esclavagiste ! ». Et nous vîmes défiler sous nos yeux la longue cohorte des esclaves noir enchaînés.

*Willy Bal : « La faillite de 1830. Elie Baussart et le mouvement régionaliste. » Editions Vie Ouvrière.
*Jean Neuville : « Adieu à la démocratie chrétienne. Elie Baussart et le mouvement ouvrier ». Editions Vie Ouvrière.
(Son activité de pacifiste et ses prises de position sur le plan international n’ont pas encore été explorées)
E.B. réagissait aux événements par la plume au jour le jour dans les journaux, dans des revues, par des dossiers plus fouillés mais s’impliquait aussi dans l’action, dans les syndicats, dans les initiatives de l’Eglise, etc.
E.B. fut un annonciateur d’un monde nouveau, un prophète mais aussi un pionnier qui posa les jalons d’autre société plus humaine.
Cette activité débordante aurait pu, à elle seule, remplir toute une vie et pourtant, pendant 45 ans, il exerça le métier de professeur avec ses exigences de tous les jours, ses prestations quotidiennes, ses préparations minutieuses, ses contacts nombreux. Cette profession absorbante joua un rôle très important chez lui.
Je le vois encore, à la fin de sa vie, planté devant le vieux bâtiment du collège, boulevard Audent, lais-
sant échapper cette parole du plus profond de lui-même : « C’est toute une partie de moi-même qui est enfouie dans ces vieux murs ».
Bernard Stenuit a lu les écrits d’E.B., a fouillé les archives du « Fond Baussart », interviewé les rares survivants de cette époque et nous restitue l’essentiel de son activité professionnelle et le rayonnement de celle-ci.
Vous accepterez ici une note personnelle de l’auteur de cette préface, collègue d’E.B. Il vous invite à assister à l’un de ses cours.
« Entrons à l’improviste dans la classe où il donne son cours d’histoire. Suivons du regard ce grand Monsieur à la barbe soignée, qui, droit comme un I, arpente, d’un pas décidé, les couloirs entre les rangées de bancs.
S’appuyant sur une préparation minutieuse, libéré de toute érudition vaine, il recourt à l’anecdote qui fera mieux comprendre le sens de l’événement. Ecoutons cette voix forte et décidée qui s’oppose à tout assoupissement. Il n’a rien d’un professeur qui récite d’une voix monotone un sujet cent fois ressassé ; il sait agrémenter son récit d’un rire contagieux et se permet parfois des plaisanteries frôlant la gau-
loiserie. »
Qui aurait pu soupçonner sous cette attitude désinvolte et souriante un homme écartelé entre ses convictions profondes et le milieu conformiste qui l’obligeait à une retenue dont il ne se départit jamais.
Comment El. B. le progressiste, pourfendant les structures politiques et religieuses de son pays, va-t-il se comporter comme professeur face à de jeunes bourgeois fortunés dans le milieu conservateur d’un collège des Pères jésuites ( c’est heureusement changé actuellement) ?
Notons tout d’abord qu’il donne cours en humanités modernes, section défavorisée par rapport aux humanités anciennes qui « tiennent le haut du pavé » au collège du Sacré Cœur.
Il s’adresse à des étudiants souvent méprisés par le public bourgeois de l’autre section. Il fut la chevil- le ouvrière de celle-ci qu’il tint à bout de bras jusqu’à sa suppression en 1947.
Un cours n’est pas un discours politique ou syndicaliste. E.B. s’attache à l’objectivité des faits qu’il s’ingénie à faire comprendre et à en dégager toute la partie humaine. Défenseur de l’Homme, il ne peut évidemment s’empêcher de stigmatiser les événements bellicistes de l’histoire et ne se g^ne pas pour vilipender tel monarque absolu qui selon son expression « ne valait pas tripette ».
E.B. n’a pas utilisé sa chaire de professeur comme une tribune pour exposer ses idées personnelles si différentes de la mentalité de l’institution dans laquelle il enseignait et encore moins pour faire de ces jeunes esprits des propagandistes contestataires.
Bernard Stenuit a bien décrit les péripéties de ses démêlés avec le recteur de l’établissement, le Père Plaquet, et la position inconfortable de l’homme, qui jamais ne fit de concessions sur ce qu’il pensait.
Elie Baussart, sa vie personnelle de croyant.

L’évolution de l’Eglise et les engagements qu’il prit dans le tiers ordre franciscain et les fraternités de Foucauld surtout eurent une grande influence sur lui mais deux personnages féminins marquèrent profondément sa foi. Dans ce domaine aussi nous retrouvons Elie le vivant, qui évolua.
Elie fut toujours un chrétien fervent : fréquentation des sacrements, ascétisme rigoureux, retraites à la Trappe, vision du monde altruiste, droiture de vie, honnêteté intellectuelle, honnêteté tout court : il ne badine pas avec les obligations du chrétien. Vint alors l’influence de Valentine qu’il épousa en 1912.
Une femme exceptionnelle, débordante de vitalité, de charité, de don d’elle-même à son mari et à tous ceux qu’elle rencontrait.
Une vie tourmentée par la souffrance : l’impossibilité d’avoir un enfant, une santé délabrée, minée par une mystérieuse maladie. Cette souffrance, elle l’accueillit comme une grâce, ce qui la fit croître dans un amour divin avec toutes les caractéristiques d’un mysticisme authentique.
Elie aura la révélation de cette personnalité si riche surtout après sa mort et se reprocha d’avoir si peu correspondu à son amour. Se développe alors chez lui une soif de vie personnelle encore plus profonde et un désir de correspondre à l’appel divin.
Il écrivit la vie de la défunte dans un livre qu’il intitula « De la souffrance à l’amour » sans se douter qu’il exprimait ainsi la voie qui allait être la sienne dans les dernières années de sa vie.
La mort de Valentine en 1941 le laissa désemparé.
Cet être sensible, même s’il dissimulait ses sentiments comme la plupart des hommes de cette époque, ne pouvait vivre seul.. Il épousa en seconde noce en 1953 Suzanne qui fut pour lui, selon son expression, son rayon de soleil. Nous ajouterons la grâce de sa vie, ce qui avait été vrai aussi pour Valentine. Suzanne avec qui il fit la découverte d’un amour divin incarné dans un amour humain. Suzanne qui accepta avec une patience infinie de se heurter au caractère autoritaire de son mari.
Suzanne qui l’aida à remplir les longues heures de ses après-midi, le conduisant en voiture, lui, le vieillard « diminué » à travers la campagne wallonne à laquelle il était si attaché.
Suzanne et Valentine furent les deux « fées » qui inspireront l’Homme et le Croyant. Il écrivait dans son journal intime « Passé la journée d’hier en commun avec Valentine ».

Elie eut bien du mal à accepter sa vieillesse : lui, le « grand monsieur » qui avait dominé son siècle de sa haute stature intellectuelle et de son intelligence subtile, il dut renoncer à synthétiser sa pensée et à l’exprimer dans la belle langue française qui était la sienne.
Extraits de son journal en 1959 :
« Confession d’un vieil homme qui réalise depuis des mois l’affaissement de ses moyens et de ses facultés et suit les progrès actuellement rapides d’une sorte de décomposition de mon être. C’est horrible à certaines heures ».
« Quoi d’étonnant que je sois impatient, irritable, amer, insociable (sociable , je ne l’ai jamais été beaucoup), agressif – autant de formes à travers lesquelles je me sens malheureux. Le mot est écrit, je ne le biffe pas. Je le serais continuellement, n’était la présence de Suzanne. Il suffit qu’elle rentre de son travail, qu’elle soit ici, pour que l’atmosphère soit changée et que je me sente tout autre ».
C’est dans la peine, la souffrance, la nuit noire, proche souvent du désespoir, qu’il vécut les dernières
années de sa vie avec des sursauts de foi, cette foi qui lui permet de continuer son chemin ici-bas.
Il expérimente la voie suivie par Valentine (« De la souffrance à l’amour »)
« Samedi saint.
La grâce du Seigneur –toujours elle, présente et agissante, aux moments décisifs- a transformé en prière d’espoir ce cri d’impuissance presque de désespoir. Après ces mots de découragement, je me suis rendu à l’église et là, dans la nuit, j’ai confessé ma faiblesse et ma lâcheté et j’ai crié au secours. et le Seigneur m’a répondu ».

Je vous avouerai que j’ai reçu un choc ( ma femme également qui m’a aidé dans ce travail ) en lisant le journal intime d’Elie Baussart (années 1959-1960). Faut-il livrer au grand public ces paroles de désespoir –désespoir surmonté- mais désespoir tout de même ? Ce texte si peu médiatique ne risquait-il pas de ternir la mémoire du grand homme et d’obscurcir les « hauts faits » rappelés dans la première partie de ce travail.
Doutes vite surmontés.
Tout homme dans son existence terrestre est confronté à sa fragilité, un jour ou l’autre. Il est grand s’il est capable de regarder cette fragilité en face, en pleine conscience et de la concilier avec cette autre réalité, sa grandeur.
« La conquête de soi est plus glorieuse que les victoires sur les champs de bataille de l’histoire ».
Ce combat intérieur révèle à quelle trempe d’homme il appartenait.
Il mourut après une longue et pénible maladie en 1965. Il repose au cimetière de Loverval à côté de Valentine et de Suzanne. Il avait voulu que soient gravées sur sa tombe les paroles de l’évangéliste Matthieu : « Je ne suis pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants »

Les élèves de ce remarquable professeur, conscients d’avoir rencontré un Homme, un vrai, étaient remplis de respect pour Elie Baussart. Beaucoup d’entre eux adhèrent actuellement à la Fondation, qui porte son nom, et qui veut perpétuer son action.


Courriers d’Elie BAUSSART…

 


Cette lettre a été adressée à J. VAN LIERDE, le 5 octobre 1951, alors que ce dernier est emprisonné à Forest pour avoir refusé de faire son service militaire. Il faut souligner que, à l’époque, l’objection de conscience n’était pas reconnue et que le discours majoritaire n’allait pas dans ce sens-là. Se positionner comme l’a fait Elie BAUSSART, oser aller à contre courant de l’air du temps n’allait pas de soi. La version manuscrite de cette lettre a été reproduite dans le BULLETIN n°15 de mars 2003.

Loverval, près Couillet.
5 octobre 1951.

 


Cher monsieur,


Je voudrais me permettre de vous exprimer ma profonde sympathie,
et pour vos idées, si énergiquement et si noblement exprimées devant le c.de g. ; et pour l’exemplaire leçon d’efficacité que vous donnez en montrant la voie d’une action au service de la pensée ; et pour la victoire que vous préparez à l’objection de conscience dont la loi ne pourra plus guère différer de reconnaître la légitimité.
Je ne me serais pas autorisé à vous envoyer ce témoignage si je n’avais eu le plaisir de vous voir à une réunion de Témoignage chrétien (NDLR : souligné dans le manuscrit), chez notre ami Jules Gérard. Vous n’étiez pas pour moi un inconnu- quêtes-vous maintenant !
Ma pe,sée rejoint la vôtre pour prier le Prince de la Paix.
Croyez, je vous prie, à mes respectueux et dévoués sentiments.
Elie Baussart. 

Autre courrier qui nous est parvenu, dactylographié par lui-même sans doute à en juger par le nombre de fautes de frappe et signé de sa main. Daté du 10 septembre 1955, il est adressé à J. VAN LIERDE militant pour la paix et objecteur de conscience. Il nous montre le pragmatisme dont Elie BAUSSART savait se prévaloir et sa détermination à défendre ce qu’il estimait la juste voie. Il y est fait allusion à un article de J. VAN LIERDE et aussi aux pressions, voire aux mesures de rétorsion que faisait peser la hiérarchie catholique sur ceux qui osaient tenir un discours différent du sien.
Mon cher Jean,

J’ai lu attentivement les trois articles que vous m’avez soumis.

Goa. Pologne. D’accord.

Le Dégel. J’ai lu et relu votre article. Faute de pouvoir faire plus, j’ai lu à Yves ( N.D.L.R : sans doute de WASSEIGE, toujours membre de la Fondation), le par. (N.D.L.R. : paragraphe, sans doute). De Florence à Helsinki, qui me paraît litigieux.

D’accord sur le fonds, nous regrettons le ton, sinon agressif, pour le moins polémique, que vous employez lorsque vous parlez des positions de la hiérarchie catholique en face de la guerre, et spécialement en raison de son appartenance nationale. Le fait est troublant, certes, mais la leçon que vous lui faites est tellement véhémente…
En haut de la page 3, vous présupposez comme impératif moral  » le devoir éventuel de désobéissance civile aux Etats qui mobilisent les chrétiens dans leurs armées afin de préparer la guerre  » Non seulement ce présupposé n’appartient pas à la doctrine morale de l’Eglise et est loin d’être admis par la communauté chrétienne ; il est actuellement le fait d’une minorité en avance et qui ne peut efficacement agir que par persuasion, surtout pas par aucune espèce d’injonction à l’autorité.
La mise en garde de Malines l’an dernier (N.D.L.R. : le cardinal VAN ROY) est un avertissement qu’il ne faut pas prendre à la légère ; Routes de Paix est suspect, par conséquent surveillé, surtout dans le contexte actuel (Quinzaine, chrétiens progressistes…). De grâce, évitons d’avoir à vivre le drame des amis de Quinzaine, que j’ai vu de près, avec le trouble de certaines consciences et le retentissements sur l’action ! Nous devons éviter toute justification ou tout prétexte à une censure qui poserait à chacun une question de conscience, outre qu’elle restreindrait nos chances de pénétration dans les milieux catholiques, notre milieu naturel de rayonnement. Tel est aussi le sentiment d’Yves. Je souhaiterais que vous preniez l’avis de Ladrière.
D’accord avec vous sur les grandes lignes d’une action pour la paix -ai-je besoin de vous le dire ? – et en toute amitié fraternelle, je suis obligé de vous mander que, si vous publiiez cet article sans une sérieuse revision de son expression, je ne pourrais vous donner la chronique sur l’Afrique du Nord. Je devrais aussi vous prier d’enlever mon nom de la liste des membres du C. de direction. Je m’excuse d’être si net, mais l’affaire me paraît importante.
présentez mon respectueux et cordial souvenir à Claire.
Bien fraternellement.
Elie Baussart.

P.S. Je vous rappelle mon vif souhait d’un article qui définirait une attitude en face des conditions faites à l’Eglise dans les démocraties populaires et en U.R.S.S, non par souci d’un balancement tactique, mais comme expression du déchirement du chrétien entre sa communion vitale avec l’Eglise et un devoir de présence active dans l’édification d’un nouveau monde. M.C. Grafé touche au problème ; il faudrait l’exposer une bonne fois dans sa réalité et son ampleur.


Quelques témoignages….

Un premier témoignage, celui de J. DORZEE, notre premier président, collègue et ami d’Elie BAUSSART.

 

Elie BAUSSART, sa vie personnelle de croyant.

Jean DORZEE.
L’évolution de l’Eglise et les engagements qu’il prit dans le tiers ordre franciscain et les fraternités de Foucauld surtout eurent une grande influence sur lui mais deux personnages féminins marquèrent profondément sa foi. Dans ce domaine aussi nous retrouvons Elie le vivant, qui évolua.
Elie fut toujours un chrétien fervent : fréquentation des sacrements, ascétisme rigoureux, retraites à la Trappe, vision du monde altruiste, droiture de vie, honnêteté intellectuelle, honnêteté tout court : il ne badine pas avec les obligations du chrétien. Vint alors l’influence de Valentine qu’il épousa en 1912.
Une femme exceptionnelle, débordante de vitalité, de charité, de don d’elle-même à son mari et à tous ceux qu’elle rencontrait.
Une vie tourmentée par la souffrance : l’impossibilité d’avoir un enfant, une santé délabrée, minée par une mystérieuse maladie. Cette souffrance, elle l’accueillit comme une grâce, ce qui la fit croître dans un amour divin avec toutes les caractéristiques d’un mysticisme authentique.
Elie aura la révélation de cette personnalité si riche surtout après sa mort et se reprocha d’avoir si peu correspondu à son amour. Se développe alors chez lui une soif de vie personnelle encore plus profonde et un désir de correspondre à l’appel divin.
Il écrivit la vie de la défunte dans un livre qu’il intitula  » De la souffrance à l’amour  » sans se douter qu’il exprimait ainsi la voie qui allait être la sienne dans les dernières années de sa vie.
La mort de Valentine en 1941 le laissa désemparé.
Cet être sensible, même s’il dissimulait ses sentiments comme la plupart des hommes de cette époque, ne pouvait vivre seul.. Il épousa en seconde noce en 1953 Suzanne qui fut pour lui, selon son expression, son rayon de soleil. Nous ajouterons la grâce de sa vie, ce qui avait été vrai aussi pour Valentine. Suzanne avec qui il fit la découverte d’un amour divin incarné dans un amour humain. Suzanne qui accepta avec une patience infinie de se heurter au caractère autoritaire de son mari.
Suzanne qui l’aida à remplir les longues heures de ses après-midi, le conduisant en voiture, lui, le vieillard  » diminué  » à travers la campagne wallonne à laquelle il était si attaché.
Suzanne et Valentine furent les deux  » fées  » qui inspireront l’Homme et le Croyant. Il écrivait dans son journal intime  » Passé la journée d’hier en commun avec Valentine « .

Elie eut bien du mal à accepter sa vieillesse : lui, le  » grand monsieur  » qui avait dominé son siècle de sa haute stature intellectuelle et de son intelligence subtile, il dut renoncer à synthétiser sa pensée et à l’exprimer dans la belle langue française qui était la sienne.
Extraits de son journal en 1959 :
 » Confession d’un vieil homme qui réalise depuis des mois l’affaissement de ses moyens et de ses facultés et suit les progrès actuellement rapides d’une sorte de décomposition de mon être. C’est horrible à certaines heures « .
 » Quoi d’étonnant que je sois impatient, irritable, amer, insociable (sociable , je ne l’ai jamais été beaucoup), agressif – autant de formes à travers lesquelles je me sens malheureux. Le mot est écrit, je ne le biffe pas. Je le serais continuellement, n’était la présence de Suzanne. Il suffit qu’elle rentre de son travail, qu’elle soit ici, pour que l’atmosphère soit changée et que je me sente tout autre « .
C’est dans la peine, la souffrance, la nuit noire, proche souvent du désespoir, qu’il vécut les dernières
années de sa vie avec des sursauts de foi, cette foi qui lui permet de continuer son chemin ici-bas.
Il expérimente la voie suivie par Valentine ( » De la souffrance à l’amour « )
 » Samedi saint.
La grâce du Seigneur -toujours elle, présente et agissante, aux moments décisifs- a transformé en prière d’espoir ce cri d’impuissance presque de désespoir. Après ces mots de découragement, je me suis rendu à l’église et là, dans la nuit, j’ai confessé ma faiblesse et ma lâcheté et j’ai crié au secours. et le Seigneur m’a répondu « .

Je vous avouerai que j’ai reçu un choc ( ma femme également qui m’a aidé dans ce travail ) en lisant le journal intime d’Elie Baussart (années 1959-1960). Faut-il livrer au grand public ces paroles de désespoir -désespoir surmonté- mais désespoir tout de même ? Ce texte si peu médiatique ne risquait-il pas de ternir la mémoire du grand homme et d’obscurcir les  » hauts faits  » rappelés dans la première partie de ce travail.
Doutes vite surmontés.
Tout homme dans son existence terrestre est confronté à sa fragilité, un jour ou l’autre. Il est grand s’il est capable de regarder cette fragilité en face, en pleine conscience et de la concilier avec cette autre réalité, sa grandeur.
 » La conquête de soi est plus glorieuse que les victoires sur les champs de bataille de l’histoire « .
Ce combat intérieur révèle à quelle trempe d’homme il appartenait.
Il mourut après une longue et pénible maladie en 1965. Il repose au cimetière de Loverval à côté de Valentine et de Suzanne. Il avait voulu que soient gravées sur sa tombe les paroles de l’évangéliste Matthieu :  » Je ne suis pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants  »

Les élèves de ce remarquable professeur, conscients d’avoir rencontré un Homme, un vrai, étaient remplis de respect pour Elie Baussart. Beaucoup d’entre eux adhèrent actuellement à la Fondation, qui porte son nom, et qui veut perpétuer son action.

 

 

Un autre témoignage nous est rapporté justement par l’un de ses anciens élèves, Robert BULTOT, professeur émérite à l’U.C.L., qui nous écrit ceci dans un courrier daté du 3 novembre 2002, après avoir contesté l’affirmation selon laquelle Elie BAUSSART aurait été confiné aux seules humanités modernes (N.D.L.R. Propos tenus par Jean DORZEE).

 

Je me souviens très bien de la première phrase de son cours de Poésie : Je ne dicterai pas la matière ; je vous ferai une conférence et vous prendrez des notes. Comme à l’université. C’était du point de vue pédagogique, un saut qualitatif.
En Poésie il enseignait l’histoire contemporaine : un cours substantiel (dont je possède toujours les notes), allant de la Révolution française à la Guerre 1914-1918. Je lui suis reconnaissant de nous avoir brossé de la Révolution française un tableau objectif, très éloigné de la diabolisation qui dominait à l’époque dans les milieux ecclésiastiques et catholiques en général. Je lui suis reconnaissant aussi pour sa présentation, à la fois critique et équilibrée, de ces deux extrêmes qu’étaient le capitalisme et le communisme, et d’avoir suggéré une forme humaniste de système économico-social.
En Rhétorique, il faisait le cours d’Histoire de Belgique (dont j’ai aussi conservé les notes), de la conquête romaine à 1830. L’histoire de la Belgique monarchique lui était soustraite. Nous savions pourquoi : les autorités du Collège ne le trouvaient pas bien-pensant sur ce sujet et le remplaçaient par le Père Jésuite titulaire de la classe. Nous savions vaguement qu’il existait entre Elie Baussart et la Direction du collège des tensions, mais cela n’ôtait rien à notre admiration, à notre respect, à notre sympathie…
Lors des premières élections législatives qui suivirent la Libération, Elie Baussart militait dans le nouveau parti politique dénommé Union Démocratique Belge, un parti à large ouverture, qui n’était pas un parti confessionnel. Les résultats de l’UDB ne furent pas sensationnels, mais lorsqu’Elie Baussart pénétra dans notre classe le lendemain des élections, il fut chaleureusement applaudi par les élèves.
La dernière fois que je l’ai rencontré, c’est au Congrès National pour l’Apostolat des laïcs, à une date que je n’ai plus en mémoire. Alors que rien ne l’y obligeait, il me présenta, en toute simplicité, sa seconde épouse. Une réalité que l’on a dissimulée dans le film qui fut projeté à Charleroi lors de la création de la Fondation Elie Baussart. A mon sens, il n’avait pas besoin de cette hagiographie…


Elie Baussart, pour moi, c’était ….
Jena-Pierre SOTTIAUX
C’était mon oncle ; il était le mari (en secondes noces) de la sœur de mon père, qu’il avait mariée en 1953.

J’étais un élève difficile, au collège du Sacré Cœur de Charleroi. Dès ma 6° primaire, en 1960, j’étais en révolte contre les « bons pères » et leur foutue éducation élitiste. J’étais en punition (on disait « en retenue ») toutes les semaines, tantôt pour un professeur, tantôt pour l’autre. Mes relations avec le Collège se dégradaient d’année en année, et l’inévitable finit par arriver : on menaça de me renvoyer.

Mes parents – qui eux vénéraient les bons pères, n’ayant jamais pu faire les études dont ils rêvaient et pensaient que les Jésuites pouvaient le donner à leur fils la meilleure éducation possible – allèrent implorer les autorités, – préfet, recteur,titulaire – de me garder.J’allais m’amender, c’est promis !

Les Jésuites se souvinrent que mon oncle y avait été un professeur écouté, et rapportèrent la décision à condition que je sois suivi dorénavant par Elie Baussart toutes les semaines.

Je ne le connaissais guère ; je le voyais bien aux réunions de famille, mais il apparaissait comme un demi-dieu lointain, avec sa longue barbe blanche et ses propos érudits.
Je le voyais bien parfois sur le marché de Charleroi, le dimanche, monté sur une caisse et faisant le prêche à qui voulait l’entendre, un peu comme on le voit encore maintenant à Hyde Park. Je l’entendais aussi de temps à autres sur Radio Hainaut, car « il causait dans le poste ».

Je commençai donc à monter toutes les semaines voir mon oncle avec mes bulletins, au début, pas très rassuré de penser que j’y allais en punition.

La première chose qui frappait, en entrant, c’était la bonne : une vraie bonne comme dans les histoires bourgeoises, qui se tenait à la cuisine, venait vous ouvrir et, quand on était à table, répondait à l’appel de la sonnette pour apporter les plats ou desservir.

L’émerveillement venait de suite après, quand on pénétrait dans sa bibliothèque : toute une grande pièce, tapissée sur tous le murs de livres, d’en bas jusqu’en haut, et même dans l’escalier qui montait de là aux étages ; à l’heure de l’internet et de la profusion de connaissances étalées, on a pas idée de ce que pouvait représenter, pour un adolescent comme j’étais, de pénétrer dans une pareille caverne d’Ali Baba toute entière consacrée au savoir et à la lecture.

Dans cette bibliothèque, la diversité des ouvrages n’avait d’égale que leurs qualités. Il y avait une grande ouverture d’esprit, et, dans l’atmosphère catholique conservatrice de l’époque, il y avait au contraire chez lui ne diversité d’ouvrages extraordinaire. J’y ai lu par exemple mon premier « Jean-Paul Sartre » ( la P… respectueuse) que les Jésuites nous avaient soigneusement caché.

Ce qui était aussi frappant, c’était l’espace accordé à Charles de Foucauld ; il y avait de lui une grande photo en noir et blanc, maigre et illuminé quand il était au désert. Ce n’est que plus tard que j’appris qu’il animait une fraternité, espace de partage se réclamant de l’esprit du maître.

En fait, très vite il a dépassé le contrôle simple de mes bulletins pour m’aider à découvrir à la fois des auteurs et des courants de pensée, mais aussi m’aider à me découvrir : le bulletin et les commentaires du travail scolaire, c’était dix minutes vite passées, après quoi on passait aux choses sérieuses.
Curieusement, cette méthode s’est avérée efficace, puisque mes résultats étaient meilleurs, et surtout, j’avais compris qu’il y avait d’autres combats à mener. Je terminai calmement mes études secondaires sans plus de punitions, avant d’entrer à l’Université …( encore chez les bons pères, à Namur, où je repris le combat, fomentant même avec quelques autres la première grève au sein des facultés de Namur … mais ceci est une autre histoire ! …)

Après son décès, ma tante veuve était fort seule, et nous nous relayions à quelques uns de la famille pour monter à Loverval passer les soirées et dormir la nuit. J’ai aussi le souvenir de plusieurs périodes de « bloque » passées là. Le calme serein de la maison était la principale qualité que nous y trouvions. Pour moi qui habitais à Marcinelle, le long d’une grand-route et à côté de la gare de formation de Charleroi, c’était pur bonheur. Et c’est aussi ainsi que j’ai pu découvrir plein de choses que je ne connaissais pas sur mon oncle en musardant dans sa bibliothèque et dans son bureau. Le plus étonnant pour moi était son engagement syndical : n’avait-il pas créé le syndicat d’employés ? Il est ainsi à l’origine de mon engagement.
Et puis, en fouinant dans ses affaires je me souviens de l’étonnement de voir la correspondance échangée avec de grands noms de l’Europe, Tolstoï, Barrès, Léon Bloy par exemple ; le tout en français, mais aussi en anglais ou en allemand : c’était avant la lettre un européen convaincu, et un grand pacifiste militant.

C’est cela que je retiens au fond de lui, ce mélange curieux de vie bourgeoise calme et d’engagement militant pointu et déterminé.

Son exemple reste précieux et vivant.

A Arlon ce 1° avril 2005


DOCUMENTS/REFLEXIONS
Si le contexte historique dans lequel Elie BAUSSART écrivit ceci, voici 50 ans (disparition de l’Union soviétique et multiplication par trois de la population du Tiers-Monde) a changé, force est de constater que les dangers sous-jacents qu’il pressentait à ces situations restent d’actualité. Le Moyen et le Proche Orient sont toujours une poudrière et le dossier des prétentions nucléaires de l’Iran en est, avec la question palestinienne, l’exemple le plus frappant. L’Asie et l’Afrique risquent à tout moment d’emprunter des chemins qui sont loin des valeurs auxquelles Elie BAUSSART fait allusion, la précarité aidant, quand ce n’est pas déjà fait.
« Le Moyen et le Proche Orient sont plus que jamais un point névralgique de l’heure et le lieu de l’affrontement de l’Occident, de plus en plus contesté et menacé dans ses intérêts, d’une part et, de l’autre de la Russie soviétique, désormais implantée dans la région »

« Les dés sont jetés et la poussée d’un milliard d’hommes qui peuplent les pays sous-développés d’Asie et d’Afrique font déjà basculer la vieille Europe et les Etats-Unis moins jeunes qu’on ne croit : une époque commence qui fera sa civilisation. Notre dernière chance sera d’y incorporer les valeurs millénaires dont nous avons le dépôt »

Nous ne pouvons qu’espérer pouvoir incorporer ces valeurs auxquelles une ASBL comme la nôtre tient par dessus tout et que sont, en un mot, les Droits de l’Homme. Mais rien n’est moins sûr quand on voit monter les extrémismes de tous bords et leur lot d’intolérances. C’est le cas au bout du monde, c’est le cas devant notre porte : pour les élections communales prochaines, un transfuge du VLD, Hugo COVELIERS, et Filip DEWINTER, figure de proue du Vlaams Belang, vont constituer à Anvers un cartel avec à son programme des quotas de jeunes d’origine étrangère dans les écoles et les logements sociaux (15%) et l’interdiction pour tout étranger de s’installer dans un quartier où y vivraient déjà 20 % des leurs. Pas sûr que d’aucuns, au sud du pays, ne partagent de telles vues…


Jean LEGIEST, une vie pleine d’espérance. (02/04/45- 05/01/06)

Jean DORZEE
1. Un « bon » vivant et surtout un « bien » vivant.

