Elie Baussart

Conscience de Wallonie

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La « fédération Wallonie-Bruxelles »: pège ou tremplin?

(28 JUIN 2011)

La récente annonce faite par les présidents de partis francophones de lancer la désignation nouvelle de la Communauté française au travers du vocable « Fédération Wallonie-Bruxelles », a pu produire chez certains une sorte de détente de l’atmosphère et d’effet d’éclaircie. En effet, à rebours du climat général, elle insistait à la fois sur la volonté d’alliance et sur la personnalité concrète de deux régions, aisément repérables dans leur réalité territoriale, et clairement identifiables dans leur « épaisseur » socio-historique.
Le Mouvement du Manifeste Wallon entend évaluer en profondeur la portée de cette initiative prise par les partis représentés au Parlement de la Communauté française, dans la perspective d’un véritable essor durable de nos deux Régions.
Pour ce qui est de la démarche, nous constatons son caractère particratique, et autoritaire car elle n’émane d’aucune délibération démocratique préalable quelque peu approfondie au plan parlementaire. De plus, nous ne pouvons que relever son caractère velléitaire et symbolique, puisque l’intronisation officieuse de cette appellation ne modifie en rien la subsistance de la réalité constitutionnelle de la Communauté Française de Belgique.
On a aussi la forte impression que la démarche est moins développée en direction des opinions wallonne et bruxelloise que dans la direction ciblée des acteurs dirigeants flamands. Le but immédiat de la manœuvre étant en réalité, de tenter d’intimider l’interlocuteur flamand en faisant apparaître l’éventualité d’une alliance de deux régions différentes se liguant face à la seule communauté/région du Nord du pays ! Ce côté tactique de la démarche prend donc à cet égard une allure regrettable de jeu politicien.
Cependant cette démarche volontairement sibylline et péremptoire nous oblige à nous interroger sur la nature des orientations politiques réellement sous-jacentes à ce choix fait par les présidents et par les appareils de partis. Voici à tout le moins trois remarques cruciales.
1. Il est impossible de discerner clairement si l’affirmation de cette nouvelle « fédération » doit s’appréhender plutôt dans le cadre d’une Belgique maintenue comme Etat souverain, ou plutôt dans le contexte d’une possible « évaporation » de cet Etat Belgique (« Plan B »). Il s’agit donc là d’une première équivoque qui demande à être levée au plus tôt.
2. Dans la nouvelle appellation, la citation des deux « régions » censées se constituer en « fédération » n’a fait l’objet d’aucune précision explicative. Ceci pose un autre problème d’équivoque considérable car ladite région citée de « Bruxelles » paraît bien ne renvoyer en réalité qu’à la composante francophone de la Région de Bruxelles-Capitale, et non à l’entièreté de celle-ci ! Cette fédération nouvelle n’est présentée par ses promoteurs que comme une transformation de l’appellation de la « Communauté française de Belgique » (celle-ci ayant déjà elle-même été officieusement rebaptisée antérieurement sous le vocable de « Communauté Wallonie-Bruxelles »). Il apparaît donc que la formulation bi-régionale choisie pour désigner la nouvelle fédération pourrait bien n’être qu’un vrai « miroir aux alouettes ». Les appellations « régionales » utilisées s’inscriraient en réalité, bien plus dans un schéma communautariste d’une Belgique recomposée plutôt que dans un schéma authentiquement multi-régional de cette Belgique ou post-Belgique de demain. Autrement dit, contrairement aux apparences, ladite « fédération » ne ferait en fait qu’annoncer l’avènement prochain d’une Néo-Macro-Communauté !…
3. La démarche politique à la fois impromptue et sibylline que nous décryptons, doit être également suspectée en ce qu’elle n’évoque aucunement la moindre esquisse de répartition des domaines de compétences au sein même de la fédération nouvellement proclamée. Ce point revêt aussi un aspect capital, puisque l’on se trouve mis brutalement devant une proclamation du fait accompli ouvrant subrepticement la porte à une possible réorganisation fondamentale de l’attribution des compétences au sein même de ce que l’on désigne habituellement comme les « entités fédérées ». Cette réorganisation pourrait en effet impliquer de la sorte, soit simplement un non-accroissement des actuelles compétences des pouvoirs régionaux, – allant donc en cela complètement à rebours de l’accroissement que nos mouvements régionalistes réclament à cor et à cris depuis plusieurs décennies, soit même une éventuelle non-conservation du paquet actuel intégral de domaines de compétences actuellement détenues par les instances politiques des Régions tant wallonne que bruxelloise !!
EN CONCLUSION
Nous, régionalistes wallons, considérons ce resurgissement politiquement orchestré et étrangement inexpliqué du concept de Fédération entre Wallonie (avec ou sans les germanophones ?!) et Bruxelles, comme une erreur politique et non comme une avancée potentiellement utile. Dans ce contexte, nous considérons qu’il est de notre devoir de réaffirmer avec la plus grande force et en toute clarté que :
1. La sortie effective de la crise politico-institutionnelle actuelle passera nécessairement par un accroissement majeur des compétences des Régions, ce qui implique notamment, une reconnaissance de la région de Bruxelles comme région à part entière au travers de toutes ses composantes communautaires et culturelles, y compris de sa composante flamande.
2. La mise en place de liens de solidarité effective entre les régions wallonne et bruxelloise doit non pas précéder le processus de reconnaissance du statut de pleine autonomie de chacune de ces régions, mais au contraire être réalisée consécutivement au renforcement des pouvoirs régionaux. Précisons aussi que pour être effectif et efficace, le renforcement de l’autonomie régionale postule le transfert à chacune des Régions, des compétences jusqu’ici dévolues à la Communauté française (Enseignement, Culture, Médias, etc.)!
C’est donc postérieurement à l’aboutissement de ce processus de renforcement des pouvoirs régionaux qu’il y aura lieu de déterminer le type optimal de liens garantissant la mise en œuvre d’une réelle solidarité entre régions. Celle-ci pourra en effet apparaître à ce moment-là, comme exigeant de préférence, par exemple un socle d’accords de coopération multiples à passer entre les deux régions, wallonne et bruxelloise, plutôt qu’un cadre global de « fédération » proprement dite, unissant celles-ci par le haut.
Pour le Mouvement du Manifeste wallon :

François ANDRE, Michel GIGOT, Jean-Pierre LAHAYE, Janine LARUELLE, Jean LOUVET, Yves WEZEL