Elie Baussart

Conscience de Wallonie

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Revisiter le programme de l’Assemblée Wallonne un petit siècle plus tard

Bien qu’Elie BAUSSART considéra longtemps que l’Assemblée wallonne était « murée dans un antiflamingantisme stérile », il nous paraît intéressant de prendre ici connaissance du programme de cette sorte de Parlement wallon créé en 1912 ; ce programme fut adopté à l’unanimité moins une abstention le 25 avril 1920 et se retrouve dans le numéro de Terre Wallonne du 15 mai 1920. L’année suivante, soit en 1921, Elie BAUSSART fera partie de l’A.W et il abandonnera peu à peu ses conceptions unionistes et anti-séparatistes pour se positionner dès 1929 – et la reconnaissance de l’unilinguisme régional – en faveur du fédéralisme.

  1. L’A.W est un organisme d’étude et d’action créé en vue de défendre les intérêts matériel et moraux de la Wallonie, partout et dans tous les domaines .

  2. L’A.W est constituée en dehors de toute préoccupation de parti ou de classe. Les questions politiques ou sociales sont considérées par elle objectivement comme sujets d’étude, et exclusivement du point de vue wallon.

  3. L’A.W affirme sa ferme volonté de maintenir la nationalité belge.

  4. L’A.W réclame l’égalité politique absolue des Flamands et des Wallons. Persuadée que l’unité belge serait impossible à conserver et à défendre si elle était fondée sur la domination d’une race par l’autre, elle affirme que la Belgique ne peut poursuivre ses destinées que par l’union des deux peuples qui la composent, union basée sur une indépendance réciproque et faite d’une entente loyale et cordiale.

  5. L’A.W demande que les Wallons soient équitablement représentés au sein du gouvernement belge et qu’ils participent, au même titre que les Flamands, à la direction de notre politique étrangère.

  6. L’A.W déclare qu’en matière économique la Flandre et la Wallonie ont droit à une complète égalité de traitement. Elle réprouve tout régime d’hégémonie ayant pour résultat d’avantager une région au détriment de l’autre, notamment en matière de travaux publics, chemins de fer, voies navigables, etc.

  7. L’A.W entend ne porter aucune atteinte aux droits des Flamands. Elle condamne la haine des races et ne nourrit aucun sentiment d’antipathie, ni contre le peuple flamand, ni contre ses dialectes populaires. Bien que, traditionnellement, le français soit la langue de la culture en Flandre, l’A.W reconnaît sans réserve à tout flamand qui le désire, le droit de lui préférer le néerlandais. Elle ne se croit pas autorisée à intervenir dans les conflits linguistiques qui divisent les Flamands et qu’il appartient à eux seuls de régler. Mais elle subordonne son abstention à la condition que tout Flamand ait le droit de choisir librement sa langue et elle considère comme un devoir de veiller à ce que la liberté de ce choix ne soit supprimée ou diminuée par aucune mesure de contrainte.

  8. L’A.W revendique pour tous les hommes qui parlent la langue française le droit d’aider à sa libre diffusion en quelque pays que ce soit et celui de la défendre partout contre les manœuvres hostiles dont elle peut être l’objet.

  9. L’A.W considère la Wallonie comme l’avant-garde de la Gaule. Elle a conscience de remplir un devoir essentiel en préservant la population wallonne de toute infiltration germanique, notamment sous la forme dangereuse et déguisée du bilinguisme obligatoire. Elle proclame que nul n’a le droit d’imposer contre leur gré aux citoyens d’un peuple libre la connaissance d’une langue qui n’est pas la leur. Le bilinguisme ne peut être qu’une situation de fait, individuelle ou locale, résultat de la liberté : il ne peut devenir la règle générale, ni être imposé de force, directement ou indirectement, soit en Flandre, soit – à plus forte raison – en Wallonie.

  10. L’A.W affirme hautement que l’amour de la patrie wallonne et celui de la patrie belge, loin de s’exclure, se complètent et se renforcent. Elle évite avec soin le verbalisme patriotique, mais elle place au premier rang des obligations individuelles et collectives le devoir militaire. Avant la guerre, elle a vainement réclamé une organisation défensive capable d’opposer une résistance sérieuse à l’invasion allemande. Aujourd’hui, elle veut que la Belgique, étroitement unie à la France, mette tout en œuvre pour que son armée puisse coopérer, avec le maximum de force, à la défense de la civilisation latine.

Revisiter ce texte, à quelques années près, un siècle plus tard, ne peut que questionner le lecteur. Que penser, aujourd’hui, alors qu’une nouvelle réforme de l’Etat est en route, avec entre autres la scission BHV, que penser par exemple, comme Wallon, de l’affirmation de l’A.W selon laquelle l’amour de la patrie wallonne et celui de la patrie belge, loin de s’exclure se complètent et se renforcent » ? Ou de cette « union basée sur une indépendance réciproque et faite d’une entente loyale et cordiale » ? Faut-il y lire une volonté de confédéralisme avant l’heure ? L’Histoire et son étude sont décidément toujours riches d’enseignement pour le temps présent mais aussi pour le temps à venir.