Nous l’avons vu si souvent sur son scooter, sillonnant, par tous les temps, le Pays de Charleroi (pays que je, (il) préfère). Il répandait à tous vents, dans tous les milieux, celui des travailleurs surtout, la Bonne Nouvelle, l’Evangile.
Notre monde déboussolé, exploité par des puissances maléfiques en avait bien besoin.
Ces puissances, il les dénonçait dans ses réunions, ses écrits avec un franc-parler, une crudité de langage, un souci de vérité, qui choquait parfois les âmes trop sensibles.
Rien ne lui échappait, aucune structure apparente, qu’elle soit d’Eglise ou de la société laïque. La haute finance était une de ses cibles. Il la connaissait bien car une fois par semaine cet hyperactif se réfugiait dans le silence de son bureau pour étudier en profondeur- c’était un intellectuel- les arcanes de notre société et y déceler les causes de l’exploitation du plus pauvre.
N’allez pas croire qu’il vivait seulement dans les hauteurs de la pensée et d’une spiritualité désincarnée. La tête dans les étoiles, bien sûr, mais les deux pieds sur terre. C’était un réaliste. Son corps trapu, sa face rebondie n’aurait pas déplu à Rabelais. Après une réunion sérieuse, on pouvait le voir à « Notre Maison » dégustant une (ou… deux) « Orval », secoué d’un rire franc, fruit d’une plaisanterie.
Nous l’avons applaudi dans des pièces de théâtre où, acteur ou metteur en scène, il jouait une pièce où le rire l’emportait sur les pleurs.
Un « bon vivant ».
Mais de quelle vie ? Un goût de vivre naturel, instinctif ; sa constitution robuste en témoigne mais l’élan vital en lui avait des racines plus profondes. La vie était pour lui un cadeau divin, un don de Dieu. Et cet élan vital se rattachait à ce Dieu d’amour, qui devenait ainsi finalement source de son activité.
Ce cadeau qu’il avait reçu, il voulait le communiquer par ses paroles, par sa manière de vivre, par ses actes surtout.
En réaliste qu’il était, en évangélique qu’il était, en enfant du Pays Noir, il aimait « en actes »

2. Et puis, tout à coup, le crash.
Heureusement que derrière le plaisir d’agir, de vivre, de donner, il y avait une source plus profonde qui l’animait car brusquement le « crash » survint : un cancer, cette bête sournoise peu à peu le mina et le décomposa.
Fini cette face rebondie, fini cette corpulence. Un corps décharné, un teint terreux. Fini le contact avec les autres, lui si social, si sociable. Finies les balades sur son scooter. Une souffrance lancinante et puis violente le taraudait.
Des heures sombres, des moments de révolte, de désespoir, de doutes profonds.
Il a du puiser au plus profond de lui-même pour tenir le cap de l’espoir. Il a du s’appuyer sur la grâce de Dieu.
Lui qui avait tant entrepris, il a du apprendre à accepter à accueillir d’autres aspects bien noirs de la vie.
Dieu seul, témoin secret de ces luttes sait ce qu’il a enduré. Mais finalement l’espoir, la vie l’ont emporté. La preuve, ces écrits en fin de course qu’il appela « Epitres de Jean aux philosophes (qui cherchent le sens de la vie) et aux théophiles (ceux qui ont trouvé ce sens en Dieu) », écrits où il décrivait la réalité horrible qu’il vivait mais toujours accompagnée d’une pointe d’humour, d’une source d’Espérance, indice chez lui d’un bon sens mais aussi d’une foi profonde.

3. Et malgré tout cette petite lumière avant la Plénitude.

La preuve pour moi décisive que l’espoir, la vie l’a emporté : lui-même l’a jugé ainsi. Il a voulu terminer sa vie par un acte de reconnaissance, de remerciement au Dieu et à ses amis et à sa famille qui l’avaient soutenu, les invitant à participer – via les journaux- à une eucharistie dans le vrai sens du terme, une rencontre joyeuse entre tous ceux qui partagent la même foi en un Dieu aimant.
On est loin de ces cérémonies conventionnelles d’autrefois pleines de draperies noires, de dies irae, de voiles noirs dissimulant des tristesses vraies ou fabriquées pour la circonstance.
Il avait de qui tenir, d’un père et d’une mère exceptionnels. Son père, mineur de fond, devenu secrétaire national des Francs Mineurs, avait demandé – je ne sais s’il a été écouté il y a 50 ans- qu’on chante le Magnificat à ses funérailles.
« Le Seigneur fit pour moi de grandes choses » Jean était très attaché à sa famille, à ses frères et sœurs et à ses amis.
Une vie pleine de contrastes, de contradictions comme toute vie humaine aux prises avec des heures claires et joyeuses et des heures sombres et pénibles.
Jean a vécu ces deux périodes dans une vie où la petite lumière de la foi, de l’espérance et de l’amour constituait la toile de fond.
Une vie si profondément humaine et divine inspirée par l’Homme-Dieu, Jésus-Christ, auquel il était si attaché.


Les réactions de certains à l’initiative du dépôt d’un projet de Constitution wallonne.
« Pour le président du FDF, Olivier Maingain, le projet de « Constitution wallonne » mérite de faire l’objet d’un examen attentif, même s’il peut soulever nombre de questions, de réserves, voire de critiques. Les termes « Constitution wallonne » sont impropres mais ce projet de Charte fondamentale pour une plus grande affirmation de la Wallonie dans l’Etat fédéral est une réponse nécessaire au choix confédéraliste, voire séparatiste, de la plupart des partis politiques flamands, affirme M. Maingain.
Cependant, pour lui, ce qui est regrettable dans la démarche de ses auteurs, c’est de ne pas avoir privilégié une réflexion préalable avec les Bruxellois francophones sur les principes démocratiques fondamentaux qui doivent unir tous les Francophones.
Pour le président du FDF, il revient au parlement de la Communauté française d’entamer un travail similaire qui affirmerait l’unité de la Wallonie et de Bruxelles dans le cadre fédéral belge » (LE SOIR du 15/05/06, d’après l’Agence BELGA))
…..
Les trois partis cdH, MR et Ecolo regrettent la rupture entre les Francophones qu’implique ce texte. A leurs yeux, la priorité réside dans le redressement économique de la Région wallonne. Le cdH estime que le débat institutionnel n’est pas la priorité du moment. Il met également en avant les dangers d’une telle initiative. Il ne doit y avoir dans un Etat qu’une seule Constitution, la Constitution nationale. Une telle initiative wallonne, en mimétisme de l’initiative flamande condamnée par les francophones, ne peut que déforcer leur position en perspective des nouvelles discussions institutionnelles réclamées par les partis flamands, ont dit les centristes. Le projet est aussi, selon eux, inadéquat pour les francophones. L’idée d’une Constitution wallonne cautionne implicitement une rupture au sein des francophones alors que l’heure devrait être à la cohésion entre Wallons et Bruxellois, ont-ils souligné.
C’est d’emplois dont la Wallonie a besoin, pas de littérature constitutionnelle, a fait remarquer le chef de groupe MR au parlement wallon, Serge Kubla. M. Kubla craint aussi que cette proposition cautionne la démarche de Constitution flamande lancée au nord du pays qui, dit-il, sera beaucoup plus musclée. Il déplore également un projet de texte fondamental qui divise les francophones plutôt que de les rassembler.
Les Verts sont du même avis. Ce n’est pas cela qu’il nous faut pour le moment. La priorité, c’est le redressement économique et social de la Wallonie, et la réforme de sa gouvernance. Cette initiative ressemble plutôt à de la diversion. Je ne crois pas qu’elle va faire remonter le PIB wallon, a lancé le député wallon Marcel Cheron. Ecolo préfère favoriser une stratégie commune francophone et bi-régionale. Les Verts avaient déjà regretté l’absence de lien avec Bruxelles dans le plan Marshall, a rappelé M. Cheron » (LE SOIR du 15/05/06, d’après l’Agence BELGA)


Elie BAUSSART : vraiment, la servitude est-elle la condition de l’homme ?

 

Dans « Essai d’initiation à la révolution anticapitaliste », en 1938, Elie BAUSSART écrivait ce qui suit. Certes, la situation géopolitique était tout autre, la seconde guerre mondiale montrait le bout du nez et personne n’y songeait vraiment. L’U.R.S.S n’existe plus. Mais comme les mots mêmes d’Elie BAUSSART sonnent juste encore, quasi 70 ans plus tard…

« Que dire des conceptions bourgeoises de la propriété et du travail, toutes deux demeurées païennes en dépit de vingt siècles de christianisme, après que le moyen âge les eut cependant exorcisées et converties ?
Dans la société capitaliste, le droit de propriété est absolu et vous étonneriez fort un banquier ou un capitaine d’industrie, voire un simple propriétaire, si vous lui disiez qu’il est, devant la société, responsable de l’emploi qu’il fait de ses biens. Devant la société ? Quelle folie ! C’est à peine s’il croit devoir rendre des comptes à Dieu. Ne lui parlez pas d’un contrôle de l’autorité sous forme, par exemple, de mesures législatives, pour mettre fin aux déprédations de la finance ou des monopoles : abus intolérable qui sent le bolchevisme à dix lieues ! …
La richesse, véritable divinité, est indépendante de l’homme et de la société.
On l’adore, on la sert.
Tout comme la patrie des nationalismes, elle a sa fin en soi, sa morale, sa beauté.
Rien de pus normal que, sous son règne, le travail de l’homme soit traité comme une marchandise, soumise à la loi de l’offre et de la demande.
« La science industrielle, répondait candidement un entrepreneur à l’enquête de 1886 (N.D.L.R : sur la condition ouvrière, suite à de multiples grèves et émeutes) consiste à obtenir d’un être humain la plus grande somme de travail, en le rémunérant aux taux le plus bas ».
Même sous la forme atténuée du libéralisme actuel, la pensée reste la même : les luttes quotidiennes, âpres parfois, que doivent mener les syndicats pour la défense ou l’amélioration du contrat de travail en sont la preuve.
Cette conception de la propriété prolonge ou précède, selon le point de vue, l’idée que nos contemporains se font de la société et de la civilisation ; toutes deux participent de ce matérialisme foncier qui pèse sur notre époque et auquel le communisme, il va de soi, n’échappe pas.
L’hédonisme socialiste correspond étonnamment à l’hédonisme capitaliste : entre le productivisme de l’U.R.S.S et celui des Etats-Unis, nous apercevons une différence de degré, non de nature. La suppression de la propriété n’a rien changé à la finalité des actes, qui reste la même dans les deux systèmes : l’homme est asservi à la production, ici, en vue du profit accaparé pour une classe, là, par ordre de l’Etat hypercapitaliste, détenteur et distributeur de tous les biens.

Vraiment, la servitude serait-elle la condition de l’homme ?»

(Editions de la Terre wallonne, 1938)


Charleroi, vue par Elie BAUSSART.

 

Elie BAUSSART était un Carolo dans l’âme ; il a d’ailleurs écrit sur sa terre natale de très belles pages. Ainsi dans un opuscule publié en 1926 aux Editions de la Terre wallonne : Charleroi et son Bassin industriel.

Certes, le décor a changé en 80 ans ; les plus âgés d’entre nous, retrouveront avec une certaine nostalgie des paysages aujourd’hui profondément transformés avec la disparition de l’industrie charbonnière, puis le déclin de la métallurgie et des verreries ; les plus jeunes s’essaieront, souvent avec bonheur, à retrouver ici et là des traces encore perceptibles de ce qu’était ce bassin industriel à l’époque de leurs grands-parents. Mais les uns et les autres constateront que le « peuple » comme l’appelait Elie BAUSSART est resté égal à lui-même. Et devineront, au travers du portrait que Elie BAUSSART dresse des habitants de Charleroi, le portrait de l’homme qu’il fut et reste pour ceux qui l’ont personnellement connu et pour ceux qui l’ont découvert dans ses écrits.

« La Sambre, dès son entrée en Belgique, court dans une vallée étroite, de-ci, de-là, dominée par de hauts rochers gris et ocre ou des escarpements boisés. Parfois, elle s’élargit : les vallonnements adoucis succèdent aux lignes hérissées de tantôt ; une boucle de la rivière enclôt quelques métairies ou, comme à Aulne, les ruines d’une abbaye jadis célèbre ; un hameau accroche ses maisons de pierre au flanc du coteau ; des bois de tous les verts assiègent la colline qu’ils animent de leur mouvante frondaison.

Mais voici qu’à la hauteur de Marchienne la vallée s’étale à gauche et à droite à l’approche des dépressions du Piéton et de l’Eau-d’Heure, deux affluents de la Sambre qui, précisément là, pénètre dans la région charbonnière. Désormais, pendant plus de trois lieues, la rivière ne baignera plus de ses eaux fuligineuses, que des vastes et denses agglomérations, rousses et grises, piquées de hautes cheminées fumantes.

Gravissons une des collines, sur la rive droite de la Sambre, d’où l’on découvre le pays, depuis Marchienne-au-Pont jusqu’à Châtelet. Tandis qu’au-dessus de nos têtes, grincent les wagonnets aériens qui transportent au terril les « crasses » du haut-fourneau ou les schistes de la houillère proches, c’est, le long de la Sambre et de la ligne Paris Cologne, un fouillis de construction, un fourmillement d’activité dont la variété et la puissance nous confondent. Blocs triangulaires des terrils flanqués de l’armature grêle et élégante des charbonnages ; hauts-fourneaux massifs qu’escalade la charpente des monte-charge ; aciéries empanachées de flammes et d’étincelles ; laminoirs, tout en fer, où ondulent de longs serpents violets ; gares de formation grouillantes et fiévreuses ; routes trépidantes sous la course rapide des tramways et des camions automobiles ; et, jetée en travers, la Sambre dont le flot ralenti transporte des convois de péniches. Tout cela, dans le hululement des sirènes, l’essoufflement des locomotives, la pétarade des moteurs, le choc des rames de wagons qui se heurtent, le claquement des fers que l’on décharge, l’appel aigu des ouvriers, avec comme jeu de basses, le grondement lointain des bloomings. Tout cela sous un dôme mouvant de fumées grises, roussâtres, noires qui roulent, se bousculent et, bientôt, s’effilochent…

Le soir, le paysage, travaillé par le feu, devient tragique. Le ciel, incendié par les gerbes des convertisseurs, soudain s’embrase ; de gigantesques constructions, dont les formes sont capricieusement éclairées, dansent et s’étirent ; des flammes paresseuses chancellent aux gueulards des hauts-fourneaux ; les halls laissent voir par leurs baies rougeoyantes de lumière, des demi-dieux qui, le torse nu, jouent avec le feu.

Spectacle étrange ! Spectacle merveilleux !

Et l’on se prend à songer. A l’effort de tout ce peuple qui a édifié, au cours d’un siècle, cette immense cité du travail, superposée elle-même à la souterraine cité de mines où, dans la pénombre des galeries, peinent des légions d’ouvriers. A la collaboration de l’esprit qui a conçu, calculé, dessiné ces constructions, ces machines, et des bras qui ont réalisé dans la pierre, la brique, le béton ou le métal la pensée de l’ingénieur.

Peuple de bonne humeur, le peuple carolorégien est déluré, gai, caustique, ami de la bonne chère, avec un brin d’ostentation. Des remarques narquoises rebondissent d’un seuil à l’autre ; des apostrophes railleuses agrippent le compagnon au passage ; ici, un rire claque, sonore ; là une chanson égrène ses couplets sentimentaux ou gaulois ; plus loin, une conversation animée s’accompagnent d’exclamations et de gestes délibérés.

Peuple généreux et idéaliste, parce que généreux. D’avoir beaucoup travaillé et beaucoup peiné, il sait le prix de la souffrance et est compatissant aux misères d’autrui ; d’être exposé aux dangers de la mine et de l’usine, il est toujours prêt à risquer sa vie pour le prochain ; d’avoir subi les rigueurs de l’industrialisme naissant, il rêve d’une justice et d’une fraternité idéales. Peuple plein de ressource et qui n’a pas donné, encore, toute sa mesure, pourvu que l’égoïsme et le matérialisme de l’après-guerre ne finissent par énerver ses puissances d’enthousiasme et d’altruisme.

C’est au cœur même de cette agglomération et de ce peuple que vit Charleroi, forteresse au XVII ème siècle, il y a un siècle encore médiocre ville de province, aujourd’hui, capitale de la plus grande région industrielle du pays, à laquelle elle a donné son nom »


Quand Elie BAUSSART était prof…

 

En 1913 était publié un opuscule signé Elie BAUSSART : La Révolution belge de 1830 et l’Europe.

Cet ouvrage est intéressant à plus d’un titre. Sa date de publication, tout d’abord. 1913, c’est un an avant le début de la 1ère guerre mondiale. C’est un an tout juste avant que cette indépendance dont va parler Elie BAUSSART soit anéantie pour la première fois de sa courte histoire.

Ensuite, la dédicace : « A la mémoire de mon grand-père maternel, volontaire de 1830, blessé devant Venloo. E.B » La page de garde porte aussi, de la main même de l’auteur, une autre dédicace : « A mon cher Robert SOTTIAUX , ce livre retrouvé, souvenirs affectueux de l’oncle Elie. 24 novembre 1939 » Soit, ici aussi, une année avant que l’Europe et le monde ne se retrouve à feu et à sang.

Autre remarque intéressante : cet ouvrage est publié par la Bibliothèque des Lettres françaises, Paris (V) mais a été imprimé par « des ouvriers syndiqués » (sic) chez Jean DUPUIS, Marcinelle-Charleroi.

Enfin c’est une des premières publications d’Elie BAUSSART. Il a 26 ans. C’est un tout jeune prof : il enseigne au sacré-Cœur depuis à peine 4 ans, mais déjà il affiche son originalité. Dans l’avant-propos, il écrit :
« Cet essai n’est pas l’ouvrage d’un spécialiste ; il n’apprendra donc rien de nouveau aux érudits et aux curieux d’histoire.
Amené par mes fonctions à retracer à des jeunes gens le cours de notre révolution contre le régime hollandais, il m’a paru intéressant de la leur présenter, cette révolution, moins comme une épopée belge que comme un fait européen.
Ce sont ces notes rédigées que je présente aujourd’hui ; elles ne sont pas sans lacunes : certaines, involontaires ; d’autres, préméditées, puisque j’ai parfois sacrifié à l’unité de mon travail, plus d’un épisode notable en lui-même. Peut-être, toutes modestes qu’elles soient et malgré leur insuffisance, contribueront-elles à renforcer nos liens d’attachement à une indépendance qui nous a coûté tant de sang, de souffrances et d’intelligence. E.B. »

Qu’on se remette bien dans le contexte de l’époque, de la manière dont s’enseignait l’histoire dans les manuels scolaires. Présenter la Révolution belge moins comme une épopée belge que comme un fait européen relève tout bonnement de l’inédit. Mais il y a plus, à mon sens. Elie BAUSSART aurait pu se contenter de publier un essai, pour un public averti. Du tout, il prend l’option d’un ouvrage qui s’adresse à des jeunes gens et qui a donc une visée éminemment pédagogique. Ceux qui ont connu Elie BAUSSART comme prof soulignent cet aspect : un souci de partager son savoir, de le mettre à portée du public visé. Tout comme ils rapportent que, sur le fond, son approche des faits historiques n’était pas sans lui causer des problèmes avec sa hiérarchie.

Un court extrait de l’ouvrage qui nous intéresse ici, et qui montre à souhait combien Elie BAUSSART est avant tout un pédagogue :

« Que l’on s’imagine notre situation en octobre 1830 : certes, nous avions vaincu l’armée hollandaise envoyée pour nous contraindre à l’obéissance et nous nous trouvions pour quelque temps à l’abri d’une nouvelle tentative. Mais ce calme n’était que factice : d’un côté, les menées orangistes encouragées, tacitement au moins, par l’Angleterre bien disposée en faveur du prince royal de Hollande, se donnaient libre cours ; de l’autre, le gouvernement provisoire, comme plus tard le Congrès National, manquant d’autorité, était impuissant à créer l’unité des esprits et des efforts et à gagner la confiance du peuple exalté par ses victoires et travaillé par les souvenirs, les idées et les projets les plus contradictoires, parfois même les plus dangereux. A l’extérieur, il s’agissait d’arracher notre droit à l’existence, non plus par l’héroïsme de la mort préférée à la sujétion, mais par l’adresse d’une diplomatie qui, pour son coup d’essai, avait à jouer une partie décisive. Et à qui l’arracher ? Non plus à la Hollande isolée et surprise, mais à l’Europe plutôt hostile qu’indifférente, elle, dont nous compromettions la tranquillité et qui ne pouvait enregistrer le fait accompli, sans modifier des traités, sorte de charte internationale qui faisait sa sécurité et qu’elle avait respectée avec une piété scrupuleuse.
Quel chemin à parcourir ! »

En quelques lignes et dans une langue accessible, voilà brossée la situation politique dans laquelle se trouve la toute jeune Belgique. Là où d’aucuns auraient eu besoin de pages et de pages, lui se contente de quelques lignes mais d’une densité telle qu’elles se suffisent à elles-mêmes. Pas étonnant qu’Elie BAUSSART ait finalement laissé une telle empreinte sur les jeunes qui ont eu la chance de le fréquenter.


Jean VAN LIERDE (1926-2006), un insoumis parmi nous.

Agé de 80 ans, Jean VAN LIERDE s’est éteint ce vendredi 17 décembre 2006. Membre fondateur de la Fondation Elie BAUSSART, Jean était surtout connu pour avoir été réfractaire au service militaire et avoir, par son combat, ouvert la porte au service civil. C’était entre 1949 et 1952. C’est de cette époque-là, d’ailleurs, que date son amitié avec Elie BAUSSART. Nous avons reproduit dans nos « témoignages » des extraits de leur correspondance.

Mais ses combats sont autrement plus étendus. Durant la deuxième guerre mondiale, il participe à un réseau de résistance, mais s’y profile comme non-violent. Il s’opposera, par exemple, à la Libération, aux exécutions sommaires. Bien que catholique, il fréquente les « rouges » de tous poils et même les libertaires. C’était tout à fait inimaginable à l’époque où les clivages étaient autrement plus rigides qu’ils ne le sont de nos jours. Jean se définissait comme un militant chrétien aux idées libertaires. « Sans maître, mais avec Dieu, dira-t-il un jour lors d’une interview.

En 1949, il refuse d’être incorporé sous les drapeaux. Trois séjours en prison ne modifient en rien ses convictions. Finalement, les autorités militaires l’envoient au charbonnage. En fait, au Bois du Cazier. On est en 1952. Six mois plus tard, il est licencié pour avoir dénoncé les conditions épouvantables de travail des mineurs et les risques encourus au Bois du Cazier. Les événements lui donneront malheureusement raison, comme son sait. De cette expérience, il tirera une brochure intitulée « 6 mois dans l’enfer d’une mine belge ». Avec Jean, pas de langue de bois : « Les journaux se battaient pour titrer à la une, vanter la bravoures des charbonniers, l’héroïsme des gueules noires… Puis, un jeune monarque flanqué de ses tuteurs nobles venait redire combien la Couronne suintait de douleur à ces instants, combien le Palais était accablé ».

Il se battra jusqu’en 1964, date de l’adoption du statut de l’objecteur de conscience.

Anticolonialiste convaincu, il fut proche de Patrice LUMUMBA, qu’il conseilla même jusque dans son discours au Roi BAUDUIN. Après l’assassinat de LUMUMBA, il va publier un opuscule où il dénonce l’hypocrisie de la Belgique en cette affaire.

De même fut-il un sympathisant du F.NL. lors de la Guerre d’Algérie et va-t-il organiser un réseau d’accueil pour les déserteurs américains au Viêt-Nam.

Des années durant, il s’occupera du CRISP, Centre de Recherche et d’Information Sociopolitique.

Sur le faire-part de son décès, une colombe et un fusil brisé. Sous son nom, avant d’autres titres, celui d’objecteur de conscience. Mais, pour nous, ce ne fut pas seulement au service militaire. Mais à toutes formes de contraintes de pensée. En fait, Jean VAN LIERDE était avant tout imprégné des Béatitudes, et c’est à ce titre qu’il fut sa vie durant un insoumis.

Il va manquer à ceux qui l’ont connu. Il va nous manquer. Il va surtout manquer à ce monde qui a encore et toujours et plus que jamais un besoin urgent de ce type d’homme-là.


Quelques extraits choisis du Manifeste pour l’unité francophone…

« Ne pas prendre au sérieux ce plan d’action (NDLR : du VLAAMSE RAAD) serait aussi condescendant vis-à-vis des Flamands que dangereux vis-à-vis des Wallons et des Bruxellois »

« D’où l’idée de remplacer l’Etat fédéral par une confédération aux contours très lâches, laissant à la Flandre la maîtrise de son dynamisme économique et des ressources qu’elle en tire en lui conservant la haute main sur l’Etat central (ou ce qu’il en resterait) et Bruxelles, capitale dont le bilinguisme imposé est rentable en termes d’emploi et qui constitue, avec son statut de capitale européenne une vitrine irremplaçable pour les entreprises flamandes »

« La Flandre est donc, sans conteste, la plus prochaine victime prévisible d’une récession économique majeure car les bases de sa prospérité, insuffisamment diversifiées, ne sont pas saines. Plus que d’autres, elle dépend de ses exportations. Elle sera donc la première victime des délocalisations et du développement industriel et commercial de l’Asie ».

« Les signataires pensent que, dans une semblable hypothèse, la région wallonne et la région bruxelloise doivent former ensemble une fédération solide, distincte de la Flandre, conservant entre les deux régions de culture française une homogénéité dans tous les domaines autres que les actuelles matières régionales ».

« Affirmer, dès lors, que la Wallonie est dépourvue d’atouts économiques serait mentir. Mais il reste évident que l’addition des forces wallonnes et bruxelloises serait très porteuse et mettrait même la Flandre en difficulté »

« Sans la Wallonie, Bruxelles serait politiquement et linguistiquement orpheline. Livrée à elle-même, sorte de vitrine de la Flandre, bilinguisée à outrance, elle pourrait tout perdre, y compris son statut de capitale européenne que la France n’a toléré de lui concéder que parce qu’elle relève de la Francité universelle ».

« Dans l’offensive flamande, le schéma qui recueille les préférences est celui où se créent une Wallonie et une Flandre autonomes, Bruxelles, rattachée en fait à cette dernière disposant d’une sorte de statut de protectorat, provisoire ou révocable, le tout relié de façon très lâche au sein d’une sorte d’Etat confédéral, vidé de quasi toute substance.

Dans cette optique, un moratoire réduit peu à peu tout transfert de solidarité vers la Wallonie (qui reçoit quelques promesses immédiates destinées à l’amadouer) et la Flandre, débarrassée de la pseudo-charge des transferts financiers, continue à occuper au nom du bilinguisme, dans l’Etat confédéral et à Bruxelles, tous les emplois publics et privés qu’elle a pris l’habitude de squatter.
Autant dire, pour faire court, que la solution confédérale est, pour les francophones la pire de toutes »


Une carte blanche du SOIR en réaction au Manifeste pour l’unité francophone.
Luckas VANDER TAELEN, dans LE SOIR du 29 mars 2007 réagit à ce Manifeste dans une carte blanche intitulée : « Les francophones doivent aussi faire l’effort d’examiner leur propre extrémisme ».

Il y développe l’idée selon laquelle, avec ce Manifeste, MOUREAUX et SPAAK seraient sur un pied d’égalité avec les extrémistes flamands.

Extraits choisis :

« Le texte de MOUREAUX et de SPAAK part de l’idée que la Flandre veut devenir autonome. Ceci ne pourrait souffrir aucun doute dans leurs têtes : les forces d’extrême droite et le milieu des entreprises se sont unis, tout comme ce fut le cas en Allemagne dans les années trente. Le ton de l’article est immédiatement donné : sans le dire de façon explicite, les Flamands sont associés aux nazis »

« Il est clair que SPAAK et MOUREAUX sont d’avis que les Flamands ne possèdent pas ces qualités exceptionnelles du peuple wallon et bruxellois et qu’ils n’ont pas leur place au sein de la nouvelle fédération. Ceci est du racisme dissimulé : des qualités positives sont attribuées à un peuple, que l’autre peuple ne possède pas. Ainsi se crée une image ennemie. Et pour rester dans le style des auteurs : cette technique-là a déjà été utilisée dans les années trente en Allemagne »

« Il est grand temps que l’on montre du côté francophone que l’on n’est pas d’accord avec ce genre de fanatisme fondamentaliste et que l’on ose renvoyer le délire raciste de SPAAK et MOUREAUX là où il a sa place : à la poubelle ».

Le texte est illustré par une caricature de ROYER où l’on voit un coq se regarder dans un miroir et y percevoir l’image d’un lion.

Chacun appréciera… Quant à nous, nous renvoyons à notre éditorial du BULLETIN n°34.


Réponse du berger à la bergère : notre Manifeste est le contraire de l’extrémisme.

 

La réplique ne s’est pas fait attendre : Serge MOUREAUX et Antoinette SPAAK signent un carte blanche dans LE SOIR du 2 avril 2007.

Rappelant que ce Manifeste ne vaut que si la Flandre impose au pays le séparatisme ou le confédéralisme, ceux-ci déclarent : « pour M. VANDER TAELEN, il est formellement interdit aux francophones (sous peine d’être taxés de racistes) de tenter de décoder posément les objectifs du mouvement flamand et de ses représentants politiques et surtout de faire la démonstration, chiffres à l’appui, des faiblesses qui caractérisent une Flandre indépendante, pour autant qu’en face d’elle se constitue une fédération Wallonie-Bruxelles ». Et de rappeler à ce sujet, par exemple, que « le produit intérieur bruxellois est deux fois supérieur à celui de la Flandre » et que « près de 10% des travailleurs flamands doivent leur emploi à Bruxelles ».

Les auteurs de la carte blanche font le constat que la majorité de la classe politique flamande ne souhaite sans doute pas un séparatisme pur et dur, mais opterait plutôt pour un confédéralisme. Or celui-ci « asphyxierait la Wallonie et Bruxelles » et de conclure en ces termes : « notre propos, qu’il faut lire à tête reposée car il est argumenté et fondé sur des réalités incontournables, est tout le contraire d’un propos fanatique ».

(N.B. Le texte intégral du Manifeste est disponible sur le site www.unitefrancophone.be)


A propos d’Elie BAUSSART : des avis éclairés.

« Etre un chrétien convaincu et défendre, en même temps la cause wallonne, n’a pas toujours été évident. Et pouvait même, jusqu’à une époque récente où le PSC s’est plus ou moins wallonisé poser un cruel dilemme. Surtout lorsqu’on ne peut supporter le poids du monde catholique flamand et, par exemple, sa puissante aile agricole, le Boerenbond…
Elie BAUSSART n’a jamais vraiment hésité. Ce Couillettois d’origine qui enseigna pendant 45 ans au collège des Jésuites à Charleroi a toujours veillé à révéler la Wallonie aux Wallons tout en essayant de dialoguer avec la Flandre si c’était possible. Et ce qui n’était pas possible au sein de la famille catholique, il le réalisa à travers Forces nouvelles puis au sein de l’Union démocratique belge (trop éphémère expérience travailliste de l’immédiat après-guerre) avant de venir un militant très actif de Rénovation wallonne et du Congrès national wallon.
Mais au-delà du militant wallon, les historiens voient aujourd’hui en lui l’un de ceux qui ont défini le Mouvement wallon comme un humanisme à l’heure de son engagement contre le fascisme au service des libertés et de la démocratie » Christian LAPORTE. LE SOIR du 01/06/1993.

« Elie BAUSSART, que j’ai rencontré étant plus jeune, a été un de ces personnages prophétiques qui ont senti que la Wallonie et le Monde étaient soumis à un changement, qui ne devait pas être réduit aux mouvements économiques et politiques habituels dans l’histoire du Monde » . Jean RAY, au cours d’un exposé à la Fondation Elie BAUSSART le 16 janvier 1988.

 

« Ce que la pratique d’Elie BAUSSART nous enseigne c’est que la pédagogie gagne à ne pas être scolaire. A ne pas s’enfermer dans les murs des établissements scolaires, à ne pas enseigner des savoirs qui ne servent qu’à l’école, mais au contraire à former d’amblée à une action de transformation de la société en passant par l’écoute des autres et le respect de leurs points de vue ». (Père Jean-Paul LAURENT, directeur du Collège du Sacré-Cœur, Colloque Elie BAUSSART, le 16 janvier 1988)

« L’humanisme d’Elie BAUSSART – qu’il voulait intégrer dans une vie chrétienne- en a fait l’homme des paris plutôt que l’homme des défis : comme écrivain, comme journaliste, comme observateur politique et comme professeur ! Car il fut à la fois professeur au Collège des Jésuites et en même temps formateur de militants ouvriers ! En ce temps-là, c’était un paradoxe ». Emile HENRY, bourgmestre ff. de la Ville de Charleroi, séance d’hommage à Elie BAUSSART, le 16 janvier 1988)

« Son message de chrétien, de démocrate, de militant syndical, d’humaniste, de wallon, de pacifiste reste d’actualité. C’est pourquoi, nous avons voulu créer le FONDATION ELIE BAUSSART, pour poursuivre dans la même perspective l’éclairage qu’il a donné aux faits de son temps » (Alfred CALIFICE, Ministre d’Etat, Président du Comité du Centenaire. Le 16 janvier 1988)

« Il a été la racine de ce qu’il y a de meilleur et de plus progressiste dans le monde, le respect de l’Homme. Et il peut encore être l’inspirateur de tous ceux qui considèrent que l’Homme est une valeur centrale ». (Jean DORZEE, LE RAPPEL des 16 et 17 janvier 1988)


Appel à un nouvel état de culture, un nouvel humanisme.
Lorsque que Elie BAUSSART écrit son « Essai d’initiation à la Révolution anticapitaliste », en 1938, la seconde guerre mondiale se profile à l’horizon. Cet anticapitalisme dont il parle est porté à l’époque par deux grandes idéologies : le communisme bien installé en U.R.S.S sous la coupe de Staline et le fascisme avec pour modèles l’Italie de Mussolini et l’Allemagne de Hitler. Lui, foncièrement anticapitaliste, propose une troisième voie, celle d’un nouvel humanisme. Si ses propos ne peuvent évidemment être déconnectés des événements d’alors, et si parfois sur le fond comme sur la forme, il y a plus que des nuances à apporter précisément en raison de l’évolution de l’Histoire, ils restent terriblement prophétiques à l’heure où les citoyens s’interrogent sur ce que devrait être le modus videndi idéal, celui en tout cas qui soit réellement au service de l’Homme. Ecoutons-le…

« Ne médisons point de ce qui fut : l’œuvre de l’homme est trop grande depuis qu’il est sur la terre, ses luttes sont trop héroïques, son ascension – quels que soient les chutes et les retours qui l’aient marquée- trop certaine, pour que, au total, nous n’admirions pas cette longue épopée.
Des civilisations nous ont faits ce que nous sommes : nous portons en nous leur héritage, dans nos idées, dans nos moeurs, dans nos oeuvres.
Nous ne renions rien de ce qu’elles nous ont laissé de beau, de grand, d’utile.
Et nous voulons les continuer, ces civilisations, ou plutôt les enrichir, sans tomber dans leurs erreurs.
Cela s’annonce comme certain. La vie et la pensée de notre époque, l’appel des véritables élites, la conscience obscure des masses sont grosses d’un nouvel humanisme.
Nous choisissons à dessein ce mot d’humanisme, afin de marquer les liens avec le passé, mais surtout pour désigner un état de civilisation qui soit fonction de l’homme, respectueux de l’homme, au service de l’homme, dans lequel l’homme puisse en toute liberté se réaliser.
Le travail auquel l’homme est voué, doit le faire vivre. Vivre comme un homme. Il est sa dignité. L’argent, moins que quiconque, doit prévaloir sur le travail, ou, si l’on veut, sur le service qui est la forme concrète que prend le travail. Au travail, les responsabilités, avec leurs charges et leurs honneurs.
Le citoyen est libre dans l’Etat. Le ce citoyen n’est pas un dieu. L’Etat non plus. Ni la race, ni la langue, ni la classe. Le citoyen en possession de tous ses droits, est fidèle à tous ses devoirs : le citoyen, père de famille, producteur, consommateur, membre d’une communauté religieuse, civis enfin.

L’homme a droit à la culture. Celle-ci n’est pas un luxe, ni un privilège. Elle vient couronner, en l’achevant, l’idéal humain.
La culture a ses racines non seulement dans le passé et dans le sol, mais dans le peuple : celui-ci doit y trouver son image, elle doit en être l’expression.


La vraie culture est populaire, dans tous les sens : accessible à tous, voix de tous, joie de tous. Humanisation de tous. Elle crée son style : dans la vie, dans les lettres et les arts, dans la cité. Les nations meurent, les Etats sont depuis longtemps oubliés, ses œuvres échappent au naufrage : les voici comme un témoignage, un instant fixé dans l’immarcessible beauté de l’histoire des hommes.

Et donc plus que d’un modèle de société (dont il ne souffle mot n’ayant aucune vocation à jouer les idéologues), c’est d’un état de société dont nous parle Elie BAUSSART. D’une révolution culturelle, des mentalités, citoyenne dirait-on de nos jours avec le sens donné aujourd’hui à ce mot. Et avouons-le, trois-quarts de siècle plus tard –une vie d’homme avec l’espérance de vie qui est désormais la nôtre- il y a toujours du pain sur la planche. Puissions-nous, là où nous sommes, apporter notre pierre à d’édification de cet « état de civilisation » auquel rêvait Elie BAUSSART, auquel nous rêvons tous finalement mais parfois trop béatement.


Témoignages d’anciens élèves.

1. Témoignage de Jean DEBELLE.

Jusque là, l’histoire était pour moi, comme pour beaucoup, une succession de noms de « Grands » de ce monde, qui ne valaient pas tripette, disait-il, d’événements, de guerres surtout, plus rarement de traités de paix.
Avec Elie BAUSSART, émergeaient de l’ombre ces milliers de gens sans nom, sans histoire, depuis les esclaves de Rome aux Juifs du Moyen Age, ces milliers de visages inconnus qui ont bâti ces villes, ces cathédrales, qui ont hélas et malgré eux fait ces guerres !
Sans doute cela me préparait-il lointainement à être touché par ce cortège, cette foule marchant pleine d’espoir vers la cité de l’avenir (c’était au Trocadéro le 17 octobre ’87) alors qu’ATD Quart-Monde fêtait ses 30 ans d’existence. Il l’avait bien vue, lui, traversant les siècles, cette marée humaine encore et toujours mal aimée de notre terre inhospitalière.

Avant de partir au noviciat chez les Jésuites, j’éprouvais le désir d’aller lui dire adieu, de lui rendre visite chez lui à Loverval, là où très régulièrement à une dizaine d’élèves nous nous étions réunis pour des séminaires d’histoire.
Je ne sais plus ce que nous nous sommes dit ce jour-là. Par contre je me souviens très bien à 37 ans de distance qu’au moment de nous quitter, sur le pas de sa porte, il me prit dans ses bras et me serra chaleureusement tout en me souhaitant bonne route !
Cela me marqua ! Je n’avais pas l’habitude d’avoir avec mes anciens et vénérables professeurs un tel contact.

2. Témoignage de Jean MAYEUR.

Elie BAUSSART n’a pas été pour moi un « éveilleur » comme le fut Henri VAN LIER par exemple mon professeur de 2ème latine. C’est seulement à l’université que je pris goût à l’Histoire. Elie BAUSSART donnait l’Histoire Moderne – une période bien loin de notre époque- un petit cours de deux heures/semaine. C’est l’homme qui m’a impressionné ! Comme tous mes condisciples j’admirais cette personnalité très riche qui me dominait de toute sa valeur sans nous écraser ; il respectait la personnalité de chacun.
Un jour, à son cours, plongé dans la lecture du Roi Lear, j’étais à des lieues de l’époque moderne, quand je m’entendis apostropher à l’improviste par le maître déambulant comme d’habitude entre les rangées de bancs : « Jean, que lis-tu ? ». Tout penaud je répondis : « Le Roi Lear ». Sans hésiter une seconde il me dit : « Continue ». De voir ce professeur qui tenait tant à son cours s’incliner devant ce grand de la littérature m’a profondément touché et marqué.

3. Témoignage de Jean-Pierre MASSAUT.

Comment exprimer cette influence d’Elie BAUSSSART, précise par son intensité, mais diffuse par sa profondeur ?
Ce qui rendrait le mieux la force de cette présence, ce serait peut-être le regard.
De ce professeur d’Histoire, de ce maître d’Humanité, je vois le visage, j’entends la voix, je suis les gestes, j’ai connu, partagé les idées, j’en ai vécu et j’en vis toujours. Et cependant, s’il fallait choisir parmi les témoignages du souvenir, je choisirais le regard. Et, d’emblée, la liaison est établie entre lui et moi, indissociablement. Aujourd’hui comme hier, en nombre de circonstances, je vois ces yeux s’allumer, ce regard me percer, me solliciter. Je le vois m’inviter sans contrainte, indulgent et impératif, lucide et audacieux, tendre et amusé, radieux, étincelant.

J’ai rencontré et suivi ce regard en classe, dans les couloirs du Collège, à l’arrêt du tramway ou dans le bureau de la villa de Loverval où Elie BAUSSART réunissait ceux d’entre nous qui désiraient prolonger les cours d’Histoire par du travail personnel : lectures, exposés, discussions.
C’est là aussi qu’il m’a reçu, accueilli seul pour des heures de conversation sur la politique, la religion, l’enseignement ; c’est là qu’il a bien voulu livrer quelques traits d’intimité, quelques souvenirs personnels ; mais il a toujours refusé tel « conseil » sollicité, qui eût porté atteinte à ma liberté ou substitué à mon engagement personnel, responsable, une décision extérieure, étrangère, à la fois alibi et abus de confiance.
Cet oeil de feu et d’humour rayonnait, étincelait en une sorte de perpétuel clin d’oeil. Par ce regard, au premier coup d’oeil, on se sentait « jugé », non pas condamné – jamais- mais compris, accepté, reconnu, en toute vérité et en toute liberté, en ce tréfonds où l’on ne peut biaiser. ON était rendu à soi-même. Bien plus, le regard lumineux et mystérieux vous renvoyait toujours au-delà de lui-même et au-delà de vous-même : au Tiers Présent, à Dieu.

Elie BAUSSART enseignait l‘histoire, la vérité de l’humanité. Cette humanité nous était donnée à voir telle qu’elle est, sans tricher, jamais.
Nous comprenions bien que nous faisions partie de l’(histoire que nous étudiions. Les hommes du passé, – les illustres et les innombrables anonymes, – revivaient devant nous, proposés à notre compréhension et à notre amour. Ils défilaient, ou plutôt s’entrechoquaient, pécheurs, féroces, lâches, mesquins, mais aussi magnifiques, héroïques, saints, – plus rarement !- Jamais simples en tout cas, toujours ambigus, souffrants, peinant, espérant ou désespérant, comme de vrais hommes. De ces hommes, nous étions nous, ensemble professeur et élèves, solidaires et comme contemporains, successeurs de ceux du passé mais prédécesseurs de ceux de demain.
Dans cette longue et passionnante aventure, souffrante et exaltante, l’absurdité du mal omniprésent n’était jamais esquivée et le sens dramatique mais rédempteur de la liberté était toujours reconnu.

Conquête par l’homme de l’Univers et de lui-même où se révélait, en se faisant, la destinée de l’ humanité, qui est sa nature, sa vocation.
Car si l’homme fait l’histoire, Elie BAUSSART nous a appris aussi que l’histoire fait l’homme, ou plus exactement que l’homme se fait dans une histoire.

Infiniment mieux que des discours, le regard d’Elie BAUSSART signifiait ce monde où il nous a introduits – nous préparant aux bouleversements que nous avons connus depuis 20 ans, et spécialement à ceux que nous vivons aujourd’hui, pour ne rien dire de ceux qui nous attendent.
En ce sens, c’est ce regard qui a allumé et depuis lors contribue à entretenir ma vocation d’historien et de professeur.
Une certaine façon aussi de désirer être chrétien. Et la claire conscience de n’y pas parvenir.

Voilà, me semble-t-il, l’essentiel de ce que fût pour moi mon professeur d’Histoire, Elie BAUSSART, et quelle personne reflétait son regard, sorte de sacrement de la communication.

4. Témoignage de Jacques NOEL.
Quelques traits tirés des notes de cours que j’ai conservées :
A propos de la dualité belge :
« La Belgique est un territoire regroupant deux types de races : des Wallons et des Flamands ».
« La dualité belge vient du fait du partage vertical sans tenir compte des races, des cultures et des frontières naturelles ».
A propos de la question sociale et de la crise des années 1885-1886 qui donna lieu, de la part du professeur, à de longs développements :
« Tout doucement, cette crise a suscité l’éveil du sens social mais en charité et non en justice ».
« Il a fallu l’incendie des usines pour ouvrir quelque peu les yeux des chrétiens sur la question sociale ».

Sans doute doit-on penser aujourd’hui que seul Elie BAUSSART aurait pu, comme il l’a fait, nous expliquer la naissance de la Ligue démocratique belge et de ce que certains ont appelé alors « la guerre des deux droites » ; ce qui prouve que l’opposition entre démocrates chrétiens et conservateurs catholiques a un fondement historique réel et d’ailleurs toujours d’actualité.
D’autres développements s’attachèrent à expliquer et à justifier la lutte pour la conquête du suffrage universel.

Elie BAUSSART ne se contentait pas d’exposer ; il expliquait les événements avec le souci de faire comprendre.
Son cours n’était pas un simple cours d’histoire ; c’était un cours d’éveil aux réalités politiques, économiques et sociales de la Belgique dans lequel perçait çà et là la sensibilité particulière du professeur.
Cela, cependant, ce n’est que bien plus tard que je l’ai découvert lorsque, à la faveur de mes engagements et de mes lectures, j’ai compris la véritable personnalité d’Elie BAUSSART.
A l’époque, en effet, nous vivions dans un environnement conditionné par les traditions du monde catholique et nous n’aurions pu comprendre l’exacte portée du message.
Cet environnement était aussi celui dans lequel cet enseignement devait nous être dispensé. C’est dire combien ce rôle ; d’éveilleur d’Elie BAUSSART fut inconfortable ; il n’en fut que plus grand pour ceux qui, comme moi, ont pu avec le recul du temps décrypter le message.


La culture ouvrière: deux témoignages.

Dans l’entre-deux-guerres, Elie BAUSSART se dépense dans les cercles d’études des militants syndicaux, mais de manière informelle, répondant aux besoins au coup par coup. Après 1945, il fonde l’E.D.E, l’Ecole des Délégués d’Entreprise où il donnera des cours entre autres avec Y. de WASSEIGE (l’un des fondateurs de la Fondation et toujours membre de notre A.S.B.L.). Puis se fait jour l’idée de dépasser la seule formation syndicale pour permettre aux militants d’atteindre un niveau de culture plus étendu. Elie BAUSSART rédige la note de travail qui va servir de base à la création de l’I.C.O, l’Institut de la Culture Ouvrière, ancêtre de l’I.S.CO, Institut Supérieur de Culture Ouvrière.

Ecoutons Gaston NITELET, ancien élève de l’Ecole des Délégués :

« Un homme appelé Elie est passé parmi nous et nous a fait découvrir la vie des travailleurs, leurs luttes, leurs souffrances et leurs joies ; et voici vingt-sept ans qu’il est retourné là où le Père l’a appelé (N.D.L.R : ce témoignage a été enregistré en 1992).
C’était dans les années cinquante, j’étais jeune militant métallurgiste à la C.S.C et nos permanents insistaient très fort pour que nous suivions les cours de délégués d’entreprise qui avaient une durée de quatre années. Nous avions comme professeurs A. CALIFICE (N.D.L.R : lui aussi, l’un des fondateurs de la Fondation), A. SEGHIN, Y de WASSEIGE, E. LECLEF, et bien d’autres dont j’ai oublié les noms. Pour nous remettre en tête un peu d’histoire, également celle de la classe ouvrière, nous avions Elie BAUSSART et Jean NEUVILLE (N.D.L.R. : auteur de plusieurs ouvrages dont Adieu à la démocratie chrétienne ? 1973).
Quand j’ai eu vu la manière dont il donnait son cours, ma première réaction fut : qui est ce monsieur BAUSSART ? La réponse : un professeur d’Histoire « aux Jésuites » à Charleroi. Je me suis dit en moi-même, Collège Jésuites= Monde bourgeois. Ce professeur doit donc être de ce bord-là. En fait, que vient-il faire dans le monde ouvrier et encore plus à une école de Délégués ? Mais après l’avoir côtoyé, je me suis rendu compte que mon jugement était faux.
Elie BAUSSART, c’est une figure dont je conserve le souvenir. Je le vois encore avec sa casquette et sa petite barbiche ; un homme droit et bien tenu. Ce qui me frappa le plus chez Elie, c’est sa franchise – son sourire- sa manière de voir les choses. Il savait se faire respecter tout en étant accueillant. Il se serait mis en quatre pour faire comprendre ce qu’il voulait faire passer à ses militants. Deux, dix, vingt fois, il remettait le travail sur l’ouvrage afin que les moins doués comprennent. Il était là avant et après son cours pour écouter, renseigner, documenter dans la plupart des domaines.
Il était l’ami de tous. Il était aussi, pour employer un mot de maintenant, un chrétien convaincu, qui vivait sa foi, savait la faire partager, sans être calotin ; il n’était pas d’accord avec tous dans l’Eglise hiérarchique. Il savait aller vers les travailleurs de la manière que le Christ allait vers les humbles. Combien de fois, j’ai eu la chance de le rencontrer. IL savait que j’étais jeune militant jociste et travailleur. J’ai toujours reçu conseils, force et lumière pour pouvoir aller là où j’allais porter la bonne nouvelle. Je l’ai connu un peu tard. J’ai découvert en lui un chic type, un homme honnête, patient. Un homme qui par tous les moyens avait le souci de faire monter les travailleurs vers plus de justice, d’amour et de paix. Il bénéficie maintenant de la vision céleste du Juste ».
Ecoutons aussi Simon CARCAN nous parler d’Elie BAUSSART lorsqu’il donnait un cours d’Histoire à l’Ecole Provinciale de Service Social, une institution socialiste en 1947/1948, à une époque donc où il était rare qu’on « transgresse » de la sorte les piliers de la société belge :

« Les cours ne passaient pas. Le maître volait trop haut sans doute. Son enseignement passait au-dessus des têtes.
Les étudiants se groupant – une sorte de syndicat se forme- et décident d’envoyer une délégation chez le professeur. Celle-ci se dirige vers Loverval, pas très rassurée. Elie les reçoit dans son bureau, leur offre des rafraîchissements et les met tout de suite à l’aise : « Si vous êtes venus, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Expliquez-vous ». Et on s’explique et on se met d’accord sur la nécessité d’être plus concret. Les étudiants retournent chez eux enchantés. A partir de ce moment-là, la glace est rompue, le courant passe pendant les cours et l’année s’achève à la satisfaction de tous ».


Quand Elie BAUSSART parlait de VAUBAN à Charleroi…

On fête cette année le 300ème anniversaire de la mort de VAUBAN (1633-1707). Ce dernier est étroitement lié à l’histoire de Charleroi. Elie BAUSSART, en 1926, écrit un opuscule aux Editions de La Terre Wallonne : Charleroi et son bassin industriel. Il relate l’histoire la forteresse à l’origine de la ville et cite deux fois nommément VAUBAN. Il nous a paru intéressant de souligner ainsi un aspect moins connu de Elie BAUSSART, celui d’historien. Et de pédagogue, car on ne soulignera jamais assez la lisibilité des textes de Elie BAUSSART…

« Qu’était, avant la construction de la forteresse, le village de Charnoy? (NDLR : une rue porte aujourd’hui ce nom ; elle est située derrière l’Eglise St- Christophe mais s’est appelée longtemps rue Derrière l’Eglise et rue du Quartier St Christophe. Le mot charnoy signifie en fait bouquet de charmes)
Représentons-nous la boucle convexe de la Sambre vers laquelle se dirige un éperon schisteux piqué de touffes de bruyères et, sur le plateau qui le couronne, des « sarts » en partie défrichés. Une ceinture de bois où dominent les taillis, court de l’ouest à l’est : le bois de la Garenne (ou bois Jambus), le bois de l’Espille (la Broucheterre), le bois del Bol, enfin la haie au Poirier, dont le vallon est arrosé par le ruisseau du Spiniat.
La population s’est établie sur l’étroite corniche qui sépare la Sambre de la montagne et spécialement au bas du versant occidental de celle-ci : la rue de Dampremy, la rue des Tonneliers et les hauteurs derrière la Maternité (NDLR : à l’époque où Elie BAUSSART écrit ces lignes, la Maternité est sans doute celle qui se trouve rue de la Science, celle de la Reine Astrid aujourd’hui disparue n’ayant été inaugurée qu’en 1937). Les 40 manants et 3 veuves qui, avec leur famille, la composent en 1602, occupent des maisonnettes au toit de chaume, serrées pour une moitié en bordure de la mauvaise route qui, longeant la rivière, joint la route de Gosselies à celle de Montignies. Aucune cense (N.D.L.R : ferme): les habitants fabriquent des clous l’hiver, s’occupent de culture, à la belle saison, pour leur propre compte ou pour celui d’autrui.
La Sambre avait, alors, un cours extrêmement irrégulier : presque à sec en été, elle débordait facilement l’hiver. (ND.L.R : les inondations étaient encore courantes à l’époque où furent écrites ces lignes et ne cesseront vraiment qu’en 1937, date de la canalisation de la Sambre et de la suppression d’un de ses bras). La navigation y était fort difficile et d’ailleurs intermittente. Un passeur assurait les communications avec le village de Marcinelle, sur la rive droite, appartenant à la principauté de Liège.
L’érection de la forteresse allait donner à ce village de 275 bonniers (un peu plus de 250 hectares) une place importante dans le comté de Namur, en attendant que le développement industriel de la région dont elle est le centre en fit la capitale du Hainaut oriental.
Cette fortune, il ne la conquerrait pas sans peine.
C’est en prévision d’une guerre contre la France que l’Espagne créa la place de Charleroi qui, dans la ligne des forteresses qui fermaient les Pays-Bas, devait boucler la trouée Mons-Namur et interdire l’accès de la vallée de la Sambre. Propugnaculum patriae (NDLR : fortification, sécurité de la patrie) porte la médaille frappée pour commémorer l’événement.
Les travaux étaient à peine commencés que la forteresse tombait aux mains des Français (2 juin 1667) qui, se rendant compte de son importance, chargèrent Vauban (N.D.L.R : c’est une des plus veilles rues de la ville ; elle s’appelait jadis rue du Magasin à Poudre) du soin d’augmenter et de perfectionner l’œuvre du marquis de Castel Rodrigo. Le traité d’Aix-la-Chapelle (2mai 1668) consacra l’annexion.
Cette place forte, il s’agissait de la peupler, les travaux de fortification ayant détruit, à l’exception de quelques maisons, l’ancien village dont aucun habitant n’avait jugé profitable de transporter ses pénates dans l’enceinte d’une ville exclusivement militaire. A cette fin, Louis XIV octroya à la cité ses premiers privilèges (août 11668). En 1676, il les étendit à la Ville-Basse. Car, dans l’intervalle, un pont a été jeté sur la Sambre ( N.D.L.R :à l’extrémité de l’actuelle rue du Pont de Sambre); pour la défendre, on fortifie la rive droite de la rivière, absorbant ainsi une partie du village de Marcinelle laquelle, désormais, formera la Ville-Basse, par opposition à la Ville-Haute, constituée par la forteresse proprement dite. Le quartier compris, sur la rive gauche, entre celle-ci et la Sambre, est appelé l’Entreville ( NDLR : la partie basse de la rue de la Montagne s’appelait jusqu’en 1860 Rampe de l’Entreville) ; c’est là que vont s’établir les fabriques qui inaugureront le développement de la cité.
Charleroi cependant ne se peuplait guère. Quoi d’étonnant ? En 1672, pendant la guerre de Hollande, les Pays-Bas deviennent un nouveau champ de bataille. Charleroi est assiégée ou menacée deux fois : en décembre 1672 et en août 1677 par le Prince d’Orange, délogé, la première fois, par Montal, (NDLR : une rue porte ce nom aujourd’hui) la seconde, par le maréchal de Luxembourg.
Malgré ces succès, la France ne pouvait songer à conserver la forteresse dont la position avancée rendait la défense trop difficile ; le traité de Nimègue (17 août 1678) la rendait à l’Espagne. Quelques mois après en avoir pris possession, le roi Charles II renouvela, pour une période de trente ans, les privilèges de Louis XIV (14 août 1679). La même année, toujours en vue de faciliter la vie économique de la ville, il institua deux marchés hebdomadaires (NDLR : cette pratique a perduré jusqu’à aujourd’hui) et trois franches foires, qui, d’ailleurs ne furent tenues de longtemps à cause de la mauvaise volonté de l’autorité militaire.
La situation générale était au surplus fort peu favorable. Pendant la guerre de la Ligue d’Augsbourg, deux grandes batailles se livrent dans nos environs immédiats (Walcourt, 1689, et Fleurus, 1691) ; Namur et Mons retombent aux mains des Français (1691). On s’imagine ce que fut, avec le va et vient des troupes, la vie à Charleroi et dans la campagne : ici, ce fut une dévastation et une misère inouïes.
L’année suivante, Charleroi est bombardée pendant douze jours : les dégâts sont énormes. Moins d’un an après, nouvel investissement. Vauban dirige le siège : la ville, après avoir subi un feu violent pendant vingt-sept jours, doit se rendre.
Des raisons politiques décidèrent Louis XIV à ne pas conserver Charleroi et ses autres conquêtes dans les Pays-Bas (Traité de Ryswyck, 20 septembre 1697). L’Espagne cependant ne devait plus avoir sur notre ville qu’une apparence de souveraineté : l’élévation au trône catholique de Philippe d’Anjou, petit-fils de Louis XIV, allait permettre à celui-ci de faire occuper la forteresse par une garnison française.
Triste période ! Toute l’Europe est en armes, coalisée contre la France. Les Pays-Bas, une fois encore, sont un enjeu de la lutte et un théâtre d’opérations. Dans la place de Charleroi qui n’a pas eu le temps de relever les ruines accumulées par deux sièges consécutifs, et dans les villages qui l’entourent, c’est la disette, la misère, avec l’insécurité qu’elles provoquent… »



Quand ELIE BAUSSART se voulait poète.

Bernard DE COMMER.

C’est un aspect incontestablement moins connu de la production littéraire de Elie BAUSSART. En fait, c’est essentiellement avant la première guerre mondiale qu’il va s’essayer à ce qui lui paraît alors comme sa vocation première ; il signe alors étrangement EHLY BAUSSART.

En 1904, il envoie un premier poème – d’amour : il a juste 17 ans, intitulé Ginèh- à la revue L’Essor littéraire. Le texte est refusé. Elie BAUSSART persiste. Le 4 mars, il propose un texte à connotation religieuse – Simple Pensée-, lui aussi refusé. En décembre, un troisième poème a plus de chance et sera publié en février 1906. Il s’agit de L’Angelus (sic). Ce poème sera repris dans la revue littéraire, très éphémère, car seulement 8 numéros sortiront de presse que fonda Elie BAUSSART en 1907 et qui avait pour titre L’Annonciateur, Revue littéraire de combat. Il y publiera d’autres poèmes que L’Angelus : Clamavi, Nox, Les Lapidés.

Même s’il finit par comprendre que sa voie, celle où il pourrait exceller, n’était pas la poésie, il lui restera toujours très attaché. Le Catholique qu’il dirigera un temps publiera des inédits de Paul CLAUDEL, François MAURIAC, entre autres. Il y défendra farouchement un auteur décrié par le monde catholique : BAUDELAIRE et se Fleurs du Mal : « Si certains s’étonnent, écrit-il en novembre 1910, de voir un catholique prendre le parti de Baudelaire, il leur sera rappelé – et que cela leur suffise- qu’il est de moindre justice de défendre une Artiste véritable, contre les attaques de docteurs bâtés de savoir académique, mais balourds et obtus devant une création originale qui échappe aux classifications sans vie, et dès lors inutilisables. De plus, le poète des Fleurs du mal – si calomnié et si mal compris- est trop des nôtres et son œuvre palpite d’un accent de Foi trop unanime- foi de damné sans doute- pour que nous ne nous attachions à sa mémoire comme à celle d’un maître qui, en une langue scripturale, a fixé le désordre de l’homme né chrétien qui, égaré loin du chemin de la vérité, porte en lui, comme une attestation vivante de l’Unité, la nostalgie de l’Amour et de l’Espérance catholiques ».

Une telle prise de position suscita une terrible polémique, au point de se voir taxer de « modernisme » par les autorités romaines. Cela prête à sourire de nos jours, mais, à l’époque, une telle qualification n’était pas bénigne. Si la revue Le Catholique continua à être publiée, à partir de 1912 et jusqu’à son extinction en 1914, elle ne put plus le faire que munie de l’imprimatur. Et dès ce moment, plus aucun texte signé Elie BAUSSART ne s’y retrouvera.

Willy Bal dans un opuscule intitulé Etudes de Littérature française de Belgique, offertes à Joseph HANSE pour son 75ème anniversaire, Editions Jacques Antoine, 1978 écrit : « Sa vie durant cependant, E. BAUSSART gardera de son orientation première, la curiosité et l’amour de l’œuvre d’art, le souci de bien écrire aussi bien que le goût de la création littéraire, mais presque en secret, car il laissera inédites la plupart de ses œuvres d’âge mûr, n’en publiant que de rares sous le pseudonyme réservé à ses plus profondes intimités ; Valentin DUCHATEAU ». En fait le nom de sa première épouse, Valentine. On ne répertorie qu’un seul poème publié postérieurement à la première guerre mondiale : Prière du matin (La Terre wallonne, 1928).

Voici, à titre d’exemple, le 1er poème jamais publié par Elie BAUSSART, en 1906 (il y a un bon siècle !) :

Angelus


Le matin estival anime la nature
Et la terre sourit aux baisers du soleil ;
La caresse du vent courbe la moisson mûre
Et l’oiseau de son nid annonce son réveil.

La fleur livre son âme à la brise qui passe,
Le ruisseau paresseux clapote sous le bois ;
Il semble que des bruits s’essaiment dans l’espace,
Qu’une lointaine voix réponde à d’autres voix.

Les paysans joyeux dévalent par la plaine,
Une faux sur l’épaule et la gourde à la main ;
Les femmes, badinant, jasent à gorge pleine,
Les enfants attardés grignotent dans leur pain…

…Comme le flot qui meurt sur le galet des grèves,
La moisson maintenant s’affaisse sous la faux ;
Cependant que, là-bas, en la tiédeur des drèves,
Une biche s’ébat en soufflant des naseaux.

Lorsque, dans le lointain que voile encore l’aurore
Une timide voix semble monter aux cieux,
Elle rend hommage à Celui qu’elle adore
Et son âme d’amour éclôt en chant pieux.

Angelus ! Les faucheurs cessent leur jeu rythmique,
S’agenouillent bien bas près des épis couchés ;
Tandis que les oiseaux, sur leur lyre magique,
Accompagnent le chant qu’égrènent les cloches.

Angelus ! Le parfum des fleurs immaculées
Monte vers le Seigneur comme un encens d’amour,
Tandis que le ruisseau, troubadour des vallées,
Semble apaiser ses flots pour prier à son tour…

L’influence de LECONTE de LISLE, entre autres, est indubitable. Ceux qui, comme moi, ont fréquenté l’école primaire dans les années 50 retrouveront dans ces lignes la même veine que celle qui prévalait alors dans les manuels scolaires.

C’était un aspect mal connu d’Elie BAUSSART qu’il me semblait pertinent, en tout cas, de révéler dans ce site.


Lettre de Elie BAUSSART à Jean VAN LIERDE, datée du 27 juin 1952.
Dans ses « Carnets de Prisons » (Editions Vie Ouvrière, 1994), Jean VAN LIERDE retranscrit une lettre de Elie BAUSSART ; à cette époque, il effectue son « service civil » dans un charbonnage. Un incident l’a opposé à un porion, lequel l’a copieusement rossé. Sous prétexte de répandre des idées subversives, il est licencié.

« Je suis passé tantôt à votre domicile pour vous dire à tous deux (NDLR : à lui et à son épouse Claire), et à vous en particulier, mon cher Jean, mon indignation et ma sympathie.
LEGIEST (NDLR : en fait, Joseph LEGIEST, père de Jean LEGIEST, l’un des fondateurs de notre association) et l’abbé MONNON (NDLR : lui aussi, l’un de nos fondateurs) m’ont raconté la sinistre aventure : tant de brutalité, de lâcheté, d’hypocrisie. Je ne sais ce qui me soulève le plus des poings de l’un ou de la dérobade des autres à leur devoir d’homme. Quel document à verser au dossier du régime qui écrase l pauvre sous son poids et lui enlève l’élémentaire possibilité de se faire rendre justice.
Je croyais n’avoir plus rien à apprendre sur les rigueurs de notre temps pour les faibles et les démunis. J’ai été malade à entendre ce récit.
L’abbé m’a dit votre courage, mon cher Jean et votre constance à tous deux : Dieu vous garde l’une et l’autre.
Je prie pour vous deux.

Elie BAUSSART.

P.S : Ne manquez pas, mon cher ami, de noter dans le détail votre expérience (quelque chose dans le genre du journal de Simone WEIL à l’usine). Quel témoignage le jour où vous donnerez la parole aux misérables trop écrasés pour exprimer leur détresse »

Jean VAN LIERDE suivra ce conseil. En 1953, il publiera un opuscule intitulé « Six mois dans l’enfer d’une mine belge », véritable réquisitoire contre les conditions de travail des mineurs. La catastrophe du Bois du Cazier en août 1956 devait malheureusement lui donner raison.


LA WALLONIE DOIT RECUPERER LES COMPETENCES DE LA COMMUNAUTE FRANCAISE DE BELGIQUE (CFB), ET SE CONCEVOIR, ENTRE AUTRES, COMME PARTENAIRE DE BRUXELLES.
L’option de la récupération des compétences de la Communauté française (CFB) par les Régions est effectivement une pièce capitale du puzzle de réformes institutionnelles qui serait susceptible de permettre le retour à un équilibre viable, d’une Belgique refondée.
Une remarque néanmoins : la récupération de toutes ces compétences de nature culturelle par la Région Wallonne est effectivement primordiale pour le redressement wallon, mais la même réforme est tout aussi importante pour la Région bruxelloise.

Ce n’est qu’à la condition de la suppression – régionalisation de la CFB, que pourront enfin se concrétiser le “rattrapage ” wallon effectif, comme le “rattrapage” bruxellois également. Evidemment, la mise en oeuvre par les 2 régions, de la gestion politique des secteurs complets de l’enseignement, de la culture, des médias,etc…, ne pourra, dans la période de tâtonnement initiale, s’effectuer sans difficultés de gestion, d’organisation, d’intégration nouvelle dans la politique globale de la Région. Mais, bien sûr, il vaudra mieux assumer cette période délicate de “rôdage” d’une gouvernance nouvelle , plutôt que de continuer à croupir dans l’actuel édifice institutionnel francophone, de forme “tordue” dès l’origine !!
Ce dépassement définitif de la CFB aura, comme autres avantages décisifs, de donner enfin corps à l’autonomie des deux régions. Et, sur cette base, et seulement sur cette base, la politique de collaboration étroite entre les 2 régions (chacune pouvant alors bénéficier effectivement des atouts de l’autre), deviendra enfin une réalité, et se développera dans la clarté à de multiples niveaux ..pensons notamment au secteur de l’Université(simple exemple).
Dieu sait en effet s’il est urgent d’articuler et de conjuguer le potentiel universitaire wallon et bruxellois francophone !.
Par ailleurs ,cette nouvelle politique universitaire pourra aussi comporter certaines initiatives d’importance considérable pour la réussite de la politique de redressement wallon, comme p.ex. l’implantation d’une ou de plusieurs faculté(s) universitaire(s) digne(s) de ce nom, au coeur de la première Ville de Wallonie qu’est Charleroi!
Il ne sera en effet jamais trop tard pour réparer la faute cardinale commise , lors du » Walen buiten », tant par l’U C L que par le pouvoir socialiste carolorégien de l’époque, lorsque, dans un ensemble presque parfait, ils tombèrent d’accord… pour priver cette ville, ancrée au cœur de la Wallonie, de ce souffle universitaire nouveau. !! Et, bien entendu, la réparation de cette faute, jamais, ne pourrait être encore attendue , en cas de subsistance de la CFB !
C’est la suppression – régionalisation de la CFB qui pourra à la fois, mettre un terme à la privation historique injustifiable de la métropole carolorégienne en termes d’institution universitaire consistante et significative, et en même temps, permettre de RE-FEDERER les bien trop nombreuses institutions universitaires juridiquement indépendantes subsistant encore aujourd’hui en Wallonie et à Bruxelles !!
Je parle de COLLABORATION et de COOPERATION entre Bruxelles et la Wallonie; je serais en effet réticent par rapport à la terminologie d’ “extension” de Bruxelles, en ce qui concerne la Wallonie.
On voit bien de toute façon quel objectif de fond est visé au travers de ces termes. C’est cet objectif-là qui importe; et à cet égard, je préfère utiliser le concept de collaboration interrégionale , car l’on respecte mieux , de cette façon, la réalité des spécificités, notamment socio-culturelles, des deux profils régionaux respectifs. Et cela ne compromet en rien les potentialités de coopération, bien au contraire.
En outre, cela fait apparaitre, sous son vrai jour, la problématique, -si présente dans l’âpre négociation actuelle, quoique de manière latente-
à savoir celle de l’élargissement éventuel du territoire bruxellois, voire le percement de la périphérie flamande au Sud-Est, lequel offrirait un étroit corridor de continuité entre nos deux régions.
Selon moi, cette monnaie d’échange – tant utilisée par Mr Maingain, mais de manière, à mon avis, stérile et illusionniste – (ce qui est quand même, disons-le, une des causes majeures de l’actuel blocage de la négociation de fond !), devrait être simplement oubliée, délaissée, surtout parce qu’elle n’apportera en fait aucun atout nouveau important pour la « remise sur orbite » socio-économique tant de Bruxelles que de la Wallonie… !. A moins que d’autres visées, moins avouables, ne soient présentes en réalité derrière ce système de plaidoirie et de troc!..
Or c’est cette « remise sur orbite »qui est l’enjeu essentiel à rencontrer pleinement, du côté cette fois uniquement francophone; et cet enjeu est tellement essentiel que c’est évidemment la prise en compte sérieuse de celui-ci qui est susceptible d’enrayer en finale les ingrédients irrationnels déstructurants de la logique de certaines revendications flamandes actuelles.
Je suis donc profondément d’accord avec une vision tri-régionale, voire quadri-régionale, et fondamentalement partenariale de la Belgique nouvelle ; ne parlons dès lors pas d’abord de « Belgique francophone » mais plutôt de Wallonie-Bruxelles, et de la suppression-régionalisation de la CFB, comme passage obligé vers ce stade nouveau du (con-?) fédéralisme belge.
Cela implique donc qu’il faut s’opposer avec toute l’énergie possible à la SUPERCHERIE-pourtant si souvent, hélas, mise en avant actuellement, surtout au niveau de nos médias francophones -grand public -, consistant à PRONER LA FUSION de la CFB avec “la REGION” (sous-entendu : avec la Région Wallonne, – comme si la Région bruxelloise, pour sa part,n’existait pas elle aussi!…) .
Tout cela étant dit, ce qui doit nous inquiéter, nous simples citoyens, soit wallons soit bruxellois francophones, c’est l’INDOLENCE -sans doute,hélas, purement apparente et donc hypocrite! – avec laquelle la plupart des négociateurs et appareils particratiques francophones-écolos compris- EVACUENT carrément cette problématique des réformes institutionnelles vitales purement intra-francophones, de la réflexion stratégique d’ensemble à laquelle ils sont obligés de se livrer actuellement, dans le cadre de la confontation inter-communautaire,arrivée maintenant à son quasi-paroxysme!
Mais nous ne pouvons aujourd’hui en rester à cette simple analyse et à cette appréciation, même si, pour ma part, je la trouve consternante. En conclusion, en effet, je dirai ma conviction que le temps est venu de faire entendre haut et fort, probablement en s’appuyant sur de nombreux citoyens restés libres à l’égard de la plupart des appareils politiques et médiatiques officiels, par quels chemins rationnels, prenant réellement en compte les perspectives d’avenir positif intéressant les gens de Wallonie et de Bruxelles, il est temps que les protagonistes francophones, çàd.wallons et bruxellois, de la négociation actuelle, fassent avancer l’enjeu de la refondation de l’Etat Belgique, en oeuvrant positivement à un approfondissement sérieux de la régionalisation de celui-ci, tel que nous venons d’en proposer l’esprit et certains principes essentiels, et cela, même si, de fait, il impliquera, n’en doutons pas un instant, un lot conséquent …de déchirantes révisions !

 

Yves WEZEL
Sept.2007


Un petit air de « déjà vu » ?

Le texte « si j’étais député » que nous avons publié dans notre bulletin en 1996, est signé de l’un des nombreux pseudonymes utilisés par Elie BAUSART. Ici, celui de Jacques HENAULT. Il parut pour la première fois dans Terre Wallonne le 30 novembre 1920. S’il doit être lu dans le contexte politique de l’époque – la remise en cause par une certaine Flandre extrémiste de l’accord militaire franco-belge – il n’en garde pas moins 86 ans plus tard, une petit air de déjà vu, comme un écho à nos questions d’aujourd’hui, celle des concessions faites à la Flandre depuis 30 ans qui n’empêcheront pas la désagrégation du pays par « défaut de conscience commune », dira Elie BAUSSART et, dès lors, la nécessité pour les Wallons de se prendre en mains.

Si j’étais député…

Nous n’avons pas accordé assez d’attention, en Wallonie, aux débats sur la question linguistique, à la dernière réunion de la Fédération des Cercles et Associations catholiques. Ils sont cependant pleins d’enseignement.
Après qu’un député flamand (M.MOEYERSOEN d’Alost) eut publiquement constaté que la jeunesse de son pays, poussée par la passion flamingante, court rejoindre la frontpartij, deux autres représentants, un Wallon et un Flamand, ont prononcé les paroles les plus alarmantes. Pour MM. BRIFFAUT et THIBBAUT, le mouvement flamand est irrésistible et, si on ne fait pas droit à ses aspirations, l’unité de la Belgique court le plus grand danger. La Belgique n’en aurait plus pour dix ans, aurait dit M.BRIFFAUT.
Il ne suffit pas qu’après cela M. SEGERS, le député d’Anvers, qui n’est jamais à court d’un effet de voix, ni d’un poncif, ait prophétisé l’apaisement grâce aux concessions faites, « non aux Flamands ou aux Wallons, mais à la patrie » ; cette tirade ne change rien à l’état des choses dont les honorables députés ont prévu les dernières conséquences.
Peu de jours après, M. POULLET, « flamingant modéré », au dire du Laatse Nieuws, faisait à la réunion de la droite la sortie que l’on sait contre le ministère CARTON de WIART en gestation, opposant à la politique étrangère du pays, la politique flamingante, hostile à tout rapprochement quelque peu étroit avec la France. On me dira que M. POULET n’a pas été soutenu dans la voie intransigeante dans laquelle il s’engageait : stratégie parlementaire, courtoisie confraternelle que tout cela. Les directives de M. POULLET en matière de politique internationale sont celles de toute la députation, de toutes les associations flamingantes, dont la plus puissante, l’Algemeen Vlaamsch Verbond, dans sa réunion de délégués du 24 octobre, déclarait « considérer l’accord militaire franco-belge comme non avenu » (van geen kracht). C’est tellement vrai que, dans le Standaard d’aujourd’hui (17 novembre), M. VAN de PERRE donne comme mot d’ordre aux Flamands de faire bloc autour de M. POULLET, en l’honneur de qui il souhaite une manifestation populaire.
Voilà des faits. Qu’est-ce qu’un homme qui veut voir clair en peut déduire ?

Du premier, que les Flamingants veulent imposer la réalisation de leur programme minimum.
« La Loi sur la flamandisation de l’administration, s’écriait M. VAN CAUWELAERT à Anvers le 31 octobre, est la première brèche dans le système actuel… A la flamandisation de l‘administration suivra celle de l’université de Gand, puis celle de notre armée, puis celle de notre justice… ».
Du second, que les flamingants veulent une politique étrangère incompatible, de l’avis des compétences et des hommes responsables, avec la sécurité du pays, généralement bien accueillie, même en Flandre, et en tout cas, opposée à la volonté nettement exprimée de l’autre moitié du peuple belge.
Jusqu’où va cette opposition ? Ecoutons les extrémistes du mouvement déclarer qu’en cas de conflit entre la France d’une part et l’Angleterre, la Hollande et l’Allemagne d’autre part, « la Flandre choisirait le parti de la seule puissance à qui elle puisse se fier, l’Angleterre »(Ons Vaderland du 6 novembre 1920)- et l’on sent que l’Angleterre n’est introduite là que pour faire passer l’abominable hypothèse.
De l’ensemble, que les flamingants, dans leur frénésie mystique, iront jusqu’au déchirement de la patrie, s’ils espèrent par là instaurer le régime conçu pour le « salut » de leur peuple.
Cela, on ne l’écrit guère, mais on le dit en petit ou grand comité- et les yeux s’allument alors de désir à l’entrevision de la Terre promise.
Si j’étais député, je tacherais de réunir mes confrères wallons, à quelque parti qu’ils appartiennent, et, après les avoir mis en face des considérations que je viens d’exposer ici, je conclurais.
Il n’y a que deux attitudes possibles vis-à-vis de la politique flamingante :
Ou bien vous lui ferez des concessions qui, vu les exigences du parti des Van, permettront la réalisation graduelle du programme minimum, lequel indubitablement, conduit à la séparation morale des Flamands et des Wallons, première étape de la désagrégation du pays par défaut de conscience commune ;
Ou bien vous lui résisterez, résolus à ne pas prêter la main au suicide de la patrie, et ce sera le signal de la rupture violente, plus ou moins rapide, plus ou moins radicale.
Ce dilemme, mes chers collègues, n’est pas nouveau pour vous. Mais avez-vous songé à toutes ses conséquences ?
Si nous nous réunissions pour les étudier, avec autant de sang-froid que de courage ? Voulez-vous ?

Jacques Hénault.


Traces d’Elie BAUSSART dans le Mouvement Ouvrier Chrétien de Charleroi.
Dans une étude éditée en 1995 conjointement par le CARHOP et le MOC de Charleroi, on trouve ceci qui concerne Elie BAUSSART et qu’il nous paraît intéressant de relever tant il est vrai que ces lignes sont exemplatives de l’intuition de ce dernier en matière d’indépendance syndicale et politique par rapport à l’Eglise catholique et des difficultés qui furent siennes dès le début. On est à quelques jours du début de la 1ère Guerre Mondiale ; Elie BAUSSART est alors âgé de 27 ans.

« Les employés ne constituent une véritable association syndicale à Charleroi qu’à la veille de la guerre de 1914, sou l’impulsion d’Elie BAUSSART, professeur au collège des Jésuites de Charleroi. C’est en effet début 1914 que E. BAUSSART entre en rapport avec Léon CHRISTOPHE, secrétaire de la fédération des unions professionnelles d’employés et d’employées de Belgique qui a été créée le 24 novembre 1912 et a son siège à la rue Boulet à Bruxelles.

Elie BAUSSART est chargé par Léon CHRISTOPHE d’organiser une réunion où serait créé un syndicat d’employés à Charleroi. Il semble bien rencontrer quelques difficultés avec le directeur d’œuvres sociales, l’abbé VAN HAUDENARD. Le syndicalisme d’employés dont s’occupe L.CHRISTOPHE se veut en effet non confessionnel et l’abbé craint la fondation d’un syndicat qui ne porterait pas l’étiquettechrétien, ce qui pourrait amener à la formation de deux fédérations de syndicats, comme c’est le cas, à l’époque, à Liège où une fédération des syndicats chrétiens dépend de l’évêché tandis qu’une autre de syndicats libres est en concurrence directe avec elle. L’abbé VAN HAUDENARD (1) n’ignore probablement pas qu’E. BAUSSART a été en rapport avec le groupe de démocrates chrétiens indépendants, partisans des syndicats libre ou neutres. Un groupe à l’image de celui de Liège aurait été concurrent direct de la Ligue démocratique de M. LEVIE (2). Quoiqu’il en soit, le Syndicat des employés et voyageurs du bassin de Charleroi est fondé le 25 juillet 1914 et BAUSSART en est élu président.

Entre-temps, le 2 octobre 1913, Victor PARY, président de la Fédération nationale des Francs-minieurs, avait demandé à E. BAUSSART de susciter une réunion syndicale à Charleroi pour secouer le mouvement de sa torpeur. En effet, la situation est telle qu’elle avait déterminé Victor PARY à intervenir et à constater, dans le rapport qu’il avait présenté au congrès syndical chrétien des 27-28 juillet 1913 sur la situation en Wallonie, que partout le syndicalisme chrétien s’étend et se propage. Charleroi, seul, semble rester en retard. C’est là donc que nos efforts doivent surtout se porter et que la propagande doit être intensive. D’abord fixée au 9 novembre 1913, cette réunion est reportée au 18 janvier 1914. Elle devait avoir lieu à Farciennes mais, comme ce sera le cas pour les employés, c’est la salle des Ouvriers Réunis qui est imposée comme local de réunion. Ainsi l’a voulu M. LEVIE, lequel a lui-même sollicité un orateur, Paul CROKAERT. Celui-ci est supervisé par l’abbé VAN HAUDENARD qui veut connaître à l’avance ses conclusions. Cette journée syndicale, probablement la dernière manifestation du syndicalisme chrétien carolorégien avant la guerre, est d’ailleurs présidée, pour sa partie proprement syndicale, par l’abbé VAN HAUDENARD et l’assemblée de l’après-midi devait être présidée par M. LEVIE ; ce dernier, grippé, est remplacé par Victor FRANCOIS, vice-président de la Ligue démocratique.

 

Le syndicalisme chrétien à Charleroi reste une œuvre étroitement contrôlée par le clergé et qui doit être maintenue dans le giron du catholicisme social dont le pontif est Michel MEVIE. Dans ce cadre, il n’est pas étonnant que l’essor du mouvement ne se produise pas ».

Dans la même étude, on trouve ceci :

« Quelques jours après l’exclusion de BODART (3), plusieurs principaux dirigeants de la Ligue de Charleroi envoient une note aux militants de la région. Elle relate le déroulement des événements et dit, notamment, en conclusion que les dirigeants responsables, effrayés des conséquences de l’attitude actuelle de J. BODART, tant à l’intérieur du mouvement qu’au dehors, ne pouvaient pas laisser démolir en quinze jours ce qu’on a mis quinze ans à bâtir péniblement. La circulaire est signée par des hommes dont la plupart sont des intimes, des inconditionnels de Jean BODART : Louis Bolle, Arthur Bertinchamps, Léandre Duchenne, Félix Lemage, ELIE BAUSSART (…) Il est certain que s’ils ont signé, c’est qu’ils se rendaient bien compte que la maladie de J. BODART, malgré l’apparence lucidité de ses écrits,  fini par l’empêcher de dominer ses propres impulsions »

Plus loin encore, mais les faits remontent à 1934 :

« Suite à la création de la Ligue nationale des travailleurs chrétiens de la Centrale d’éducation populaire en 1930, une commission régionale d’éducation populaire est mise en place, dans le but de centraliser les activités éducatives. Présidée par ELIE BAUSSART, elle s’occupe notamment des écoles sociales de Charleroi et de Manage, des retraites et récollections et des cercles d’étude (4). Dans ce cadre, en 1934, la Ligue crée le cercle Jean Verheyden qu’Elie BAUSSART décrit en ces termes : Le Cercle Jean Verheyden, ainsi nommé en mémoire de notre jeune ami qui avait été un des initiateurs du cercle (…) est né en 1934 de cette constatation que l’Ecole sociale régionale, si elle instruit les jeunes gens qui la fréquentent, ne suffit pas à les former. Il faut autre chose qu’un enseignement reçu pour éveiller le jeune travailleur à la vocation et à l’action sociale : le travail personnel de recherche et de discussions, un contact plus immédiat avec les faits et l’histoire, l’exercice de responsabilités personnelles, fût-ce au sein d’un petit groupe, une action au dehors. Le Cercle Jean Verheyden essaie d’atteindre cet objectif… »

Les bases de ce qui deviendra des années plus tard la pédagogie utilisée à l’Institut Supérieur de Culture Ouvrière (ISCO) sont présentes dès cet instant chez Elie BAUSSART. On soulignera également le côté très actuel encore d’une telle pédagogie.

En 1961, des divergences de vue apparaissent au sein du M.O.C entre Flamands et Wallons. Sérieuses. Tellement que la décision est prise d’un Congrès du M.O.C wallon qui précéderait le Congrès du M.O.C national. Or, les statuts du M.O.C nationale ne prévoient pas de Congrès sur base régionale. Ce Congrès wallon marquera un tournant dans l’histoire du M.O.C de Charleroi entre autres, puisque, dès ce moment le M.O.C de Charleroi va s’orienter résolument dans le mouvement wallon. Pour préparer ce Congrès importantissime, nous relate cette même étude, va être créée « une commission régionale qui se réunira pour la première fois le premier août. Les membres du Comité en seront. D’autres personnalités sont contactées : Yves DE WASSEIGE (5), Eugène Ghys, Jacques De Norre, Elie BAUSSART (6), Henri Dewez (dans la mesure où il ne participe pas à la Commission nationale), Edmond Leclef et Aimé Leloux »

L’abbé VAN HAUDENARD, né à Ath, en 1889 et décédé en 1946, créa notamment en 1919 La vie nouvelle, qui devint en 1920 l’organe officiel de la confédération des syndicats chrétiens. Il fut de nombreuses années durant directeur des œuvres sociales, aumônier des œuvres sociales en langage actuel. Cette pratique d’une « belle mère » cléricale est toujours d’actualité à ce jour, même si l’influence des aumôniers s’est très sensiblement affaiblie.
Michel LEVIE né en 1851 et décédé en 1939, est avocat ; c’est un catholique social, s’inscrivant dans la ligne directrice de RERUM NOVARUM publiée en 1891. Il prônera, au plan politique, un pacte d’union entre conservateurs et progressistes chrétiens (dont sera issue la Démocratie chrétienne), se conformant de la sorte aux souhaits épiscopaux. Ce pacte d’union va perdurer vaille que vaille jusqu’aux années 1990. E. BAUSSART n’aura de cesse de se montrer critique à son égard jusqu’à dénoncer cette alliance objective du feu et de l’eau en 1954 en des termes très durs : « Les partis confessionnels étant, ce qu’ils n’ont jamais cessé d’être, des partis conservateurs, peuvent-ils faire autre chose aujourd’hui et demain que refuser leur histoire ? Si la démocratie chrétienne finit par n’être que cela, quelle chute, après les espérances de l’immédiat après-guerre ! » (Adieu à la Démocratie Chrétienne).
Jean BODART, membre dirigeant de la Ligue des travailleurs (comme s’appelait la démocratie chrétienne en 1938), par ailleurs député, directeur politique de La Cité Nouvelle, le quotidien de la démocratie chrétienne, sort d’une longue dépression nerveuse ; il démissionne de la Cité Nouvelle parce qu’on lui reproche des écrits mettant en relief les « griefs wallons » et fonde un nouveau quotidien « La justice sociale » ; exclu du mouvement, il organise un meeting à Bruxelles, où il annonce la constitution de la « Ligue populaire », organisation sans caractère  confessionnel. Ces projets échoueront. Mais, semble-t-il, le fond de ses critiques resurgira ultérieurement et Elie BAUSSART en reprendra certains à son compte. Sans doute, ce dernier estimait-il le moment inopportun pour se lancer dans une telle diatribe avec les Flamands.
Ces cercles visent à la formation religieuse, l’éducation ouvrière via des bibliothèques, des conférences, des dramatiques, l’action politique.
Yves de WASSEIGE, un des fondateurs de la Fondation Elie BAUSSART ; il en est toujours membre actif du conseil d’administration.
A cette date Elie BAUSSART est âgé de 74 ans ; il lui reste 4 années à vivre.


Le choix de la France.

Jean-E HUMBLET, sénateur e.r,
Membre du Conseil de Wallonie- Libre.

Willy BUREON, Binchois qui fut de longues années député, a fourni une carte blanche bien écrite et bien pensée au SOIR, qui a eu la sagesse de la publier le 07/01/08.

Il m’est agréable que subsistent au PS de trop rares dirigeants ayant une conscience wallonne dans la tradition des Jules DESTREE, André RENARD et tant d’autres auxquels l’énorme encyclopédie du Mouvement wallon fait une large place comme à moi.

Toutefois, à mes yeux, il convient d’ajouter trois nuances à ce texte :

le problème de Bruxelles : tant la solidarité Wallonie-Bruxelles français s’impose dans l’Etat belge de même que la complémentarité économique sans se faire phagocyter par l’importante métropole qu’est Bruxelles, tant le rattachement de Bruxelles à la France est irréaliste, de même par conséquent que les positions dans ce sens des petits partis wallons qui subsistent, ceux de Paul-Henri GENDEBIEN – Rassemblement Wallonie-France- de Madame JARDINET – Mouvement wallon pour la Francité- et d’André LIBERT – Rassemblement wallon.
en bonne logique, si les outrances flamandes menaçaient sérieusement la survie de la Belgique, n’y aurait-il pas d’abord après une autonomie confédérale de la Wallonie à projeter l’indépendance ? On est beaucoup plus que Chypre, l’Estonie, le Luxembourg, Malte ou la Slovénie !
à propos de l’hypothèse française, tenant compte de l’évolution mondiale, ne devrait-on pas en revenir à une Europe fédérale loin des renoncements successifs et à la place qu’occuperont les régions plus proches du citoyen qui s’affirment un peu partout, même en France, la mère du jacobinisme ?

 

Ce 8 janvier 2008, on peut être sceptique sur la capacité des 12 sages tous émanant de partis de travailler à moyen et long terme en dehors de l’apport des forces vives de Flandre, de Wallonie et de Bruxelles.


Souvenirs d’Elie BAUSSART.

Jean-E HUMBLET,
Sénateur e.r,
Membre du Conseil de Wallonie-Libre.

 

Il est temps qu’à 87 ans je fasse appel à ma mémoire sur des détails qui n’ont plus guère d’autres témoins.

Un mien ami, aîné d’un an, m’a parlé d’un conflit qui l’opposa à Elie BAUSSART, dans le cadre sans doute d’un cours d’histoire au collège : celui-ci expliquait et justifiait le mouvement flamand ! Et mon ami, qui d’ailleurs est resté bouillant, de se manifester en protestant bruyamment ! Cela ne devait pas être courant à cette époque dans un établissement catholique qu’un élève de « bonne famille » se sentit proche de l’abbé MAHIEU et eût de la conscience wallonne ! Bravo, Pierre.
Mais au contraire, bravo surtout à à Elie BAUSSART : il comprit tôt le devoir de solidarité entre tous les peuples qui luttent pour leur identité et leur autonomie.
Dans mon gros livre « Témoins à charge » (éd. Erasme/Artel-Namur, 1990), je témoigne de ma propre action dans ce domaine, moi qui pendant la guerre à l’époque du devoir du courage, comme président de la Fédération wallonne des Etudiants de Louvain, ai milité avec des Flamands et réfléchi avec eux à une autre Belgique dans la paix à venir.

Elie BAUSSART, je l’ai rencontré quelques fois à la revue Forces nouvelles de mes amis Maurice PIRON et Jacques LEVAUX et surtout à Rénovation wallonne.  C’était un homme inspiré et inspirant mais peu axé sur les réunions enfumées où il fallait aussi des décisions concrètes pour l’action.

L’on se comprenait comme chrétiens critiques du « pilier » catholique qui avaient été proches de l’UDB, d’Emmanuel MOUNIER et, comme tels, du devoir d’engagement progressiste et pluraliste de « Ceux qui croyaient au ciel avec ceux qui n’y croyaient pas ».

Elie BAUSSART, le visage en partie caché par sa belle barbe blanche était un homme souriant, engagé mais nourri pourtant de sérénité. Sous cet angle, je n’ai peut-être pas su le suivre pleinement !


Namur 24 janvier 2008, la Wallonie existe et s’exprime…

A l’initiative du Mouvement du Manifeste Wallon et sous la présidence de M. Jean Louvet, des élus wallons, des représentants du monde syndical, du mouvement wallon et de la société civile se sont réunis le 23 janvier 2008 à Namur.

Dans le cadre des négociations actuelles au sein du groupe de travail de réforme de l’Etat dit ‘Octopus’ et du débat intra-francophone dans la Commission ‘Busquin-Spaak’, les participants ont  réaffirmé quelques grands principes fondamentaux :

A l’heure où ces négociations engagent l’avenir de l’Etat belge et de la Wallonie, les participants en appellent au courage de tous les négociateurs wallons: qu’ils soient conscients qu’il est de l’intérêt des Wallons et des Wallonnes de se donner les instruments et donc les compétences qui garantiront son avenir ! Le fédéralisme belge, pensé depuis un siècle et mis en œuvre depuis presque 40 ans, à la rencontre des aspirations culturelles flamandes et des revendications socio-économiques wallonnes, est un système mûr. Pour la Wallonie, l’institution régionale a atteint une dimension critique qui lui permettra d’absorber tout transfert de compétences sans difficultés majeures. Toutefois cet acquis doit maintenant être repensé à la lumière des exigences d’aujourd’hui.
La seule réalité un peu solide pour les Wallons et les Wallonnes sur laquelle construire leur avenir et développer leur propre projet de société demeure l’existence d’une Région autonome et « quasi-souveraine ». Le développement économique de même que la solidarité « inter-personnelle » entre citoyens ne se décrètent pas. Pour porter durablement et renforcer la reconquête par la Wallonie de sa prospérité, l’exercice par l’institution régionale des compétences culturelles est l’un des outils indispensables à celle-ci, ce qui induit qu’elle soit responsable de son enseignement, de sa politique culturelle et de ses médias.

Les participants se sont en outre réjouit d’entendre de plus en plus d’élus et de représentants de la société civile bruxelloise déclarer qu’il est temps de laisser derrière nous un Etat belge où deux Communautés se font face, pour permettre l’épanouissement de trois Régions, chacune avec son identité propre, des institutions efficaces et la capacité de développer des coopérations efficientes entre elles.

Les participants ont donc décidé de convoquer début mars à Namur une grande réunion publique où, dans un esprit de dialogue et de respect, toutes les forces vives de Wallonie approfondiront librement leurs réflexions en vue des échéances prochaines.


Invitation aux citoyennes et citoyens, auxResponsables politiques et Militants de la cause wallonne

Prenez date dans votre agendale vendredi 29 février à partir de 18h30au Centre de Congrès « Beffroi »,Place d’Armes n°15000    Namur (parking Beffroi).

Pour participer à une grande réunion-débat publique où les forces vives de Wallonie se verront présenter « un projet politique de la société wallonne pour son avenir ».

A la veille d’importantes échéances, le Mouvement du Manifeste Wallon (MMW), sous la présidence de Jean Louvet, a réuni plusieurs personnalités et mouvements issus du monde politique, syndical, économique, culturel et associatif et des citoyens de Wallonie afin de réaffirmer nos revendications dans le cadre des négociations en cours.

Différents orateurs représentant les divers initiateurs de ce projet lanceront le débat (voir programme).

Le projet réaffirme que les Wallonnes et les Wallons restent attachés à une sécurité sociale forte, solidaire et fédérale et qu’ils veulent prendre leur avenir en main, conscients de ce que la Wallonie affronte toujours une situation politique, économique et sociale difficile.

La Wallonie existe,

elle a besoin de pouvoirs et moyens nouveaux.

Pour accélérer son redressement, elle doit donc être compétente pour son enseignement, sa formation, sa politique culturelle et  ses médias.

Soyons nombreux, ne venez pas seuls !

Jean LOUVET,

Président du MMW

au nom des mouvements wallons et personnalités ayant initié la Déclaration

Pour plus d’informations : Michel Gigot, téléphone: 0473/455522  – courriel : marius.gigot@skynet.be

 

Programme

18h30 * Mot de bienvenue et objectifs de la réunion par Jean Louvet, Président du MMW.

Intervention d’un représentant du mouvement wallon :

Jean Pirotte, Professeur émérite de l’UCL, Président de la Fondation wallonne Humblet.

Intervention de représentants des organisations syndicales :

Jean-Claude Vandermeeren, Secrétaire général de la FGTB wallonne.
Raymond Coumont, Président de la CSC wallonne
Nico Cué, Secrétaire des métallos FGTB Wallonie-Bruxelles.
André Beauvois, ancien Secrétaire CGSP Enseignement-Liège

Intervention de représentants du monde économique :

Yvan Hayez, Secrétaire général adjoint de la Fédération Wallonne de l’Agriculture (FWA)

Intervention de représentants du monde culturel et associatif :

Thierry Haumont, Romancier

Intervention de représentants du Parlement wallon :

Christophe Collignon, député wallon.

Pause (aux alentours de 20h15)

Présentation de la Déclaration pour un projet politique

par Michel GIGOT, Vice-président du MMW

DEBAT   AVEC   LE   PUBLIC

Intervention durant le débat d’un représentant du Manifest(e) Bruxellois.

Projet de résolution.

Appel à l’assemblée pour une mobilisation des wallonnes et des wallons.
Clôture par le Président du Parlement Wallon,  José Happart


      Déclaration pour un projet politique mobilisateur de la société wallonne.

Nous, citoyennes et citoyens de Wallonie, issus du monde politique, économique, social, culturel et associatif, militants du Mouvement wallon et acteurs de notre société dans sa diversité, réunis ce 29 février 2008 à  Namur, à titre individuel ou comme représentants de divers groupements, voulons faire entendre notre voix dans le débat institutionnel actuel qui influera directement sur l’avenir de notre Région.

A cette fin, nous avons adopté la présente Déclaration qui, dans le cadre des négociations en cours et des réflexions qui seront menées au sein du Parlement wallon, réaffirme les principes fondamentaux sur lesquels nous voulons construire l’avenir de la Wallonie :

§ 1er  Partant des constats que :

La mise en place d’une fédération francophone c’est à dire un seul gouvernement et un seul parlement pour les Wallons et Bruxellois francophones, comme déjà tenté en 1985, aura pour conséquences principales :
–     la liquidation des institutions de la Wallonie, représentation légitime des Wallons, porteuses de notre redressement.
–     la Région de Bruxelles-Capitale deviendrait la seule à conserver un gouvernement autonome.
La Région constitue la réalité de référence pour les Wallons comme pour les Bruxellois, à la fois comme élément d’identification et comme moteur de leur stratégie de développement ;
La solidarité entre la Wallonie et Bruxelles ne peut avoir pour prix la suppression ou l’occultation d’une des deux entités, mais elle doit, au contraire, respecter l’identité et les intérêts propres des deux populations et des deux Régions ;
L’institution communautaire, basée seulement sur la langue et la culture est porteuse d’enfermement et de repli identitaires. Incapable de répondre aux aspirations à la reconnaissance des populations qui la composent, elle n’a jamais été, en près de quarante ans, et ne sera jamais à même de déclencher une mobilisation citoyenne capable de générer tant un « vouloir vivre ensemble » que l’accélération de la rénovation de la Wallonie.

§2 Nous estimons que :

Il est temps de laisser derrière nous un Etat belge où deux Communautés se font face, pour mettre les institutions en phase avec la réalité de la population du pays, en permettant l’épanouissement de trois Régions, chacune avec son identité propre, des institutions cohérentes et la capacité de développer des coopérations efficaces car tissées entre des partenaires égaux ;
La maîtrise et la gestion par la Wallonie des compétences culturelles au sens large à savoir l’enseignement, la recherche, la politique culturelle et sportive et les médias, est un facteur indispensable à la définition d’un véritable projet de développement régional cohérent et intégrant les dimensions économiques, sociales, environnementales, éducativessportives et culturelles ;
La poursuite et l’approfondissement du mouvement entamé dans la foulée de la réforme de 1993 (transfert de l’exercice de compétences, avec les moyens budgétaires afférents, de la Communauté française à la Wallonie et la Cocof) constituent une progression logique vers l’exercice de toutes les compétences communautaires par l’institution régionale, et ce tant en Wallonie qu’à Bruxelles ;
La solidarité et la complémentarité entre la Wallonie et Bruxelles peuvent se matérialiser et se renforcer de manière réellement efficace par une collaboration large de Région à Région, sans impliquer, par définition, leur dilution au sein d’institutions communes ;
Pour assurer une solidarité Wallonie-Bruxelles mutuellement profitable, l’adoption d’une norme commune concrétisant la volonté de coopération sous la forme d’un « traité » constitue une voie possible. Ce large accord de coopération réglera les objectifs communs, les domaines et modes de coopération, ainsi que les formes de la relation entre la Wallonie et Bruxelles;
La tenue, à des moments distincts, des élections fédérales et des élections régionales est l’un des fondements du fédéralisme.
Enfin, la Wallonie doit être à même de pouvoir mener un débat sur l’organisation politique et administrative optimale de son territoire, comme, par exemple, le rôle de l’institution provinciale

§3 Nous considérons en outre que : 

La liste des compétences fédérales devra être établie de manière limitative tout en garantissant une fiscalité des entreprises identiques dans l’ensemble du pays et en renforçant la solidarité inter-personnelle et l’unicité du droit du travail, appréhendés, tous deux, dans un sens large, et ce pour l’ensemble des travailleurs, indépendamment de leur lieu de travail ou de leur domicile;
Une « re-fédéralisation » de compétences exercées par les entités fédérées ‑ par exemple le commerce extérieur ou la coopération au développement ‑ nous paraît inutile, la gestion de ces matières s’étant révélée efficace au niveau régional  et n’a nullement empêché le développement de collaborations sur ces matières entre les Régions;
Le transfert complet de compétences déjà largement régionalisées constituerait une évolution logique dans une optique de renforcement de la cohérence donc de l’efficacité des politiques régionales ;
La mise en place d’une circonscription électorale fédérale unique ne sera qu’un affaiblissement du fait politique régional, un renforcement de la représentation flamande et un pas de plus vers l’ultra-personnalisation de la vie politique au détriment du débat de fond et ce sans résoudre en rien les divergences et les différends existant entre les communautés.


Nous, citoyennes et citoyens de Wallonie, issus des mondes politique, économique, social, culturel et associatif, militants wallons et acteurs de notre société dans sa diversité, prenons l’engagement, chacun à notre niveau de responsabilité, tant du point de vue personnel que collectif, de défendre et de diffuser auprès du plus grand nombre les grands principes de la présente Déclaration.

Fait à Namur, capitale de la Wallonie, le 29 février 2008


Accueil par Jean Louvet à l’ occasion de l’assemblée du 29 février 2008. Centre de congres, place d’armes à Namur.
Mesdames, messieurs les mandataires politiques,
Mesdames, messieurs les journalistes,
Amies, amis, militants et militantes wallons,
Mesdames, messieurs,
Je vous remercie d’avoir répondu nombreux à l’appel des organisatrices et organisateurs de cette assemblée ; ils sont issus du monde politique, syndical, culturel, associatif et des diverses composantes du Mouvement wallon.

Ce groupe de 20 personnes a fait appel à des orateurs que nous remercions vivement ; ils ont accepté notre invitation, même si ce n’est pas toujours facile de s’exprimer dans le contexte actuel. Ils vous diront l’essentiel de nos préoccupations.

Quels sont les objectifs de cette réunion ?
J’en vois 3 qui se détachent.

Un : non à l’invisibilité de la Wallonie.
Deux : réaffirmation de notre profession de foi fédéraliste
Trois : mobilisation.

Il y a quelques semaines, les citoyennes et citoyens de Wallonie étaient en plein désarroi, choqués par la rupture de solidarité qui est l’essence du fédéralisme. Il y eut des réactions : José HAPPRT, Serge KUBLA, les manifestations syndicales à Bruxelles, la carte blanche de six députés wallons, l’appel aux Wallons de Jean-Claude VAUWENBERGHE.

Hier et aujourd’hui, la Wallonie disparaît beaucoup trop souvent des commentaires, des débats, des projets politiques.

Nous sommes noyés dans une véritable francophomanie, orchestrée, redoutable. Cette idéologie francophone se donne des airs de supériorité, répandant une vision manipulée et vulgaire du régionalisme.

Nous refusons d’accepter que se mette en place une machine d’oppression où la Wallonie est niée.
Nous ne sommes pas un peuple du silence, un peuple muet, un peuple occulté.

Nous sommes ici por affirmer les certitudes d’un mouvement wallon que nous voulons fort.

D’aucuns diront : ne vous plaignez  pas, la Belgique est un pays formidable, on rit de tout. Ou bine : vous êtes au pays du surréalisme. Rappelons quand même qu’Achille CHAVEE, notre grand poète surréaliste se proclamait wallon, fédéraliste et qu’il vendait lui-même le journal « Combat » d’André RENARD.

Deuxième objectif : nous sommes ici pour rappeler que nous avons voulu le fédéralisme, il ne faut pas en perdre l’héritage.

On ne touchera pas à notre capitale, à notre parlement, à notre gouvernement : ce sont des conquêtes démocratiques arrachées à l’Etat unitaire au prix de nombreux combats. Que le Parlement wallon nous entende bien ! La Wallonie est à un tournant. A situation historique exceptionnelle, débat parlementaire exceptionnel.

Il est urgent de définir un contrat de génération qui transmette la volonté de changement d’une génération à l’autre.

On a trop souvent fait de nos jeunes des amnésiques. C’est contre cela que le « Manifeste pour la culture wallonne » veut que nous disposions de l’enseignement, de la culture et des médias.

De nombreux Bruxellois ont également lancé leur manifeste. L’un d’eux nous a rejoints et prendra la parole ce soir. Wallons et Bruxellois, nous allons tous, solidaires, dans le même sens.

La Région constitue la réalité de référence pour les Wallons et les Bruxellois.
La solidarité entre la Wallonie et Bruxelles ne peut avoir pour prix la suppression ou l’occultation d’une des deux entités.

Enseigner les divers aspects du patrimoine tant artistique que social fait partie de nos objectifs.

Dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous avons mené une autre guerre : celle de l’émancipation de la Wallonie. Nos jeunes héritent de ce combat. Qu’ils ne se méprennent pas, ils devront continuer le combat. Ne laissons pas s’élargir entre eux et nous le fossé de l’oubli.

Si la Wallonie a tant besoin d’une nouvelle couche entrepreneuriale, c’est au prix de cette prise de conscience. Georges BERNANOS disait : « On n’aime que ce que l’on comprend ».

Troisième objectif : mobilisation.

Le sang de la résistance coule dans nos veines. Résistance historique, résistance pour sauver l’honneur de la démocratie, résistance en 19601961. Chaque fois, nous étions présents. Nous sommes ici pour redire que nous avons été des acteurs chaque fois qu’il le fallait. Ne nous laissons pas  réduire au statut de spectateurs passifs et désenchantés.

Les coups portés par la mondialisation pour affaiblir l’Etat nation n’entraîneront pas notre combat pour le fédéralisme dans l’impuissance, dans les oubliettes de l’Histoire.

Je laisse maintenant la parole à nos orateurs qui vont évoquer les problèmes ps osés par notre engagement.

Je vous remercie de votre attention.

Namur, le 29 février 2008.

Jean LOUVET, président du Mouvement du manifeste wallon (M.M.W).


Pour une fédération Wallonie-Bruxelles, un plaidoyer birégional
Bien que leur concrétisation soit postérieure à celle des Communautés dans l’instauration du fédéralisme belge, les Régions traduisent la conception wallonne et bruxelloise du fédéralisme et sont aujourd’hui des acteurs incontournables de notre paysage institutionnel.
Les politiques que les Régions mènent, notamment dans les matières liées au développement économique et social, sont précisément calibrées pour être adaptées aux réalités socio-économiques de leur territoire et aux besoins de leur population.
Ce constat de départ n’enlève rien à la nécessité de développer des synergies entre les Régions ni à celle d’assurer un lien de solidarité efficace entre la Wallonie et Bruxelles notamment au travers d’un niveau de pouvoir commun à nos deux Régions.
Aujourd’hui, les Wallons et les Bruxellois francophones se trouvent face à des enjeux déterminants pour leur avenir. Plus que jamais, ils ont tout à gagner à travailler ensemble. Nos gouvernements doivent renforcer les collaborations afin de rendre nos stratégies plus efficaces, de favoriser le redressement économique de la Wallonie et de Bruxelles et de trouver des solutions à nos défis sociaux.
C’est une question d’efficacité et de bon sens que les citoyens appellent de leurs vœux. Même s’ils sont souvent perdus face à l’architecture institutionnelle complexe de notre pays, ils attendent des ministres wallons et bruxellois qu’ils travaillent ensemble à l’amélioration de leur vie quotidienne et à la défense de leurs droits.
Par cet appel commun, nous souhaitons nourrir le débat à travers plusieurs propositions.
Les institutions sont par principe au service de la population par les politiques publiques qu’elles mettent en œuvre. Aucun dogmatisme, aucun préjugé institutionnel ne doit nous écarter de l’objectif premier : comment les institutions peuvent-elles servir au mieux les attentes légitimes des citoyens ? Elles sont l’outil par excellence dont se dotent des citoyens afin d’œuvrer, individuellement et collectivement, à leur épanouissement social. La forme même de ces institutions en détermine le caractère démocratique et l’efficacité.
Aujourd’hui, au motif parfois sincère de simplification administrative, certains prônent un modèle de fusion où une entité francophone homogène ferait face à la Communauté flamande.
C’est nier l’importance des Régions qui se sont imposées comme la réalité de référence pour les Wallons et les Bruxellois et qui ont développé une stratégie de redéploiement durable pour chacune des deux entités.
Pour Bruxelles, les partisans d’une recomposition sur la base des deux Communautés justifient cette option en arguant du risque permanent de paralysie des institutions bruxelloises par certaines formations flamandes. Accepter cette thèse reviendrait à se résigner au malheureux constat – que nous ne partageons pas – qu’il est impossible de faire coexister harmonieusement deux communautés à Bruxelles, ce qui revient à renoncer purement et simplement à l’existence même d’une Région bruxelloise.
En outre, cette défense, du côté francophone, d’une recomposition institutionnelle fondée sur deux communautés linguistiques est étonnante car elle se range, pour l’essentiel, derrière l’une des résolutions offensives votées par le Parlement flamand en 1999 ; une résolution qui distinguait deux « États fédérés » – la Flandre et l’État fédéré francophone – et un territoire subalterne à statut spécifique – la Région de Bruxelles-capitale – doté de compétences limitées et sur lequel les deux États fédérés auraient, pour un nombre important de matières, un droit de regard, d’intervention voire de cogestion.
L’organisation d’un tel face à face institutionnel entre entités francophone et flamande n’est, selon nous, pas souhaitable, pas plus qu’il ne serait générateur d’efficacité.
En faisant cogérer Bruxelles par les deux autres entités, ce système priverait les Bruxellois de droits démocratiques fondamentaux et d’une gestion cohérente de leur Région.
Solidaires des Bruxellois lors de la création de la Région-capitale, les Wallons sont, au contraire, preneurs d’une relation d’égal à égal.
N’oublions pas que la Région bruxelloise n’est pas exclusivement francophone – c’est d’ailleurs l’un de ses atouts – et que la Région wallonne ne l’est pas davantage, puisqu’elle compte, aussi, des citoyens de langue allemande.
En outre, une identité régionale forte existe et s’est sensiblement affirmée, dans la sérénité et l’ouverture, tant à Bruxelles qu’en Wallonie. Le fait régional y est devenu incontournable et s’y affirme de manière décomplexée comme l’antithèse du repli.
Partant de ce constat, voici les lignes de force d’un modèle birégional que nous proposons ensemble et soumettons au débat de la Commission Wallonie-Bruxelles.
L’affirmation de deux Régions solidaires, égales en statut, guide nos propositions.
Ce principe implique que la Région bruxelloise se voie reconnaître le même degré d’autonomie constitutive que les autres entités.
L’égalité passe surtout par le refinancement structurel de la Région bruxelloise. C’est une nécessité mais, plus encore, un droit. Bruxelles, qui est un moteur de développement économique pour les trois Régions, supporte des charges qui bénéficient à l’ensemble du pays. Un juste financement est une condition pour assurer aux Bruxellois les mêmes capacités de développement que celles des autres citoyens du pays.
Enfin, nous pensons que la répartition de certaines compétences sur le territoire bruxellois doit être simplifiée tant par souci d’efficacité que de lisibilité pour les citoyens et les acteurs des secteurs concernés.
Plus globalement, la réflexion sur l’optimalisation des institutions communes aux Wallons et aux Bruxellois doit conduire à une meilleure prise en compte des réalités et des besoins régionaux – tant wallons que bruxellois – dans l’exercice des compétences communautaires.
Et quel lien entre la Wallonie et Bruxelles proposons-nous ?
Justement, celui d’une fédération, véritable trait d’union permanent entre les deux composantes.
Nous sommes, en effet, autant attachés à l’autonomie de nos deux Régions qu’à la solidarité entre la Wallonie et Bruxelles. Pour consacrer cette solidarité, une instance commune disposant de compétences et d’un budget propres – la Communauté française revisitée – est la formule la plus adéquate. En effet, penser qu’on renforcera la solidarité entre la Wallonie et Bruxelles en niant l’institution qui à vocation à les rassembler est un leurre.
Sur la base de deux Régions autonomes et également compétentes, régies par le suffrage universel direct, son rôle, ses organes et son fonctionnement seront naturellement amenés à évoluer vers une Fédération Wallonie/Bruxelles. Tout en veillant, bien entendu, au respect de l’autonomie des germanophones.
Les organes de cette Fédération devraient traduire cette nouvelle réalité. Certains traits en ont déjà été amorcés sous cette législature à travers la tenue de réunions conjointes des gouvernements et la désignation de ministres chargés de compétences tant de nature régionale que communautaire et l’attribution de la présidence communautaire à un ministre-président régional.
Le gouvernement de la Fédération serait composé de ministres wallons et de ministres bruxellois francophones.
Un tel exécutif resserré permettrait également de diminuer sensiblement le nombre total de ministres, contribuant dès lors à un exercice du pouvoir simplifié et plus efficace.
Dans le cadre de ce modèle, il conviendra aussi de réfléchir au mode d’organisation et de fonctionnement du Parlement de la Fédération, afin de l’articuler mieux encore avec les deux parlements régionaux.
Cette réforme globale doit aller de pair avec la réflexion qui, au sein de la Commission Wallonie/Bruxelles, doit définir le niveau de pouvoir le plus opportun pour la gestion des compétences fédérées, au bénéfice des citoyens.
Nous désirons fermement que les débats communautaires à venir aboutissent à une nouvelle architecture institutionnelle pour notre pays, en adéquation avec les droits inaliénables et le projet d’émancipation individuelle et collective des Wallons et des Bruxellois.
Seule une Belgique fédérale, construite à partir de trois Régions fortes, établies sur pied d’égalité, permettra d’atteindre un équilibre institutionnel mature et satisfaisant pour tous.
Seules des Régions wallonne et bruxelloise fortes, établies sur pied d’égalité, permettront aux Wallons et aux Bruxellois de se fédérer et d’organiser de manière efficace les synergies et solidarités auxquelles ils aspirent, au service leurs intérêts communs et respectifs.
Une fédération birégionale Wallonie-Bruxelles sera ce trait d’union équitable et efficace dont nous avons besoin.
Fait à Namur et à Bruxelles, le 16 avril 2008.

Rudy DEMOTE, Ministre-Président de la Région wallonne et de la Communauté française.
Charles PICQUE, Ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale.


Conclusions tirées des deux rapports intermédiaires

 

Wallonie/Bruxelles : convergences et divergences socioéconomiques
Si l’on procède à une approche comparée des situations socioéconomiques de la Wallonie et de Bruxelles, on constate des similitudes démographiques, des complémentarités sectorielles ainsi qu’une même confrontation au défi du chômage.

Ainsi, des similitudes peuvent être identifiées sur le plan social, même si les défis à relever par une métropole urbaine bilingue et foncièrement multiculturelle sont différents de ceux d’une Région de tradition industrielle intégrant une importante dimension rurale et disposant de sa propre identité.

Sur le plan économique, les tissus wallon et bruxellois présentent des différences plus sensibles encore. En effet, si, en matière d’emploi, on constate une structure assez semblable (secteur public, commerce, santé, immobilier, services), il n’est pas nécessaire de rappeler que la Région de Bruxelles-Capitale développe essentiellement une économie de services alors que la Wallonie présente également une activité industrielle manufacturière.

S’il existe un lien linguistique évident et une proximité culturelle entre la Wallonie et Bruxelles, il convient de souligner que, sur le plan économique, la Région wallonne n’est pas le partenaire exclusif de la Région bruxelloise. Ainsi, il n’est pas inutile de rappeler qu’aujourd’hui la Flandre est le principal partenaire commercial de chacune des deux autres Régions. Il n’en reste pas moins que des complémentarités se manifestent entre la Wallonie et Bruxelles et qu’il est, dès lors, indiqué de rechercher, ensemble, les moyens de les valoriser au bénéfice mutuel des deux Régions. Le développement de l’hinterland économique de Bruxelles contribue à favoriser le développement de la Wallonie.

Cette recherche du meilleur partenariat doit être rationnelle et lucide. Elle doit notamment prendre en compte que des situations de concurrence existent entre la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale, comme entre toutes les régions d’Europe voire du monde.

D’aucuns épinglent, en ce sens, les délocalisations d’entreprises de la Région bruxelloise vers la Région wallonne qui dispose d’un vaste espace disponible à des coûts très compétitifs. L’action des outils régionaux de développement économique comme les stratégies de développement régional ont logiquement un impact en ce sens qu’il ne peut être question de brider par l’instauration de droits de regard ou de veto inenvisageables dans un marché européen intégré. La question centrale est donc de savoir s’il est possible de dépasser ce type de conflits d’intérêts légitimes et de rechercher comment y parvenir dans un esprit de partenariat gagnant-gagnant.
Un certain nombre de pistes ont été esquissées. On pourrait ainsi établir une lisibilité claire des aides régionales et prévoir des échanges d’informations sur les investisseurs potentiels.
De même, en matière de recherche et développement, où les Régions mènent une action très importante, avec des moyens accrus et en articulation directe avec la sphère économique, des synergies méritent toujours d’être envisagées pour atteindre plus aisément un niveau de masse critique. Des partenariats transrégionaux entre universités, entreprises et centres de recherche, sur base de complémentarités clairement identifiées, permettraient notamment de partager les risques d’investissement et de financement. La participation des universités francophones de Bruxelles aux cinq pôles de compétitivité wallons est un exemple intéressant en la matière.
Bruxelles, Ville Région à vocation internationale :
Le rayonnement et le rôle international de Bruxelles se traduisent par une ouverture économique au bénéfice des deux autres Régions.

Par rapport aux deux autres Régions du pays, Bruxelles est riche d’une « marque en soi ». Le fait que des entreprises n’hésitent pas à payer le prix pour s’installer en Région bruxelloise afin de disposer de cette « étiquette » est symptomatique. De même, des spécialistes américains ont estimé à plus de 500 milliards de dollars la marque « Brussels » au niveau international. A l’instar d’Etats américains comme la Virginie et le Maryland utilisant le label « Greater Washington » pour leur promotion extérieure, les régions voisines de Bruxelles ont manifestement intérêt à valoriser cette proximité. Dans ce domaine, les Flamands capitalisent davantage sur l’image porteuse de la capitale européenne que les Wallons. Il apparaît, dès lors, hautement souhaitable que l’on continue à favoriser l’effet de « vitrine », suivant ainsi l’exemple de notre représentation conjointe à Paris.

Ceci étant, il importe de ne pas perdre de vue que si Bruxelles joue un rôle moteur (16,5% du PIB) dans l’économie belge, le taux de paupérisation de sa population est également important.

Dans cet esprit, il faudra veiller à ce que l’extension de l’hinterland économique bruxellois contribue aussi à la résorption du chômage à Bruxelles.
La Wallonie, un éventail d’atouts
Bruxelles a ses forces, la Wallonie n’est pas en reste. Le propos de ce rapport n’est pas de dresser l’inventaire des atouts wallons. Plusieurs études leur ont été consacrées et des instances comme l’AWEX assurent leur diffusion avec professionnalisme.

Ces atouts sont parfois semblables à ceux de Bruxelles, parfois complémentaires. Parmi ces derniers, pour ce qui concerne la Wallonie, un atout indéniable est manifestement son espace disponible.

 

 

Dans le rapport à l’espace et à la proximité Wallonie/Bruxelles, l’approche doit être pragmatique et sans exclusive. Le lien particulier unissant les Régions wallonne et bruxelloise doit être cultivé, a fortiori lorsqu’on sait qu’une partie importante de la Wallonie peut profiter de l’effet Bruxelles-Capitale (c’est particulièrement vrai pour le Brabant wallon et une partie du Hainaut).

Mais comme la Flandre, la Wallonie a tout intérêt à améliorer la répartition géographique de son activité économique endogène. De même, elle doit valoriser son ouverture à l’ensemble de ses voisins, en confortant le caractère multipolaire de son développement. Des études montrent, en effet, combien la Wallonie, en ses différents bassins agit en articulation avec l’extérieur. C’est l’autre voie suivant laquelle elle doit valoriser le phénomène de métropolisation qui ne doit, en aucune manière, être monocentré.

Il importe donc que la Wallonie intensifie aussi ses partenariats avec les pôles que sont Lille, Luxembourg, Aix-Cologne, Maastricht ou encore la Flandre.

Dans cet esprit de développement multipolaire, la Région wallonne doit s’inscrire dans une logique de développement global qui se fonde à la fois sur l’axe industriel traditionnel Est-Ouest en redéploiement, notamment sous l’effet des fonds structurels européens et d’une articulation Angleterre-Allemagne renforcée, et sur l’axe Nord-Sud Bruxelles-Namur-Luxembourg qui fait montre d’un grand dynamisme.

Il faut donc poursuivre l’amélioration de la mobilité transrégionale et le développement des infrastructures dans cet esprit de relation forte avec Bruxelles et d’ouverture à l’ensemble des autres pôles de développement transrégional.
Des compétences régionales fortes et des collaborations à valoriser
En matière d’économie au sens large, la majorité des compétences ont déjà été régionalisées. De l’avis unanime des intervenants entendus, ce transfert a fait pleinement ses preuves, au point qu’il est légitime de dire que ces régionalisations furent déterminantes pour la définition d’une stratégie de redéploiement régional qui sort aujourd’hui ses effets.

De la régionalisation des infrastructures de communication à celle de l’aménagement du territoire, en passant par le transfert de l’ensemble des dispositifs de soutien aux entreprises en liaison avec la recherche et l’internationalisation, la pertinence de la localisation régionale n’est jamais remise en cause. Il en va de même pour l’emploi et la formation.

C’est tout aussi vrai pour le tourisme qui a connu un développement spectaculaire dans le cadre régional, avec une professionnalisation accrue, une meilleure intégration de la dimension économique et le développement de synergies naturelles avec le patrimoine.

Une meilleure articulation de la Wallonie et de Bruxelles doit donc être conçue sur le mode de la collaboration entre outils et institutions. Une majorité s’accorde aujourd’hui pour reconnaître qu’une fusion Communauté-Région est impossible et inopportune compte tenu de la volonté exprimée par les populations wallonne et bruxelloise de voir leurs spécificités reconnues et inefficace en raison de l’absence de fiscalité communautaire.

De la même manière, il n’est pas possible d’envisager la fusion d’outils comme la SRIB et la SRIW.

En revanche, il est possible d’envisager une collaboration des organismes publics de développement économique wallons et bruxellois, notamment pour une gestion concertée de l’accueil des investisseurs. Il serait, par ailleurs, souhaitable de renforcer les collaborations entre outils agissant dans les domaines de l’emploi et de la formation et de faciliter la mobilité transrégionale.

Dans le domaine de l’économie au sens large, l’optimalisation mutuellement profitable des relations Wallonie/Bruxelles semble donc devoir emprunter la voie de la collaboration de Région à Région, dans le respect de leurs compétences propres et de leurs intérêts respectifs, tout en unissant leurs forces chaque fois qu’un action conjointe ou concertée s’avère plus avantageuse pour toutes les parties.

Pour la régionalisation des derniers outils économiques fédéraux
La régionalisation de la plupart des outils économiques a donc permis à la Wallonie et à Bruxelles de se réinscrire dans une logique de développement, dans la cohésion sociale et territoriale.

La Wallonie, comme Bruxelles, dispose d’un certain nombre d’outils économiques performants (pour la Wallonie, l’AWEX, la SOWALFIN, la SOFINEX ou encore la SRIW).

Il semble, dès lors, logique et opportun que l’ensemble des outils spécifiques de développement économique demeurant au niveau fédéral soit régionalisé. Il va de soi que ces transferts de compétences ou d’outils doivent s’accompagner du transfert de moyens humains, matériel et financiers correspondants. Ce n’est toujours pas le cas pour le Fonds de participation ou encore l’économie sociale.

De la même manière, plusieurs intervenants se sont interrogés sur l’opportunité de conserver des structures fédérales d’investissement alors que la régionalisation s’avère plus efficace. On songe ici à la SBI, la SPFI, la SNI et à l’Office du Ducroire. Ceci méritant une analyse affinée.
Présence et collaboration régionales et communautaires sur la scène internationale
Pour ce qui concerne le commerce extérieur, nombres d’intervenants ont souligné les effets positifs de la régionalisation. Certains membres soulignent néanmoins en cette matière la multiplication des interlocuteurs, les phénomènes de concurrences entre Régions, la déperdition d’énergie et les questions qui s’en suivent. Le spectaculaire et constant accroissement des exportations régionales, notamment en Wallonie (une croissance annuelle de plus de 9 % depuis 1996), souligne la pertinence de ce choix. Il en va de même pour la prospection d’investissements étrangers où, au delà des chiffres très positifs en termes d’investissements et d’emplois, des dossiers comme Baxter, Johnson & Johnson, Google ou Microsoft montrent combien les instruments régionaux ont pu valoriser nos atouts.

En outre, ces éléments n’ont pas nui à l’utilisation du « label belge », exploité à travers des missions et des initiatives concertées rendues possibles par les accords de coopération et les accords de réciprocité entre les réseaux d’attachés économiques et commerciaux des trois Régions.

En matière de relation Wallonie/Bruxelles, la réforme mise en œuvre et qui a abouti à la création du WBI concrétise la volonté de collaboration et de renforcement mutuel de notre image extérieure.

Concernant les traités soumis à l’approbation des entités fédérées, la réforme du Sénat et sa transformation en un véritable Sénat des entités fédérées devrait permettre la mise en œuvre des procédures de ratification facilitées. Considérant l’importance de préserver les intérêts propres des différentes entités et vu le sens des responsabilités dont celles ci ont fait preuve dans la gestion de cette compétence, cette évolution devrait néanmoins maintenir une possibilité d’évocation et d’assentiment par les différents parlements régionaux.

Par ailleurs, en matière économique, la position des Régions en tant qu’acteurs à part entière sur la scène internationale doit être renforcée et pleinement reconnue par le niveau fédéral. Il est plus impératif encore de veiller à ce que les instances régionales aient directement accès aux services des Ambassades.

Sur le plan international, la régionalisation a donc fait ses preuves et profite aux habitants des trois Régions. Il convient donc de poursuivre dans cette voie. La coopération au développement est, en cela, une parfaite illustration de pseudo-régionalisation sans moyens humains et financiers.

Ainsi pour certaines, l’activation du transfert partiel prévu dans le cadre de la réforme de l’Etat de 2001 devrait donc être opérée. En tout état de cause, l’efficacité de la coopération au développement doit se mesurer en terme de développement accru des conditions de vie dans les pays bénéficiaires. Dans l’attente et dès à présente, il conviendrait de mettre sur pied une conférence interministérielle réunissant les ministres compétents en matière de coopération.
Emploi : maintenir et conforter le pôle régional
Parler d’économie, c’est immanquablement parler d’emploi. La localisation de cette compétence au niveau des Régions a été reconnue parfaitement opportune. Cette compétence a, en effet, pour vocation première la remise à l’emploi, même si elle contribue au soutien de politiques sectorielles régionales ou communautaires.

En revanche, la commission a enregistré une ouverture raisonnée au transfert de certains éléments de compétences fédérales complémentaires, ne remettant pas en cause la solidarité interpersonnelle et l’intégrité du système de sécurité sociale. Les mécanismes d’accompagnement et de mise à l’emploi ont principalement été évoqués en ce sens.

Dans cette matière, il faut plus que jamais multiplier les collaborations entre le Forem et Actiris.
Economie – recherche – enseignement : vers plus de cohérence
En matière de recherche, les efforts budgétaires des Régions et des Communautés ont été unanimement salués, de même que la capacité des gouvernements régionaux à mettre en relation recherche et monde de l’entreprise. C’est incontestablement la voie dans laquelle il convient de poursuivre, tout en renforçant, comme évoqué plus haut, les synergies directes entre les deux Régions. Le rôle de la Communauté devrait donc être réexaminé en ce sens.

La question de l’enseignement – qui relève d’une autre commission – a immanquablement été soulevée à maintes reprises. Celle-ci comporte en effet un certain nombre de liens avec la dimension économique. Les faiblesses de notre enseignement, son incapacité à résorber la fracture sociale comme à fournir à nos entreprises les compétences indispensables à leur développement – et surtout à l’épanouissement de nos jeunes – ont été épinglées comme l’une des plus grandes urgences auxquelles la Wallonie et Bruxelles doivent faire face.
L’organisation à la Communauté française, pour certains, ne permet pas aujourd’hui l’application de politiques différenciées répondant à la multiplication des besoins spécifiques différents propres à l’espace Wallonie-Bruxelles. Dès à présent, on assiste, en outre, à une implication des Régions dans les compétences communautaires pour ce qui concerne les bâtiments scolaires, les équipements informatiques et techniques, l’alphabétisation des adultes, le financement des crèches ou encore des Centres de compétences.

La trop faible adéquation de l’enseignement avec des réalités régionales différentes et son incapacité à prendre pleinement en compte des besoins distincts de la Wallonie et de Bruxelles, est revenue comme une constante.

La possibilité d’une déclinaison régionale de l’enseignement permettant de mieux répondre aux besoins spécifiques de chaque Région a, dès lors, été évoquée à plusieurs reprises. L’ampleur de cette réforme va, de l’application de politiques différenciées par la Communauté Wallonie-Bruxelles de l’intensification de l’implication des Régions via la maximalisation des politiques croisées, au transfert du seul pouvoir organisateur aux Régions avec capacité d’adaptation des programmes dans un cadre général commun ou encore à la régionalisation pure et simple.

En toute hypothèse, une meilleure adéquation entre les politiques de l’emploi, de la formation et de l’enseignement s’impose.
Le président, Les rapporteurs,

Christophe Collignon Jean-Claude Vandermeeren – José Daras

Le 16 juin 2008.


Communique de presse

Notre groupe issu du colloque du 29 février 2008 « Un projet mobilisateur pour l’avenir de la Wallonie » regroupe des citoyens des milieux culturels, politiques, associatifs, économiques et syndicalistes.

Nous sommes pour une Wallonie offensive définissant ses objectifs sans oublier les problèmes quotidiens rencontrés par les citoyens wallons (prix de l’énergie, pouvoir d’achat, faiblesse des allocations sociales).Nous souhaitons une réforme institutionnelle qui prenne mieux en compte les difficultés de nos concitoyens.

L’institution communautaire, basée seulement sur la langue et la culture est porteuse d’enfermement et de repli identitaires.

Il faudra négocier tous les domaines avec les Flamands, avec sérénité en définissant nos revendications et en les faisant connaître, ce qui n’implique pas que nous acceptions les fantasmes de la Flandre (par exemple le 15 juillet).

Nous abordons le débat institutionnel sous l’angle de 3 régions égales en droit et non plus de 2 grandes communautés. La solidarité entre la Wallonie et Bruxelles ne peut avoir pour prix la suppression ou l’occultation d’une des deux entités, mais elle doit, au contraire, respecter l’identité et les intérêts propres des deux populations.

Nous voulons trois Régions, chacune avec son identité propre, des institutions cohérentes et la capacité de développer des coopérations efficaces car tissées entre des partenaires égaux.

La maîtrise et la gestion par la Wallonie des compétences culturelles à savoir l’enseignement, la politique culturelle et sportive et des médias est un facteur indispensable à la définition d’un véritable projet de développement cohérent et intégrant les dimensions économiques, sociales, environnementales, éducatives et culturelles.

La solidarité entre la Wallonie et Bruxelles peut se matérialiser et se renforcer de manière réellement efficace par une collaboration de Région à Région, sans impliquer, par définition, la dilution d’une d’entre elles au sein d’institutions communes.

La liste des compétences fédérales sera établie de manière restrictive tout en garantissant une fiscalité des entreprises identique dans l’ensemble de l’Etat et en renforçant la solidarité interpersonnelle et l’unicité du droit du travail, appréhendés, tous deux, dans un sens large, et ce pour l’ensemble des travailleurs, sans discrimination et indépendamment de leur lieu de travail ou de leur domicile.

Le transfert complet de compétences déjà largement régionalisées comme par exemple l’environnement, l’énergie, constituerait une évolution logique dans une optique de renforcement de la cohérence donc de l’efficacité des politiques régionales.
Pour le groupe de réflexion
Jean LOUVET
Président du Mouvement du Manifeste Wallon


Yves de Wasseige
2 juillet 2008

Evolution comparée de l’emploi en Wallonie entre 1974 et 2006
1. Sources

On utilisera la statistique décentralisée de l’ONSS, établie au 30 juin de chaque année. Celle-ci donne par arrondissements et par secteurs d’activité le nombre de postes de travail occupés selon le lieu de travail, peu importe le lieu de domicile.

Cette statistique rend compte de l’emploi comme composante économique ou comme indicateur de l’activité économique d’une région ou d’une sous région.

Pour étudier la situation d’un point de vue social ou du point de vue des revenus, il faut utiliser la statistique par lieu de domicile des travailleurs. (Ce point de vue n’est pas abordé dans la note présente).

La statistique décentralisée introduit un biais dans les chiffres : elle compte pour une unité tout poste de travail occupé, qu’il soit à temps plein ou à temps partiel. On sait que cela tend à gonfler légèrement les chiffres pour la Flandre où les emplois à temps partiels sont proportionnellement plus importants qu’en Wallonie.

Le seul découpage existant pour aborder les sous régions est l’arrondissement. Il faut s’en contenter même si les limites des arrondissements sont loin de correspondre à des critères économiques ou sociaux.

Cette statistique ne concerne que les travailleurs et travailleuses relevant de l’ONSS; elle ne concerne pas les indépendants qui dépendent de l’INASTI (Institut national d’assurances sociales pour travailleurs indépendants) : en Wallonie, 207.357 indépendants et 938.236 salariés selon le lieu de domicile.
2. Evolution générale (tableau 1)

On analysera d’abord l’emploi global hommes + femmes.

Le point de départ est l’année 1974 parce qu’elle est la dernière année de plein emploi. On s’arrêtera à 2006, dernière année de publication de la statistique.

De 1974 à 1986 :

– l’emploi ne va cesser de se dégrader en Wallonie, surtout dans les bassins industriels. A titre d’exemple, Liège (arrondissement) perd plus de 42.300 emplois en douze ans, soit 19 % des effectifs de 1974 et Charleroi en perd 40.400, soit près de 28 %;

– ensemble les deux arrondissements représentent 82 % du total des emplois perdus en Wallonie ;

– les emplois perdus se trouvent principalement dans l’industrie lourde et les charbonnages et concernent en très grande majorité les ouvriers (hommes);

– l’emploi féminin ne sera que peu affecté et le mouvement de féminisation du travail continuera à se développer.

De 1986 à 1996 :

– à partir de 1986, l’emploi global ne se dégrade plus en Wallonie et commence même à augmenter lentement : 1986 est donc à considérer comme une date charnière;

– l’emploi dans les bassins industriels de Liège et de Charleroi, reste, grosso modo, stationnaire;

– l’emploi dans le « reste de la Wallonie », c’est-à-dire la Wallonie sauf Liège et Charleroi progresse à un bon rythme, on verra plus loin qu’il est équivalent à celui de la Flandre.

De 1996 à 2001 :

– l’emploi repart progressivement dans les deux bassins industriels de Liège et de Charleroi;

– dans le reste de la Wallonie, il se développe à un bon rythme;

– mais la Wallonie reste pénalisée par la lenteur de la reconversion industrielle.

De 2001 à 2006 :

– l’évolution de la période 1996-2001 se poursuit avec un ralentissement dû à un creux conjoncturel en 2003 et en 2005.
3. Evolution hommes-femmes (tableau 2)

De pratiquement 70 % d’hommes dans l’emploi total en 1974 on passe à 54 % en 2006. On approche de près l’égalité entre les travailleurs et les travailleuses.

La progression de l’emploi féminin est régulière même si elle est plus faible dans la période 1974-1986.

Par contre l’emploi masculin ne cesse de se réduire de 1974 à 1986 avec un léger redressement ensuite, sans toutefois retrouver en 2006 le niveau de 1974.
4. Evolution par branches d’activités (tableaux 3A et 3B)

Les secteurs d’activités ont été regroupés en 6 catégories développés ci-après.

De manière générale, on constate le déclin régulier de l’industrie et la forte montée des services, tant les services privés marchands que les services publics. En 2006, l’ensemble des services représentent 71,3 % de l’emploi total (non compris les indépendants) et l’industrie proprement dite seulement 15,3 %.

agriculture

-les effectifs salariés (pour rappel les indépendants ne font pas partie de la présente analyse) connaissent une baisse entre 1974 et 1986, ensuite ils remontent pour dépasser en 2001 le chiffre de 1974;

industrie

– le phénomène de désindustrialisation qu’on connaît partout dans les pays développés se marque évidemment en Wallonie : le nombre de travailleurs ne cessent de diminuer; en 2006 ils représentent 41,6 % des effectifs de 1974;

construction

– l’emploi a diminué de 1974 à 1986, il est en augmentation depuis;

transports et communications

– les effectifs sont quasi stables entre 1974 et 1986 et augmentent jusqu’en 2006;

services privés

– les services privés (commerce,hôtels et restaurants,services aux entreprises,services immobiliers et services financiers) sont en forte expansion et, en 2006, atteignent 1,8 fois le volume de l’emploi de 1974;

services publics

– les services publics (administration,éducation, santé et action sociale, services collectifs, sociaux et personnels) sont aussi en forte augmentation de 1974 à 2006.
5. Comparaison des taux de croissance des arrondissements belges (tableaux 4A et 4B)

Pour chacune des périodes 1974-1986, 1986-1996,1996-2001 et 2001-2006, on a comparé les taux de croissance de l’emploi salarié et classé les arrondissements dans l’ordre décroissant, du taux le plus élevé au taux le plus faible.

Au vu de ces classements, la situation de la Wallonie ne cesse de s’améliorer comparativement à la Flandre et à Bruxelles.

Ainsi, 7 arrondissements wallons se trouvent dans le top-10 et 13 dans le top-20 pour la période 2001-2006 contre respectivement :4 et 9 dans la période 1996-2001; en 1974-1986, ils n’étaient que 3 dans le top 5 et 7 dans le top 20

Les deux arrondissements de Liège et Charleroi améliorent leur position passant, respectivement, de la 35ème à la 26ème place et de la 38ème à la 29 ème place et se situent aux alentours de la moyenne belge en 2001-2006. En 1974-1986, ils occupaient les deux dernières places du classement et en 1986-1996, Charleroi avait gagné 4 laces, lIège restant dernier.
6. Conclusions

En se basant sur l’emploi salarié comme indicateur de santé d’une économie, on constate que la Wallonie a sérieusement amélioré sa position et que le taux de croissance atteint des niveaux comparables à ceux de Flandre.

Il reste le point noir des deux arrondissements de première industrialisation, Liège et Charleroi, pour lesquels des politiques spécifiques devraient compléter les politiques communes à l’ensemble de la Wallonie : plan Marshall, pôles d’excellences, etc. Ces politiques spécifiques devraient principalement porter sur l’assainissement des sites industriels désaffectés, sur la rénovation profonde de l’habitat et sur la modernisation des quartiers urbains.

Il faut tordre le cou à l’explication de certains géographes et d’économistes selon laquelle le développement économique se ferait selon l’axe de la Nationale 4 (Bruxelles-Arlon). La réalité est le retard de développement de l’axe industriel est-ouest.

Cette analyse doit être complété par celle de l’emploi indépendant, celle du chômage, et aussi celle de critères plus directement économique comme le PIB, les revenus, l’IPP (impôt des personnes physiques), les exportations, les brevets, la recherche.
* * *
Annexes: cliquez ici pour afficher le fichier excel

 

(ce fichier necessite un lecteur de fichier excel, voici l’application en libre telechargement)

tableau 1 Evolution de l’emploi global de 1974 à 2006
tableau 2 Répartition de l’emploi hommes/femmes
tableaux 3A et 3B Répartition par secteurs d’activités
tableaux 4A et 4B Comparaison des taux de croissance par arrondissements

 

* * *



Résolution adoptée par le Parlement wallon en sa séance du 16 juillet 2008.

Le Parlement wallon,

 

Considérant les travaux et auditions auxquels a procédé le groupe de réflexion sur la réforme institutionnelle constitué au sein du Parlement wallon ;

Considérant les débats menés au Parlement wallon sur la question des réformes institutionnelles ;

Rappelant qu’il n’est demandeur d’aucune réforme qui remettrait en cause le fédéralisme belge ;

Réaffirmant qu’il rejette toute réforme qui reviendrait à vider l’Etat fédéral notamment de ses compétences en matière de solidarité interpersonnelle, socle de la cohésion sociale et économique de la Belgique ;

Soulignant que l’organisation des mécanismes de solidarité interpersonnelle, en particulier au travers de la sécurité sociale, doit rester une mission essentielle de l’Etat fédéral ;

Rejetant toute réforme qui modifierait les équilibres de la loi spéciale de financement, qui aboutirait à réduire les moyens indispensables à l’exercice efficace des compétences des entités fédérées ;

Estimant que toute discussion de nature institutionnelle ne peut intervenir que dans un climat de respect réciproque entre les différentes entités composant la Belgique ;

Considérant que tout réaménagement de compétences ne doit s’envisager que dans le souci d’améliorer l’efficacité des politiques au bénéfice des citoyens et dans le respect des principes de subsidiarité et de solidarité. Dans cette optique, la recherche de cohérence dans la répartition des compétences peut signifier tout aussi bien la refédéralisation de certaines compétences que le transfert de nouvelles compétences aux Régions ;

Rappelant que l’équilibre institutionnel du fédéralisme belge s’appuie prioritairement sur trois Régions, dont les Parlements sont composés de représentants élus directement au suffrage universel ;

Affirmant dans le même temps l’importance de la solidarité entre la Région wallonne et la Région bruxelloise, particulièrement au travers d’une Fédération Wallonie-Bruxelles, actuellement assurée par la Communauté française, garante du destin commun des Wallons et des Bruxellois francophones, par des liens institutionnels et fonctionnels forts ;

Exprimant par ailleurs sa solidarité active vis-à-vis des Francophones de la périphérie bruxelloise et des Fourons dans leur combat pour la défense de leurs droits légitimes ;

Insistant sur son attachement à la protection des droits et libertés des minorités au sein de chacune des entités.

Dans la perspective de toute négociation de nature institutionnelle au niveau fédéral, le Parlement wallon revendique le respect des balises suivantes, dans le prolongement des discussions relatives au premier paquet :

– maintien et renforcement de la solidarité interpersonnelle, consacrée entre autres par notre système de sécurité sociale fédérale ;

– mise en œuvre, au niveau Fédéral, d’une assurance autonomie pour les personnes en situation de dépendance ;

– maintien dans la sphère de compétences de l’Etat fédéral des instruments préservant l’union économique et l’unité monétaire du pays, ainsi que l’unité du droit du travail et la cohérence du marché du travail ;

– opposition à tout transfert de compétences fiscales susceptibles de créer une concurrence préjudiciable entre les Régions, et en particulier en ce qui concerne l’impôt des sociétés ;

– opposition à tout démantèlement du modèle de concertation sociale fédérale ;

– maintien de la solidarité interrégionale telle que consacrée, notamment, par la loi spéciale de financement, afin que les moyens octroyés à chaque entité fédérée ne soient pas remis en cause, de sorte que les grands équilibres soient confortés ;

– opposition à tout transfert de compétences qui ne s’accompagnerait pas du transfert des moyens financiers et humains correspondants sur la base des besoins réels et non sur la base d’une clé de répartition théorique.

Dans le cadre de ces balises, le Parlement wallon se déclare prêt à examiner tous les aspects qui pourraient ou devraient être confiés aux entités fédérées pour qu’elles puissent mener des politiques à même de répondre mieux à leurs besoins propres et spécifiques.

Au-delà de ces potentiels transferts de compétence, le Parlement wallon préconise d’assurer aux Régions une représentation au sein des institutions fédérales lorsque les missions de celles-ci les concernent directement ou portent sur des matières connexes à celles qui relèvent de leurs compétences.

Le Parlement wallon rappelle en outre son attachement à des entités fédérées fortes, par notamment :

– la nécessité pour la Région de Bruxelles-Capitale de bénéficier d’un statut de Région à part entière ainsi que d’une autonomie constitutive et législative ;

– le soutien à l’élargissement de la Région de Bruxelles-Capitale ;

– la confirmation de la place importante de la Communauté germanophone au sein de la Région wallonne, dont on reconnaît la spécificité, ainsi que l’affirmation de la volonté de poursuivre le développement d’un dialogue dynamique avec elle ;

– la mise en œuvre d’une réforme du Sénat afin d’y assurer une représentation des entités fédérées.

 

Le Parlement wallon défend avec force les principes du respect des minorités, qui passe par :

– la réaffirmation de la nécessité, pour chacune des entités composant l’Etat belge, de ratifier et de donner son assentiment sans réserve et sans délai à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales reconnues par le Conseil de l’Europe ;

– la proposition de soumettre le contentieux linguistique et administratif dans les communes à facilités à la compétence des chambres bilingues paritaires du Conseil d’Etat.

Le Parlement wallon confie au Groupe de réflexion sur la réforme institutionnelle le soin d’examiner, dans une seconde phase, les pistes d’avenir de la Fédération Wallonie-Bruxelles, ainsi que de déterminer l’organisation des institutions wallonnes.

Cette démarche donnera lieu notamment à une réflexion :

– sur l’instauration d’une circonscription électorale à l’échelle régionale ;

– sur la simplification des institutions politiques et administratives wallonnes ;

– sur la recherche de la meilleure gouvernance pour les citoyens.
L’ensemble de ces propositions s’inscrit dans la volonté du Parlement wallon de consolider l’Etat fédéral tout en permettant une dynamique accrue des Régions au service des citoyens.

 

 

Le Directeur général adjoint,
Le Président,
Murielle HUMBLET
José HAPPART

QUELQUES EXTRAITS SIGNIFICATIFS DE « INITIATION A LA REVOLUTION ANTICAPITALISTE ». ELIE BAUSSART. EDITIONS DE LA TERRE WALLONNE, 1938.
Comme l’écrit ci-dessous Elie BAUSSART, « toute comparaison historique cloche ». Celle qu’on peut faire entre ces écrits datant de 70 ans et l’actualité (crise financière) l’est. Et pourtant, comme ils paraissent très actuels ! Et comme on a le sentiment que, décidément, les choses n’ont pas fondamentalement changé…
« Toute comparaison historique cloche.
A fortiori toute assimilation.
Cependant, en face de la crise que traverse le monde actuel et les perspectives qui la prolongent, comment ne pas songer cette crise du Vème siècle, au cours de laquelle sombre une civilisation ?
Aujourd’hui, comme alors, tout est en question.
Les déficiences de notre système économique n’échappent même plus à ceux qui en bénéficient ; nos institutions sociales et politiques s’avèrent inadéquates ou injustes, toutes ou presque toutes, sont impitoyablement discutées. Des valeurs morales sur lesquelles se fonde la vie des individus et des communautés, combien sont corrompues ; souvent l’hommage qu’on leur rend cache mal la trahison dont elles sont victimes dans l’ordre pratique. Le monde, comme pendant les invasions gothiques, vit dans l’incertitude et l’angoisse du lendemain et la jeunesse, trahie, désespérée, est prête à toues les aventures »

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« Un monde se défait.
Ce monde, pour l’appeler par son no, c’est le monde capitaliste.
Ce n’est pas s’avouer marxiste que de constater que le capitalisme a non seulement créé le système économique actuel, mais modelé notre société, créé des institutions, dressé son échelle de valeurs, inspiré et ordonné ses activités, orienté sa pensée et son esprit…
S’il fallait définir le capitalisme, on le caractériserait par la séparation des deux facteurs de la production, la capital et le travail, – par la subordination, voire l’asservissement de celui-ci à celui-là – et par la poursuite du profit considéré comme le principe et la fin de toute activité non seulement économique, mais humaine »

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Puissance qui n’a jamais eu sa pareille, puissance insaisissable, qui ne s’exprime que par un mot abstrait, le capitalisme, puissance incontrôlée et incontrôlable, non parce qu’elle est disséminée dans la masse mouvante et toujours renouvelée des porteurs de titres, mais parce que, au dire de Rathenau*(qui savait de quoi il parlait), les 300 ou 400 hommes qui dirigent la vie économique du monde sont plus puissants que les gouvernements.
Pour bien connaître le capitalisme, voyons-le vivre.
C’est sur ses pratiques que nous le jugerons- comme on juge un homme à ses actes, un arbre à ses fruits.
Une loi domine toute l’activité du capitalisme : la loi supérieure du profit, à laquelle le patron, quelque souci qu’il ait de ses responsabilités sociales, ne peut guère échapper.
Sans doute, c’est à elle qu’on doit la prodigieuse multiplication et le perfectionnement des centres et des moyens de production, l’accroissement de la richesse et l’élévation du niveau de vie qui s’en est suivi, en un mot, ce progrès matériel dont nous sommes si fiers. Mais c’est elle aussi qui, harcelant l’homme d’affaires et l’entrepreneur, les engage dans des pratiques qui, sur des échelles de plus en plus vastes, les mettent en conflit avec l’homme et avec sa morale.
De l’exploitation du travail considéré comme une marchandise et de l’homme pris pour une machine, le capitalisme est passé au rançonnement du consommateur par la spéculation d’abord, par l’édification es monopoles ensuite.
Nietzschéen avant la lettre, il affirme partout sa volonté de puissance et met, chaque fois qu’il le peut, l’Etat et l’appareil de l’Etat à son service… »

*Walter RATHENAU (1867-1922), industriel, écrivain et homme politique allemand.


« Un appel à l’action et au dialogue au service de la relance économique et du progrès social ». Autrement dit…

Dans l’état actuel de crise financière et économique, les autorités à tous les niveaux doivent agir de manière directe et efficace afin de restaurer la confiance des entreprises et des citoyens et ainsi leur garantir une sécurité sociale et financière.
À l’échelle européenne, le Parti socialiste européen (PSE) vient d’adopter un plan de relance demandant aux États membres et à l’UE de prendre d’urgence des « mesures proactives et coordonnées » sous forme de programmes d’investissement pour sauvegarder l’emploi, éviter des licenciements de masse et promouvoir l’économie verte.
Au niveau de la Wallonie et de la Flandre, nous étions les premiers à proposer au sein de nos gouvernements régionaux un plan de relance ambitieux qui facilite les crédits aux entreprises, accélère et favorise les investissements privés et publics dans l’économie durable et qui renforce nos politiques d’emploi, en particulier pour les travailleurs touchés par une restructuration.
Avec le gouvernement fédéral, nous collaborons de façon constructive à l’élaboration d’un plan global anticrise à court terme.
Dans ce même esprit constructif, nous avons participé aux discussions au sein du dialogue communautaire. Un débat institutionnel n’est pour nous ni un fétiche, ni un tabou, mais au contraire la voie par laquelle nous pouvons à long terme garantir l’essor de l’État fédéral et des entités fédérées.
Nous croyons qu’une plus grande capacité d’action des entités fédérées peut aller de pair avec celle de l’État fédéral en positionnant chacune sur des champs de compétence bien circonscrits, ce qui permet à chacune plus d’efficience et à l’ensemble plus de cohérence.
Nous estimons que le ciment entre chaque entité et entre tous les citoyens est une sécurité sociale forte, partant durablement financée, notamment pour garantir les pensions et des soins de santé de qualité pour tous. Pour y parvenir, il faut faire en sorte que davantage de personnes soient au travail. En guise de fondement à notre démarche, nous affirmons que le droit du travail, la politique salariale et la sécurité sociale dans tous ses piliers et mécanismes de financement, doivent demeurer du ressort de l’autorité fédérale. Par contre, les entités fédérées doivent pouvoir exercer l’ensemble des compétences nécessaires à leur mission principale en matière d’emploi, à savoir l’accompagnement et le suivi actifs – en ce compris la formation (formation en alternance, congé éducation payé) – des demandeurs d’emploi et des travailleurs et ce, au regard des spécificités de leurs marchés du travail respectifs. Ainsi, les règles générales en matière d’emploi convenable et de dispense de disponibilité doivent rester fédérales tandis que leur application concrète se fait au niveau des Régions, lesquelles doivent, dans ce cadre, prendre des engagements vis-à-vis de l’État fédéral.
Dans la foulée, nous souhaitons examiner l’intérêt de placer certains dispositifs d’insertion et d’emploi dans le cadre régional, tels les ALE, l’outplacement, l’accompagnement des travailleurs victimes de restructurations ainsi que les règles d’octroi de permis de travail temporaire. Enfin, en matière de réduction de cotisations sociales et de plans d’embauche, nous adhérons à une simplification des systèmes en place et à un meilleur ciblage, adapté aux réalités régionales. Nous attendons toutefois en la matière le résultat des négociations interprofessionnelles en cours.
Les dispositions évoquées doivent naturellement tenir compte des contingences de la concertation sociale. Enfin, un renforcement des compétences des Régions et Communautés doit s’accompagner d’un mécanisme financier alliant incitation et responsabilité et qui tienne compte des besoins et possibilités de chacun, avec pour résultat, un retour sur investissement positif tant pour les Régions que pour l’État fédéral.
Voilà les contours de notre position concernant une réforme institutionnelle de la politique de l’emploi. Un renforcement de la politique régionale de l’emploi nous permettra d’encore mieux collaborer pour dynamiser nos marchés du travail. Mais pour lancer cette dynamique, il faudra débloquer l’impasse communautaire et reprendre le travail au sein du dialogue de Communauté à Communauté.
Un nouveau conflit communautaire serait inacceptable et même irresponsable dans le contexte actuel de crise économique que nous connaissons. Enfin, nous considérons que ce que nous sommes capables de faire sur ce thème devrait également l’être sur d’autres.


Critique du capitalisme par Elie BAUSSART.

Dans « Essai d’Initiation à la Révolution anticapitaliste », écrit en 1938, Elie BAUSSART n’y va pas avec le dos de la cuiller pour s’en prendre au capitalisme. S’il faut être attentif au fait qu’une époque n’est pas l’autre, n’empêche cette critique reste, nous semble-t-il, très actuelle au vu de la crise financière et économique qui sévit pour l’heure.
« Un double mouvement, contradictoire, caractérise l’évolution actuelle du régime de propriété : d’une part, extension de la petite propriété privée (maison d’habitation, petite exploitation agricole ou industrielle) ; de l’autre concentration capitaliste des instruments de production.
Celle-ci est la préface de la dépossession du capitalisme ; celle-là, l’heureuse annonciation d’une déprolétarisation croissante des masses.
Ce n’est que par une aberration incroyable – ou par un préjugé diligemment entretenu par certains- qu’on lie la salut de la propriété privée au maintien du régime capitaliste, alors qu’en fait celui-ci aboutit à l’expropriation de l’épargnant, grâce aux derniers expédients de la finance qui préside au sort des sociétés industrielles et commerciales.
La petite bourgeoisie- victime du régime, comme la classe ouvrière- n’a pas encore vu clair : c’est dans son sein que se recrutent les plus butés et les plus féroces défenseurs du régime, et cela, parce qu’on a quelques titres en portefeuille et qu’on espère s’introduire un jour – ou introduire le fils- dans la hiérarchie des ventres dorés ?

Le capitalisme n’est pas la propriété, il est une forme d’exploitation des richesses, une des formes économiques qui se sont succédé dans l’histoire.
Les autres ont vécu : pourquoi serait-il éternel ?
Le monde actuel semble bien ne plus pouvoir s’accommoder de lui.
Sa dernière justification était qu’il assurait la satisfaction des besoins humains. Justification de fait, qui n’était pas sans valeur.
Il n’en est plus ainsi.
Comme système de production, certes, il est capable de gagner l’enjeu.
Comme mode de répartition, sa faillite est patente.
Comme l’un est inséparable de l’autre, quel précepte moral nous défendrait d’envisager la réforme du régime si, pour répondre aux exigences des deux milliards d’individus répartis sur le globe, il faut mettre fin à l’appropriation capitaliste des biens destinés à tous ? »
On a dit que la propriété, si elle n’est pas une fonction sociale, a une fonction sociale, justification de ses titres.
Que dire du capitalisme ?
Quel droit invoquera-t-il quand, chargé déjà des ruines sociales, morales et spirituelles qu’il a accumulées, il se révèle impuissant à exécuter sa fonction économique ?


Crise financière : billet d’humeur.

Nicolas DE COMMER

La crise n’est pas finie, elle s’installe dans nos horizons et fait frémir tout un chacun. Comme disait Churchill « du sang, de la sueur et des larmes »… Même si d’aucuns saigneront plus et auront plus de peine à sécher leur larmes, et bien plus encore, dans l’arène capitaliste tout le monde ne court pas le même marathon ! Plus récemment le chanteur BENABAR disait « quand le financier s’enrhume, ce sont les ouvriers qui toussent ». Juste ciel, cessons de nous apitoyer sur le sort de ces masses laborieuses et concentrons nous sur les vrais victimes de la crise, ce n’est pas M AERNOUDT, docteur Honoris Wallonia autoproclamé qui nous contredira…

Et oui, chers amis, se pencher sur ces milliers (millions) de chômeurs et leurs sorts peu enviables, n’es-ce point un peu dépassé ? Car qui plus que tous, qui a vraiment mal quand les bourses tremblent, si ce ne sont les patrons eux-mêmes ? Et c’est bien ce que nous a rappelé le Conseil d’Etat qui début février a disqualifié les dispositions prises pour supprimer les parachutes dorés. Pourquoi ? DiscriminatoireS !!! Pas tant au regard des montants, çà c’est de la morale, fichue ramassis de justice sociale et autres socialo-bolchévismeries, mais du droit, car c’est quand même pas normal que quelqu’un qui touche 200 fois le salaire de son plus bas sous-fifre, n’aie pas droit à la même durée de préavis… Sans rire, il faut pouvoir se concentrer sur les vraies valeurs !!!

N’oublions pas non plus les actionnaires et leur démocratie ! Pas une parodie comme ces foutues élections, mais la vraie et belle démocratie d’une assemblée générale ! Comme la vrai délice de la dernière ( ?!) FORTIS, pleine de suspens avec le méchant Gouvernement, le pompier de service qu’on immole à la fin pour laisser en dehors de tout çà le pauvre petit pyromane qui, après-tout, même si « il a foiré »(cfr. OBAMA puisque pour rendre un texte un temps soit peut intéressant, il est de bon ton de le citer) qui finalement n’est pas si différent de nous, capitalistes égoïstes et aveugles à cette drôle de notion qu’on appelle chez certains « intérêt général », BEURK ! Non LIPPENS et cie n’ont pas fauté, ou alors il y’a longtemps, ou alors on a oublié… De les avoir suivis dans cette galère quand il s’agissait de votre les augmentations de capital nécessaires à l’achat d’ABN AMRO, plus au moins 99% de votes favorables ! Ben non, les seuls responsables ce sont les pouvoirs publics qui se sont une fois de plus melé de nos affaires et à qui on avait rien demandé, ou si peu… Faillites, pertes d’emplois, effondrements du système économique belge, petits épargnant… Tout ce que tu veux, mais touche pas à mes actions ! Et le plus dégueulasse dans tout çà, c’est que les si pauvres actionnaires et leurs glorieuses et courageuses décisions ne pèseront pas… En droit, il parait, car on y comprend plus grand-chose, qu’un contrat est un contrat et qu’on peut en forcer l’exécution… Et la morale dans tout çà ???

De nouveaux les pieds sur terre, je ne dirai qu’une chose : PUTAIN DE SYSTÈME !!!


REFONDER LA SOCIÉTÉ

Yoland Bresson rappelle ici ce que nos politiques devraient faire s’ils prenaient conscience des profondes mutations de notre société, en particulier la fin progressive du salariat, pour proposer les gènes du changement dont le revenu d’existence en serait l’un des composants.

Préambule

Nos gouvernants et nos élites sont restés sourds aux annonces : « la fin du salariat » approche, ou plus exac­tement nous vivons la « fin du plein-emploi salarié ». Est-il encore nécessaire d’en répéter la démonstration quand l’évidence s’impose. L’objectif du plein-emploi est devenu une chimère, que seule l’incantation politi­cienne, la crainte d’annoncer une vérité qui tétanise­rait l’opinion, ou le mensonge électoraliste pourraient justifier.

Tout groupe humain, toute société grandit harmo­nieusement si elle assure à chacun de ses citoyens inté­gration, différenciation et sécurité : Chacun doit pou­voir se sentir appartenant à un corps social, il doit pouvoir faire valoir ses talents, ses différences et ses aspirations, valoriser sa différence, il doit se savoir en sécurité, protéger contre tous les risques de la vie par la participation solidaire de la communauté.

Ces trois exigences ont été de mieux en mieux satis­faites pendant les trente glorieuses, apogée du capi­talisme salarial. Le plein-emploi assurait intégration, revenus, reconnaissance. Les diplômes, les statuts hié­rarchisés, les promotions et les différences de salaires garantissaient à qui le désirait la valorisation patente de ses compétences, de ses efforts, de son travail. En prélevant ses ressources sur les salaires, la protection sociale s’est étendue et perfectionnée, fournissant des revenus de transferts à ceux qui ne pouvaient accéder à l’emploi, couvrant les risques de santé et accidents de la vie.

Mais ainsi plusieurs illusions ou confusions nous ont aveuglés :
– L’emploi n’est pas le travail, et le travail n’est pas exclusivement de l’emploi. L’emploi c’est du travail devenu marchandise échangée justement sur le marché du travail et valorisé par son prix sur ce marché.

– Les différences de prix sont indispensables pour que le marché conformément à sa mission oriente les activités productives et le travail correspondant vers les plus efficaces et les plus demandées. C’est ainsi que le marché libre et concurrentiel est la meilleure institu­tion pour créer le maximum de richesses.

– Le prix du travail, est d’abord son coût, le coût que le producteur est prêt à supporter, mais on en a fait strictement le revenu de l’individu.

– Les charges qui accroissent le coût du travail sont destinées à la protection sociale, dont les ressources deviennent directement tributaires du plein-emploi salarié.

– L’homme a disparu derrière l’emploi. L’intégration passe exclusivement par l’emploi.

Dès lors quand l’emploi défaille, au lieu de s’occu­per de l’homme, on cherche désespérément à sauver les emplois, on ne juge les investissements qu’à l’aune des créations d’emploi. Tel le taureau fonçant sur la cape, gouvernants, médias, populations ne raisonnent plus qu’en emplois !
La crise, enfin peut-être va déchirer ce voile d’igno­rance, surtout si on comprend bien qu’elle n’est pas un simple accident de parcours, mais une manifestation de la prodigieuse mutation que nous sommes en train de vivre.

Le capitalisme salarial est arrivé à sa fin, parce qu’il a atteint ses fins : Il a vaincu la rareté matérielle. Il a prouvé avec le marché et la concurrence son efficacité à obtenir des richesses, au point, progrès technique aidant de produire de tout, en trop, avec de moins en moins de labeur humain. Tant et si bien qu’on ne vend plus ce que l’on produit, mais que l’on produit ce que l’on vend. Que la croissance économique est devenue exclusivement tributaire de la demande, du renouvel­lement des produits, de l’innovation, de la promotion constante de désirs nouveaux. L’objet matériel n’est plus que le support de signes immatériels, informa­tionnels, relationnels. Que le facteur de production essentiel, n’est plus la terre comme elle le fut des siècles durant, ni la machine sur les trois siècles du salariat capitaliste, mais le capital humain, c’est-à-dire le savoir, les compétences, l’intelligence et la créativité des hom­mes. On parle de « capitalisme cognitif » pour définir ce nouveau capitalisme dont les ressorts fondamentaux sont la finance et le capital humain. La mondialisation accélère le mouvement en généralisant rapidement les désirs et les demandes, en gonflant les flux financiers, en trouvant une main-d’oeuvre exploitable aux quatre coins du Monde, pour produire à bas coûts les objets matériels supports de signes, conçus en amont par du capital humain, habillés, enrichis, distribués en aval par du capital humain.

Mais, la faille du capitalisme vient de ce qu’il ne pos­sède en lui-même aucun mécanisme permettant de « réguler » la répartition des richesses, qu’il produit par ailleurs abondamment et efficacement. Au contraire, par sa structure, il a une propension à les concentrer sur une minorité d’individus. Premièrement le marché du travail fixe le niveau de son prix, comme tout mar­ché, et les caractéristiques actuelles et à venir poussent inévitablement à la baisse relative du travail élémentaire par rapport aux détenteurs de capital humain élevé qui forment encore une minorité de la masse laborieuse. Or, on fait du prix du travail, le salaire, la mesure du revenu individuel. Deuxièmement l’organisation hié­rarchique des systèmes de production, des entrepri­ses, introduit des écrans de répartition, qui permettent aux dirigeants de s’attribuer des revenus, partiellement hors marché, et d’assortir ces revenus de suppléments (bonus, stock-options, avantages divers.) hors de pro­portion avec ce que reçoivent les salariés ordinaires.

Il devient impératif de refonder notre organisation économique sur de nouvelles bases, de changer à la source notre mode de distribution des richesses.

Libérer le travail du carcan de l’emploi en instaurant le revenu d’existence

Instaurer le revenu d’existence, aussi nommé divi­dende universel, revenu de citoyenneté, allocation universelle ou mondialement basic income, consiste à doter inconditionnellement, chaque individu de tout âge, sexe ou activité, d’un revenu égal pour tous, cumu­lable avec tout revenu supplémentaire d’activité.

Tout être humain est ainsi accueilli, intégré dans la communauté, reconnu participant potentiel aux échanges et à la vie du corps social dont il est une cel­lule. Le revenu lui est alloué parce qu’il existe et non pour exister.

Le montant de la dotation est « objectivement » mesurable. Nous savons en effet que toute la dyna­mique économique est d’abord fondée sur un capital matériel et humain social : ensemble des infrastructures matérielles, des connaissances, des habitudes de com­portement relationnels, de la gouvernance… accumulé par le travail de nos ancêtres. Dans le présent le capi­tal humain, s’appuyant sur ce fond produit des riches­ses nouvelles, et ce faisant accroît encore le capital social et son efficacité. Il peut cependant l’amputer ou le diminuer si par exemple, l’activité présente détruit l’environnement, traite les individus de façon indigne, affecte leur santé… C’est cela que traduit la notion de développement durable.

Or, on sait évaluer la part des richesses produites qui résulte du capital matériel et humain social. Cette rente héritée, n’appartient en propre à personne, mais indifféremment à tous. Elle représente pour la France un peu moins de 15 % du PIB. C’est elle qui parta­gée également entre les 64 millions de français donne  donne la mesure du revenu d’existence ; 350 € par mois par individu de tout âge à verser inconditionnellement chaque mois sur un compte d’existence que chaque citoyen doit ouvrir dans la banque de son choix. Une récente étude a confirmé cette évaluation par une autre voie : en inventoriant tous les mécanismes redistribu­tifs actuels, toutes les dotations compensatrices, tou­tes les exonérations fiscales… dans leur impression­nante complexité conditionnelle, auxquels pourrait se substituer le revenu d’existence (sans toucher aux ris­ques sociaux santé…), le budget actuel s’élève pour la France à 288 milliards d’euros, c’est-à-dire à peine plus que le montant du revenu d’existence.

Vient alors inévitablement l’interrogation : Comment passer de notre système actuel à cette nouvelle orga­nisation. Simplement par une phase de transition de durée à choisir, 5 ans par exemple, selon le modèle de l’écluse. Le niveau d’eau actuel correspond au PIB. Il s’agit d’élever le niveau d’eau en ajoutant de la monnaie, tandis que simultanément des allocations condition­nées antérieures sont en partie, puis en tout au terme de la transition supprimées. On choisira les modalités techniques, concrètes, de telle sorte que personne n’y perde, tandis que certains y gagneront, que le processus soit universel, qu’elles respectent les exigences institu­tionnelles, qu’elles améliorent la compétitivité de l’éco­nomie. La solution a déjà été proposée, testée et accep­tée par les économistes et les banquiers. Son lancement ne dépend plus que de la volonté politique.

L’intégration assurée pour chaque être humain, dès la naissance. La différenciation en sortira renforcée par la multiplication des échanges et des activités engendrées par la liberté de choix, par la moindre pression exercée par la nécessité de trouver n’importe quel emploi sans lequel il n’y a pas de revenu, car soutenu par ce filet dont la valeur réelle augmentera avec la croissance, le risque d’entreprendre et de valoriser les talents de son choix retrouveront force et vigueur. Alors oui le travail redeviendra une valeur. À l’objectif de plein-emploi nous lui substitueront l’objectif de pleine activité. Le salariat évoluera vers le « Participat ».

Reste la sécurité. La sécurité sociale sera maintenue. À la sécurité de l’emploi et des revenus qui lui sont aujourd’hui liés, on aura coupé le lien strict exclusif emploi-revenu. Avec le revenu d’existence on aura fondé une sécurité inconditionnelle de revenu. Les revenus d’activité qui s’y ajouteront ne seront évidem­ment pas garantis dans leur continuité. Inévitablement inscrit dans le fonctionnement efficace du capital humain, c’est l’intermittence qui prévaudra, alternance d’intenses activités productives, alternées de périodes d’amélioration du capital humain personnel, c’est-à-dire de formation, mobilité dans les tâches et les acti­vités, pour beaucoup immatériels, informationnelles et  relationnelles… L’accompagnement personnalisé tout au long de la vie active, au-delà de l’éducation natio­nale, de l’enseignement supérieur, de la formation pro­fessionnelle, sera l’exigence collective de la sécurité de la personne.

La sortie de crise pourrait devenir la source d’une espérance nouvelle. Le grand emprunt destiné à pré­parer l’avenir est une bonne décision. L’investissement  sociétal que représenterait l’instauration du revenu d’existence pourrait être d’un rendement considérable, démultipliant les autres investissements choisis orien­tés vers la recherche et les innovations.

Ajoutons pour conclure que ce nouveau modèle social serait exemplaire pour l’Europe et le Monde en attente d’une nouvelle espérance.

Yoland BRESSON


Les nouveaux Zorros sont arrivés.

Yves-Marie FRIPPIAT.

De nouveaux Zorros de la politique belge se sont emparés de la situation de crise record pour lancer, via Internet, des appels au « sursaut citoyen ». Ils se proclament évidemment « apolitiques », voulant dire par là qu’ils ne « roulent pour personne » et sont très vigilants à ne pas se laisser « récupérer ».
Fort bien. Mais quel degré de naïveté et d’ignorance ne faut-il pas atteindre pour croire sérieusement qu’une mobilisation de la population autour d’une question éminemment politique pourrait vraiment être « apolitique » ?
D’abord il y a le contexte : depuis près de sept mois, sept partis politiques sont impliqués dans des discussions sur la réforme institutionnelle, tandis que quatre n’y ont pas participé. Dès lors qu’on invite les citoyens à manifester leur mécontentement à l’égard de l’enlisement des discussions, ipso facto on prend parti contre les sept et on fait d’une manière ou d’une autre le jeu des quatre. Soutenir le contraire est risible.
Ensuite, il y a le fond. Nos Zorros invitent la population – que dis-je ? les Citoyens ! – à manifester leur ras-le-bol vis-à-vis de l’incapacité des politiques à sortir de l’impasse. Très bien. Mais quelqu’un a-t-il une idée de la manière dont on peut résoudre la quadrature du cercle suivante ? D’un côté, un groupe numériquement majoritaire et économiquement plus prospère veut garder sa richesse pour lui ; de l’autre, un groupe numériquement minoritaire et économiquement plus faible redoute les conséquences très concrètes que produira nécessairement tout changement dans les grands équilibres laborieusement établis en quarante ans.
Le problème, il est là. Quiconque a deux doigts de connaissance et de conscience politiques le sait. Résoudre un tel nœud autrement que dans la guerre civile relève des Travaux d’Hercule. Mais nos Zorros n’en ont cure, de même que tous ceux, peut-être nombreux en effet, qui suivent et suivront leurs mots d’ordre illusoires.
Qu’on se comprenne bien : il ne s’agit évidemment pas ici de contester aux citoyens le droit de s’impliquer dans le débat public. Ce qui est pernicieux, c’est l’état d’esprit sous-jacent aux initiatives dont on parle en ce début 2011. Cet état d’esprit est, quoi qu’on dise, imprégné de poujadisme puisqu’on n’a pas de mots assez durs pour condamner l’incapacité des politiques à dénouer la crise, comme si c’était affaire de simple bonne volonté et/ou de talent. Moyennant quoi on s’autorise, par exemple, à fixer aux négociateurs un délai ultime au-delà duquel on réclamera remboursement (?) pour cause de service non rendu…
En gros, ce qui alimente toutes ces propositions d’interventions citoyennes, c’est l’idée que les problèmes institutionnels ont été créés par les politiques alors que le bon peuple, lui, n’y serait pour rien. Et qu’au contraire, sans les politiques et leurs intérêts partisans, les Belges ne demanderaient qu’à s’entendre et à marcher main dans la main. Cette fable prolifère dans les courriers de lecteurs et autres blogs, ignorant ou faisant mine d’ignorer que les problèmes de coexistence des deux grandes communautés qui composent la Belgique sont presque aussi anciens que la Belgique elle-même.
Il n’est pas davantage question, ici, de stigmatiser les « méchants Flamands égoïstes » abusant de leur position de force. Il est, en effet, dans la nature des choses qu’un individu, une famille, un groupe social ou une communauté nationale, veuille « garder sa richesse ». Quand, de surcroît, le débat sur la répartition des moyens disponibles survient, comme c’est le cas aujourd’hui, au terme d’un long contentieux historique, dans un contexte général de repli identitaire et de culminance néo-libérale, il est tout bonnement inévitable que les termes fondamentaux de l’équation soient ceux indiqués plus haut. La solidarité n’est pas spontanée, c’est le « chacun pour soi » qui l’est. La tâche du politique est de faire en sorte que, dans un environnement terriblement compliqué, les individus « naturellement égoïstes » qui composent la société belge acceptent de dépasser leur intérêt à court terme pour chercher les formules de la coexistence généreuse.
Qui peut raisonnablement s’étonner qu’une telle recherche prenne du temps ? C’est là que réside le caractère nuisible des « initiatives citoyennes » de ce début janvier 2011. Non pas d’appeler les citoyens à se mêler de ce qui les regarde. Mais de le faire apparemment – même de bonne foi- sans connaissance de cause.


La « fédération Wallonie-Bruxelles »: pège ou tremplin?

(28 JUIN 2011)

La récente annonce faite par les présidents de partis francophones de lancer la désignation nouvelle de la Communauté française au travers du vocable « Fédération Wallonie-Bruxelles », a pu produire chez certains une sorte de détente de l’atmosphère et d’effet d’éclaircie. En effet, à rebours du climat général, elle insistait à la fois sur la volonté d’alliance et sur la personnalité concrète de deux régions, aisément repérables dans leur réalité territoriale, et clairement identifiables dans leur « épaisseur » socio-historique. (…suite…)


Le revenu de base dans une situation de crise

Bernard Kundig –Publié le 13/09/2011

Tout le monde ne parle aujourd’hui que de crise écologique, de crise de la gouvernance politique et surtout, depuis quelques temps, de crise financière et économique, un thème qui agite beaucoup les médias en tout genre. C’est vrai : Sur les places boursières, les grandes multinationales ont perdu depuis le début de l’année jusqu’à 20% de leur capitalisation, secteur financier en tête, ce qui représente quelques centaines de milliers de milliards partis en fumée, au moment précis où dans les pays dits riches, les Etats sont en train de raboter leur système de protection sociale, histoire de faire quelques économies de bout de chandelle et ainsi de convaincre ceux qui en ce moment sont assis sur leur argent que tout n’est pas fini et que ça va bien finir par s’arranger. Autant le dire : Nous nageons en plein délire. (…suite…)


Bruxellois et Wallons, même combat!

Philippe Van Parijs, Professeur à l’Université de Louvain Co-rédacteur de l’Appel des Bruxellois et co-fondateur de l’association Aula Magna

Le 19 décembre 2006, deux cents Bruxellois lançaient un appel qui fut ultérieurement signé par une dizaine de milliers d’autres. Il commence comme suit « Des négociations se préparent. Elles vont engager l’avenir de la Belgique et donc aussi l’avenir de Bruxelles (…suite…)


Histoire culturelle de la Wallonie: Cliquez ici pour lire le document


Témoignage de Jean-Marie Muller : « NOUS AUTRES MEURTRIERS »


Témoignage de François Burgat : « Appel du père Nebras Chehayed aux évêques de Syrie »


« Construire un monde équitable et humain »


Témoignage: Manifeste pour une sortie de crise par l’écologie et le civisme


Revisiter le programme de l’Assemblée Wallonne un petit siècle plus tard

Témoignage de André LACROIX, le 9 janvier 2013

D’Elie Baussart, je ne garde que le souvenir d’une grande silhouette avec une barbe à la Léopold II, aperçue dans la cour du Collège du Sacré-Cœur où j’étais élève …

Par contre, j’ai eu comme prof d’histoire moderne en « 3e latine » Jean Dorzée, un homme frêle d’apparence, érudit et très bien élevé.  J’ai eu aussi comme prof (de linguistique à l’UCL) une autre personnalité dont tu parles : Willy Bal (vaguement cousin, je crois, car il y a des Bal parmi mes ancêtres…)


 

Le saviez-vous? Le coq hardi wallon a 100 ans.

Le 20 avril 1913, l’Assemblée wallonne, constituée un an plus tôt à Charleroi par Jules DESTREE, dotait la Wallonie de son drapeau et de sa devise : Wallon toujours. Un coq rouge sur fond jaune, patte droite dressée et bec fermé C’est Pierre PAULUS, un autre Carolo, à qui fut confiée la tâche d’en faire la réalisation. Ce coq ne doit pas être confondu avec le coq gaulois de nos amis français : le leur est dressé surs se ergots, bec ouvert.

 


IN MEMORIAM. WILLY BAL (1916-2013)

Nous apprenons le décès de Willy BAL, ce dimanche 18 août 2013. Il était né à JAMIOULX le 11 août 1916.

Il fut profondément marqué par ses cinq années de captivité lors de la seconde guerre mondiale.

Il est professeur à l’université de LOVANIUM au Congo Belge, qu’il quittera pour rentrer au pays en 1965 comme professeur à l’U.C.L.

Il publiera entre autres « La faillite de 1830 ? Elie BAUSSART, La terre wallonne et le mouvement régionaliste en 1973.

Il est à l’initiative de la création de la Fondation Elie BAUSSART le 15 mai 1987.

Il y fut un membre actif durant  de nombreuses années.

Comme d’autres fondateurs avant lui, il a rejoint Elie BAUSSART au-delà de la Porte d’Argent. Nous restent ses écrits comme témoignages de son militantisme wallon. Un référentiel pour les combats d’aujourd’hui et de demain.

http://www.larevuetoudi.org/fr/story/pour-un-statut-de-la-culture-wallonne

 

Quand on parle d’Elie BAUSSART sur le Portail de la Wallonie….

 (lien :http://www.wallonie.be/fr/connaitre-la-wallonie/promotion-historique/baussart-elie)

 Rang : Officier

Promotion historique

COUILLET 16.12.1887 – LOVERVAL 30.12.1965

Catholique, fils de forgeron très tôt confronté à la question sociale, Elie Baussart s’implique dès sa jeunesse dans la mouvance démocrate chrétienne incarnée en Flandre par l’abbé Daens. Toute sa vie, il luttera pour développer un syndicalisme chrétien et en faveur du pacifisme.

En 1911, Elie Baussart assiste, à Charleroi, à la double exposition, initiée par Jules Destrée, visant à mettre en valeur la richesse du patrimoine de la Wallonie. C’est une révélation pour le jeune militant catholique qui a l’intuition d’une identité wallonne à développer et promouvoir.

Conscient que les catholiques resteront à l’écart des initiatives d’un Mouvement wallon encore largement animé par des personnalités libérales et socialistes, il décide de créer un organe afin de gagner les catholiques wallons à l’idée de la Wallonie. C’est dans ce but qu’il fonde, en 1919, la revue Terre wallonne. Paraissant jusqu’en 1940 et mobilisant quelque 400 collaborateurs, cette dernière a contribué à populariser les trois grands combats d’Elie Baussart : le syndicalisme chrétien, l’affirmation de la Wallonie et le pacifisme.

 

Petit à petit, sa pensée évolue vers le fédéralisme. Il se joint à de nombreuses manifestations du Mouvement wallon et n’hésite pas à ouvrir les colonnes de Terre wallonne à des personnalités comme Jules Destrée notamment. Critiquant le centralisme belge, il dénonce avec force la mainmise économique du Boerenbond en Wallonie, signe de l’expansionnisme flamand.

 

Sous l’occupation en 1940-1945, il fait partie du comité consultatif central de Rénovation wallonne, mouvement d’étude et d’action issu du mouvement de résistance Wallonie catholique.

 

Après guerre, il n’hésite pas à collaborer à la revue Forces nouvelles, opposée au retour du roi Léopold III et soutient le Congrès national wallon de 1945 qui se prononce pour l’instauration d’un régime fédéral. Favorable au dialogue avec les Flamands, il est, en 1952, le signataire du Manifeste Schreurs-Couvreur qui plaide pour l’instauration d’un régime fédéral et pour l’unilinguisme en Wallonie et en Flandre.

L’apport d’Elie Baussart au Mouvement wallon est essentiel, non seulement parce qu’il a contribué à conscientiser les catholiques mais aussi, parce qu’il a apporté une dimension humaniste et pacifiste à ce combat. C’est ainsi qu’il écrivait pendant la montée des fascismes : « La prise de conscience des Wallons doit s’enraciner dans leur tradition de défense des libertés et s’identifier à la lutte pour la sauvegarde de la démocratie ».

Elie Baussart fut fait Officier du Mérite wallon, à titre posthume, en 2012.

Orientation bibliographique : Micheline LIBON, BAUSSART Elie, dans Encyclopédie du Mouvement wallon, notice 305.

Willy BAL, BAUSSART Elie, dans Biographie nationale, t. 39, col. 94- 102.

 

Elie  BAUSSART par un collègue journaliste (André Molitor, interview accordée à P. Sauvage. La Cité Chrétienne (1926-1940).

On avait de bons contacts avec Elie BAUSSART à la Terre Wallonne. C’était un homme remarquable et fort respectable. Je l’ai rencontré trois ou quatre fois. Il était assez seul et faisait tout son boulot lui-même… Il y avait néanmoins des points de frictions. Toute d’abord ils étaient (à la Terre Wallonne) plus à gauche que nous et trouvaient que nous ne faisions pas attention aux problème wallons. En ce domaine d’ailleurs, ils étaient des précurseurs.

 

A propos de la culture wallonne.

 

Le regretté Willy BAL, qui fut l’un des fondateurs de la Fondation (entre-temps devenue ASBL) écrivait:

 

« Nous voulons doter la culture wallonne d’un statut qui la reconnaisse, la légitime, la promeuve en incitant les Wallons à une plus profonde enculturation. Ce statut devra aussi stimuler la création, favoriser l’adaptation, l’évolution – qui ne peut être que d’ouverture en ces temps d’interculturalité. Bref, un statut qui ait à la fois la solidité d’une assise et le ressort d’une dynamique.

Un statut pour notre culture propre, c’est pour nous la voie obligée, la voie royale pour une Wallonie région d’Europe en devenir et déjà membre à part entière d’une authentique Francophonie des âges nouveaux, … : une Francophonie vouée à l’alliance des langues et au dialogue des cultures. (Pour un statut de la culture wallonne. In « Revue dialectale, février 1990)

 

On en est loin aujourd’hui encore et même cette Francophonie que nous partageons avec Bruxelles a plutôt tendance à étouffer la culture wallonne en la confinant dans le seul folklore.

 

Quant à Elie BAUSSART, il écrivait dans  Terre wallonne, un demi-siècle avant Willy BAL :

 

« Respectons nos patois, aimons-les, parlons-les, cultivons-les – chantons nos chansons- dansons nos danses- conservons des antiques coutumes tout ce qui est compatible avec la vie actuelle- célébrons nos fêtes, nos processions traditionnelles- ressuscitons, dans nos bâtiments, nos styles indigènes –rencontrons et écoutons volontiers nos apologues, nos « fauves »- inspirons- nous, à l’occasion de la sagesse empirique codifiée dans nos dictons- demandons parfois ce que feraient nos aïeux s’ils étaient à notre place – écoutons souvent la voix de la conscience racique et nationale, cette intelligence qui va au-delà du rationnel… Est-ce difficile ? Non il n’y a souvent qu’à nous laisser faire ; en tout cas, un peu d’attention et de sympathie suffisent à maintenir ce contact, à nous faire pénétrer dans le cœur de notre peuple de Wallonie, où cette tradition vit toujours, inconsciente, étouffée parfois, mais surgissant soudain avec des éclats qui décèlent la vitalité »

 

Et laissons à Willy BAL le mot de la fin:

 

« Passéisme? Campanilisme? Tant les sciences naturelles que les sciences humaines nous enseignent que la diversité est le terreau de l’évolution, le ferment du dynamisme, alors que l’uniformité est stérélisante »

 


Texte lu par Jean BOSMANS aux funérailles de Jean DORZEE.
Veilleur-éveilleur : ce sont des mots qui peuvent convenir à Jean Dorzée

Veilleur : oui, car il une attention, une curiosité inépuisables pour l’état, l’évolution du monde.
Au travers des livres, de la presse écrite, de la télévision: il a toujours cherché à comprendre les processus à l’oeuvre, les enjeux de société.

Eveilleur. Oui, car il avait la passion de transmettre : comme professeur au collège des Jésuites à Charleroi, à l’Isco , comme formateur aux syndicats chrétiens, comme président de la fondation Baussart (dont il fut l’un des initiateurs) et d’autres lieux sans doute dont je n’ai pas connaissance.
Transmettre tout ce qui peut aider à démonter la pensée unique ainsi que ce qui peut contribuer à bâtir une société plus juste.
Il s’efforçait également à rendre le fruit de ses recherches accessible au plus grand nombre par la parole et par l’écrit.

Non seulement il transmettait mais il s’engageait aussi. Pour les plus faibles, pour la Wallonie, pour la paix. C’est dans le cadre de ces engagements qu’il s’est toujours fortement investi dans la présidence de notre a.s.b.l. (ex-Fondation Elie Baussart).

Sa quête spirituelle aussi était insatiable. Une quête ouverte, sans a-priori : Carl Gustav Jung, maître Eckhardt, Arnaud Desjardins, Mathieu Ricard, Tich Nat Han, Hermann Hesse, Karlfried Durckheim, Christian De Duve, Albert Jacquard, Edgard Morin, René Girard et tant d’autres…

Merci, Jean,

 

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Couillet (aujourd’hui commune de Charleroi, pr. Hainaut, arr. Charleroi), 16 décembre 1887 – Loverval (aujourd’hui commune de Gerpinnes, pr. Hainaut, arr. Charleroi), 30 décembre 1965. Employé puis enseignant, écrivain, militant démocrate-chrétien, militant wallon, militant syndical, collaborateur à La Vie nouvelle.

Cadet d’une famille de cinq enfants dont le père est forgeron, Élie Baussart fait ses humanités, à partir de septembre 1899, au Collège des Jésuites à Charleroi (pr. Hainaut, arr. Charleroi) où il subit l’influence des Pères Renaud et Torf ainsi que de Jules Sottiaux. Il quitte le Collège le 2 août 1904 et travaille comme employé de bureau dans diverses maisons d’import-export. Il parfait sa formation intellectuelle tout en exerçant ce métier qui ne l’emballe pas. Il étudie notamment des cours à la Faculté de philosophie et lettres de l’Université catholique de Louvain, approfondit sa connaissance de l’anglais, de l’allemand, du néerlandais, et étudie le latin. En janvier 1909, il obtient une place de professeur au Collège des Jésuites où il enseigne le français et l’histoire. Le 4 septembre 1912, Élie Baussart épouse Valentine Castelain (Roubaix (département du Nord, France), 10 août 1892 – 1941). Profondément religieuse, cette dernière laisse un journal spirituel que Baussart découvre après son décès et qui le marque au point de l’aider à surmonter la douleur de la séparation. Il publie sa biographie sous le pseudonyme de V. Duchâteau : De la souffrance à l’amour.

D’une culture très vaste, Élie Baussart ne reste étranger à aucun des aspects de l’humanité. Catholique fervent, dès avant d’être professeur au collège de Charleroi, il publie une revue d’avant-garde qui ne vivra que de juillet à décembre 1907, L’annonciateur. En octobre 1910, il lance, avec quelques amis, Le catholique qu’il dirige jusqu’en février 1912 et qui tiendra jusqu’à la guerre de 1914. On y trouve des signatures significatives : Léon Bloy, François Mauriac, Bruno Destrée, etc. Un des articles de Baussart lui vaut des violentes attaques d’Umberto Benigni, prélat romain intégriste.

Au cours de l’entre-deux-guerres, c’est dans La Terre wallonne, dont le premier numéro paraît en octobre 1919, que Élie Baussart va exprimer sa vision catholique en s’efforçant de « tout juger avec ce sens chrétien qu’entretient et développe le catholicisme pensé et vécu ». Après la Libération, en 1945, Élie Baussart crée une Union de charité, ensuite une Fraternité Charles de Foucault. Il collabore à l’hebdomadaire, Forces nouvelles, expression de la tendance de gauche chez les catholiques. C’est là qu’il publie, toujours en 1945, Catholique, mon frère …, une brochure dans laquelle il définit notamment sa conception de la charité : « Amour du prochain, non pas d’un prochain vague, indéterminé, purement verbal, mais d’un prochain concret, immédiat, d’un nous-même proche qui, parce qu’il partage notre sort, nous fait un devoir de partager le sien, que nous finissons par sentir comme le nôtre, si notre amour est autre chose que mots ou illusions faciles d’une âme satisfaite. » Cette brochure est suivie de deux autres : Le chrétien est missionnaire et Les causes de déchristianisation de la classe ouvrière. Il participe aux sessions de L’Église en marche à Charleroi, s’intéresse à l’œcuménisme. Il est en rapport avec le monastère de Chevetogne (commune de Ciney, pr. Namur, arr. Dinant) et les moines de Taizé (département de Saône-et-Loire, France). Il fonde un cercle œcuménique à Charleroi. En 1946, Élie Baussart fonde un cercle culturel Humanisme et histoire où Emmanuel Mounier prendra parole. Il participe au groupe Esprit, fondé par ce dernier, et collabore à la revue de Mounier.

La Terre wallonne n’est pas seulement une tribune d’où Élie Baussart veut secouer les catholiques qui ont trahi le message évangélique, mais aussi l’endroit où il mène le combat pour le régionalisme wallon. Dans un premier temps, la revue est axée sur des chroniques religieuses, artistiques et régionalistes. Avec la crise et la montée des fascismes, Baussart l’oriente en 1929-1930, dans une direction plus économique et sociale et donne une part importante aux problèmes de la paix. Avant la publication de cette revue, Baussart avait déjà publié, à partir de mai 1910, La Wallonie française mais qui ne compte que quelques numéros. En 1913, paraît à Paris son premier ouvrage, La révolution belge de 1830 et l’Europe. Après la guerre, deux autres ouvrages sont le fruit de son souci régionaliste : Charleroi et son bassin industriel en 1926 et Le pays de Charleroi en 1928.

En 1920, Élie Baussart est entré à l’Assemblée wallonne, créée en 1912 par Jules Destrée*, et, en 1937, il publie Cinq Lettres à un wallon sur la question linguistique qui provoquent certains remous parce que démystifiant un anti-flamingantisme borné. En 1945, il est membre du Conseil consultatif central du mouvement Rénovation wallonne et restera ultérieurement membre de son comité de patronage.

Son option pour le pacifisme, Élie Baussart ne la traduit pas seulement dans La Terre wallonne où l’on trouve des signatures comme celles du dominicain Franziscus Stratmann de l’Association des catholiques allemands pour la paix, d’Alfredo Mendizabal, président du Comité espagnol pour la paix civile, etc. Mais il est présent dans nombre d’initiatives pacifistes. En 1932, Baussart collabore activement à faire revivre la Ligue belge pour la paix. Il participe au Mouvement international pour la réconciliation, au Mouvement chrétien de la paix créé en 1952. Il est membre du Conseil belge du Mouvement international pour la paix. Il assure, à partir de 1954, la chronique de la vie internationale dans la revue Route de paix. En 1956, il assiste au Congrès pour la paix et la civilisation chrétienne à Florence (G. La Pira).

Militant catholique, militant wallon, militant pacifiste, Élie Baussart est aussi militant démocrate dans les domaines économique, politique et social. À l’âge de vingt ans, il est attiré par le mouvement à la tête duquel se trouvent les frères Adolf et Pieter Daens*. Il correspond avec les daensistes flamands et participe à la collecte des fonds en vue d’élever un monument à l’abbé Daens. Mais c’est surtout avec le groupe daensiste liégeois qu’Élie Baussart est en rapport, groupe qui s’intitule Démocrates-chrétiens indépendants. Il collabore à leur mensuel, L’avant-gare. C’est là qu’en novembre 1907, Baussart publie, sous le pseudonyme « La charité », un long article intitulé De l’indépendance de la démocratie chrétienne et qui est une prise de position en faveur de l’autonomie politique des démocrates-chrétiens, autonomie refusée par les conservateurs catholiques. Si, écrit Élie Baussart, « il est prouvé que la démocratie chrétienne, pour accomplir toute « l’œuvre » que l’on est en droit d’attendre d’elle, doit être libre dans toutes les décisions et dans tous ses actes et n’avoir à en rendre compte qu’à elle-même, tous ces démocrates inféodés aux conservateurs dominant et par le nombre et par l’influence, dans le Parti catholique, tous ces démocrates, disons-nous, ne sont-ils pas des impuissants, des imposteurs, nous oserions même dire des prostitués ? »

À la veille de la Première Guerre mondiale, Élie Baussart se tourne plutôt vers le syndicalisme car les idées des daensistes lui apparaissent manquer de vigueur et d’arêtes. Il est en rapport avec Victor Pary*, premier secrétaire de la Confédération des syndicats chrétiens et libres des provinces wallonnes, avec Paul Crokaert* qui, à Bruxelles, s’est lancé dans le syndicalisme chrétien et publie L’Action démocratique à laquelle il collabore. Baussart organise une « journée syndicale » à Charleroi en janvier 1914. S’y traduit sa tendance anarcho-syndicaliste à laquelle semble l’avoir mené des déceptions essuyées du côté daensiste et du côté démocrate-chrétien.

Les préférences d’Élie Baussart vont aux syndicats libres liégeois qui se sont constitués à côté des chrétiens, protégés par l’évêque de Liège, Monseigneur Rutten. C’est ce type de syndicat « déconfessionnalisé » qu’il tente de mettre sur pied pour les employés en 1914. Le Syndicat des employés et voyageurs du bassin de Charleroi naît le 25 juillet 1914 et Baussart en est le président. Ce sont vraisemblablement ses options syndicales qui font échouer sa candidature à la rédaction du Démocrate, quotidien publié par la Confédération des syndicats chrétiens (CSC) à partir de juin 1919, candidature soutenue par Léon Christophe*, secrétaire du Syndicat national des employés et employées de Belgique.

Après 1914, Élie Baussart, qui réprouve les tendances anticléricales des socialistes, milite dans les syndicats chrétiens dont il adopte l’orientation apolitique. La création de la Ligue des travailleurs chrétiens de l’arrondissement de Charleroi, en 1922, par Louis Bolle* et Jean Bodart, va présenter pour Baussart un terrain d’activité correspondant aux aspirations de ses vingt ans. Il collabore à La Vie nouvelle, l’hebdomadaire de la Ligue, où il assume la chronique de vie internationale. Il y anime les cercles d’études et assume la responsabilité de la Commission de l’éducation populaire pour laquelle la Ligue nationale des travailleurs chrétiens (LNTC) crée une centrale en décembre 1930.

Lorsqu’en juin 1933, la Ligue et les syndicats chrétiens de Charleroi concluent un cartel temporaire avec les syndicats socialistes pour lutter contre la politique déflationniste du gouvernement catholico-libéral, Élie Baussart défend Jean Bodart contre le blâme qui lui est infligé par la LNTC. Lorsque le 17 juillet 1933, Jean Bodart démissionne de son mandat de député pour ne pas voter les pouvoirs spéciaux, Élie Baussart lance l’idée de la création d’un Fonds Bodart pour alimenter les œuvres de formation de la Ligue.

La Cité nouvelle est publiée à partir de janvier 1937. Élie Baussart y assure la chronique internationale ainsi qu’une page hebdomadaire Loisirs. La scission que provoque Jean Bodart en quittant La Cité nouvelle pour lancer La Justice sociale est durement ressentie par Baussart, mais il reste fidèlement attaché au mouvement ouvrier chrétien tout en acceptant les critiques qui sont faites à celui-ci : « Fétichisme de l’organisation au détriment du mouvement – dictature de l’avenue de la Renaissance (siège de la LNTC) où dominent primaires et flamingants – abus de la bureaucratie et substitution des permanents au contact avec la masse – peu de confiance dans le sens démocratique des travailleurs chrétiens flamands menacés de racisme ». Sa position est d’amender le mouvement de l’intérieur et non le combattre de l’extérieur.

Après la Seconde Guerre mondiale, Élie Baussart participe à l’éphémère expérience de l’Union démocratique belge (UDB). Lorsque celle-ci constitue un comité provisoire à son Congrès des 16 et 17 juin 1945, Baussart en fait partie, avec Barrie* et Jean Bodart, pour le Hainaut. Il en est de nouveau membre en février 1946 lors de la reconstitution du Comité national. Que reste-t-il de l’idéal de jeunesse d’Élie Baussart : une démocratie chrétienne indépendante ? Il n’en voit plus guère la possibilité après un demi-siècle de participation au mouvement ouvrier chrétien. Aussi écrit-il en 1954, une étude intitulée Adieu à la démocratie chrétienne ? C’est une analyse lucide de la démocratie chrétienne dans les pays occidentaux, qui « est la fille et reste l’héritière du monde bien-pensant auquel elle est trop liée et subordonnée pour qu’elle se comporte autrement. »

Tout son effort, Élie Baussart va alors le concentrer sur la culture ouvrière. Il aide efficacement un de ses amis à mettre sur pied à Charleroi une école de formation pour délégués d’entreprise d’abord et un Institut de culture ouvrière ensuite. À partir de 1950 et pendant sept ans, il assure à Radio-Hainaut des chroniques de culture ouvrière.

Élie Baussart décède à Loverval (pr. Hainaut, arr. Charleroi) en décembre 1965, où il vit en compagnie de Suzanne Sottiaux qu’il a épousée en secondes noces. Toute sa vie, il est resté inflexiblement fidèle à ses options démocrates. Quelques années avant son décès, il avait écrit : « Frère corps, c’est une chose merveilleuse de mourir ».

ŒUVRE : Élie Baussart a une plume d’une fécondité remarquable et a utilisé un grand nombre de pseudonymes dont La Charité, Z., Deloncle, Pierre Dom Lazare, Valentin Duchâteau, V.C., Le provincial, Jacques Henault, Fil, Henri Forgeur, P.J. Bosseau, Sambricus, Vieux démos, Le Tisbite, Frère mouche, Le voisin. On peut y ajouter trois pseudonymes dont l’identification est moins certaine : Walla, Le Menil, Thomas Goth. Élie Baussart a collaboré, régulièrement ou occasionnellement, à de nombreux périodiques : La Vie nouvelle, La Cité nouvelle, L’Aube, Le Soir, Le Face à main, Témoignage chrétien (édition belge), L’Équipe populaire, Le Démocrate (de Marc Sangnier), L’action démocratique, Le Pays wallon, Relations (Montréal), La Vie intellectuelle, Au travail, L’Escholier, La Cité, Église et chrétienté, Construire, Évangéliser, Revue de Saint-Boniface, Les Dossiers de l’action sociale catholique, Forces nouvelles, Esprit, Route de paix, Jeunesse nouvelle, Temps présent, La Revue nouvelle, La Nouvelle revue wallonne, L’Avant-garde, Politique (Paris), Clartés syndicales, La Cité chrétienne, Le Rappel, La Revue catholique des idées et des faits.

Principaux ouvrages et les articles significatifs pour le sens démocratique d’Elie Baussart : La révolution belge de 1830 et l’Europe, Paris, 1913 – Charleroi et son bassin industriel, Charleroi, 1925 – Est-ce vraiment notre Église catholique que Maurras admire ?, in Ch. Maurras, maître de la Jeunesse catholique ?, Liège, 1925 – Le pays de Charleroi. Monographie industrielle, artistique, littéraire et pittoresque (en collaboration avec M. Cambier), Gembloux, 1928 – Lettre à un wallon sur la question linguistique, Charleroi, 1931 – Essai d’initiation à la révolution anticapitaliste, Gembloux, 1938 – Catholique mon frère, Liège, 1945 – De la souffrance à l’amour, (V. Duchateau), Tournai-Paris, 1945 – Le chrétien est missionnaire (en collaboration avec E. Natalis), Liège, 1956 – Les causes de la déchristianisation de la classe ouvrière, Liège, 1958.

Articles publiés dans
Les Dossiers de l’action sociale catholique : Rentrée de la France, novembre-décembre 1944, p. 321 – Forces et faiblesses du PSC, mai 1947, p. 317 – La communauté régionale, octobre 1947, p. 543 – Présentation du christianisme social, février 1948, p. 94 – La révolution de 1848 et les catholiques, avril 1948, p. 281 – Vers une nouvelle Chine, mai 1949, p. 318 – Le socialisme en Angleterre, février 1950, p. 101 – Quelques causes de la déchristianisation ouvrière, mars 1950, p. 145 – Mounier et les problèmes sociaux de notre temps, avril 1950, p. 252 – Marc Sangnier et le Sillon, juin-juillet 1950, p. 393 – Un ouvrier parle de son travail, août-septembre 1951, p. 472 ;

La Revue nouvelle : Un apôtre social : Fernand Tonnet, octobre 1947, p. 387 – La vocation et la mission des prêtres ouvriers, mai 1953, p. 523 – La civilisation de l’argent, décembre 1956, p. 382 – Nul ne peut servir deux maîtres, avril 1959, p. 337 – « Journal d’une mission ouvrière » de Jacques Loeuw, août-septembre 1959, p. 235 ;

La Cité chrétienne : L’ouvrier sous le régime capitaliste, 20 décembre 1937, p. 116 ;

Esprit : Responsabilités des démocrates-chrétiens, in n° spécial : La pause des fascismes est terminée, décembre 1947, p. 914 ;

L’Avant-garde (Liège) : De l’indépendance de la démocratie chrétienne, novembre 1907, p. 1 ;

La Vie intellectuelle : À propos d’une « Histoire de la démocratie chrétienne », avril 1956, p. 41.

SOURCES : Élie Baussart, directeur de la « Terre wallonne », in Le bloc wallon, 16 juin 1926 – Jean QUÉRIAT, Élie Baussart, 1887-1965, in Contacts, février 1966 – Françoise BAL, La « Terre wallonne » catholique et régionaliste (1919-1929), mémoire de licence (philologie romane) UCL, Louvain, 1972 – Willy BAL, La faillite de 1830 ? Élie Baussart et le mouvement régionaliste, Bruxelles, 1973 – Jean NEUVILLE, Adieu à la démocratie chrétienne ? Élie Baussart et le mouvement ouvrier, Bruxelles, 1973 – Willy BAL, Les débuts littéraires d’Élie Baussart, in Études de littérature française de Belgique offertes à Joseph Hanse, Bruxelles 1978 – Willy BAl, Baussart Élie in Biographie nationale, t. 39, suppléments t. 11, Bruxelles, 1976, pp. 94-103 – Micheline LIBON, Élie Baussart (1887-1965). L’identité wallonne et le mouvement wallon, thèse de doctorat (histoire) UCL, Louvain-la-Neuve, 1986.

Pour citer cet article :

http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article150050, notice BAUSSART Élie, Jules, Ghislain. par Jean Neuville, version mise en ligne le 4 novembre 2013.

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LUXLEAKS, les tricheurs innocents

Jean-Claude Guillebaud, journaliste, écrivain et essayiste Créé le 09/05/2016

Même quand on est d’un naturel mesuré, il est parfois difficile de ne pas bouillir de colère. Ou de chagrin. Je parle de l’ouverture, le 26 avril au Luxembourg, de l’extravagant procès intenté aux « lanceurs d’alerte » qui avaient mis au jour un énorme scandale financier européen. Il s’agit du journaliste français Édouard Perrin, travaillant pour France 2, et d’Antoine Deltour, ancien salarié d’un cabinet d’audit. Effarés par ce qu’ils avaient découvert, ils sont à l’origine de ce qu’on a appelé le LuxLeaks : la révélation d’une pratique financière – les « rescrits fiscaux » – qui, grâce à la complaisance du minuscule duché du Luxembourg, aura permis à plus de 300 firmes comme Apple, Google, Ikea et Pepsi d’économiser des milliards d’euros d’impôts.

Plusieurs budgets nationaux – notamment celui de la France –, ont ainsi été privés de revenus fiscaux considérables, des milliards d’euros… C’est-à-dire bien plus que les sacrifices qu’on demande aux citoyens de ces mêmes pays. Ces spoliations, c’est-à-dire – au sens strict du terme – ces détournements, ont été organisés à l’époque où le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, était Premier ministre du Luxembourg (1995-2013). Or, ce ne sont pas les responsables qu’on a traînés en justice, mais ceux qui avaient découvert le pot aux roses.

Raison invoquée : de telles pratiques cyniquement immorales sont conformes à une loi fiscale savamment configurée pour cela. Elles sont donc « légales ». Les voleurs de milliards sont juridiquement « innocents ». C’est fou ! En revanche, les lanceurs d’alerte risquent cinq ans de prison et 1,25 million d’euros d’amende.

Depuis plusieurs semaines, des millions de citoyens européens ont manifesté leur indignation, signé des pétitions, investis les réseaux sociaux. Ledit procès est tellement absurde qu’il vire à la pantalonnade. Par chance, au même moment paraît un petit livre explosif d’Eva Joly (Le Loup dans la Bergerie, les Arènes). Son auteure était la mieux placée pour décortiquer, non seulement le scandale du LuxLeaks, mais pour pointer la responsabilité personnelle de Jean-Claude Junker dans toute l’affaire. Députée européenne et ancienne juge d’instruction spécialisée dans les affaires financières, elle seule pouvait rompre l’omerta et expliquer comment l’ancien responsable d’un paradis fiscal avait pu devenir le président de la Commission européenne. Comment un « loup », en somme, avait pu se retrouver en charge d’une « bergerie » : l’Europe.

L’auteure retrace l’itinéraire de ce personnage qu’elle compare au Dr Jekyll et Mr Hyde de Stevenson (1886). Côté face, Jean-Claude Junker est un humaniste avenant, sympathique, toujours prêt à taper dans le dos de ses interlocuteurs. Côté pile, c’est un manipulateur, respectueux des puissants, partisans des arrangements secrets. C’est surtout l’homme des « coalitions » qui parvint à évincer celui qui devait diriger, à sa place, la Commission de Bruxelles : le Français Michel Barnier, dont la réputation d’intégrité fit sans doute peur aux lobbies.

Devant tout cela, on a beau essayer de décolérer, on n’y arrive pas.