Elie Baussart

Conscience de Wallonie

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Bulletin n°73: Chute mortelle de la démocratie au Parlement wallon (juin 2014)

24 juin, 2014 (07:49) | accueil | By: Bernard

N’y allons pas par quatre chemins : la démocratie est morte ce treize juin à Namur, très précisément.
Si déjà en temps normal le vote de l’électeur est souvent malmené, ce qui s’est déroulé récemment au Parlement wallon tient du bac à sable ou de la parodie. C’est selon.
Coup d’œil dans le rétroviseur.
Des plaintes sont été déposées, entre autres celle du PTB ; à 14 voix près, ce dernier pouvait avoir 1, voire 2 élus supplémentaires. Or de nombreuses irrégularités ont été constatées dans l’interprétation à donner à la notion de vote nul.
C’est la première fois que le Parlement wallon est saisi de telles plaintes. D’habitude, la validation des élections est une simple formalité : sept membres sont tirés au sort, constituent la commission de validation et rendent leur rapport.
Mais voilà, sur ces 7 membres, 4 étaient MR qui rêve d’en découdre avec le PS et le CdH, sans compter le fait que certains membres étaient élus dans l’arrondissement de Charleroi. Autrement dit, si le PTB obtenait gain de cause, c’est au niveau du PS et du CdH qu’on reprendrait le ou les sièges concernés.
Donc, la commission était juge et partie, foulant au passage aux pieds une législation européenne imposant un organisme neutre pour valider les élections.
Qu’à cela tienne, après quelque 25 heures de débats, la commission donne raison au PTB.
Mais le Parlement, in fine, déboute ce dernier : majorité PS/CdH contre opposition.
Honte aux PS et au CdH qui ont fait prévaloir leurs intérêts électoraux plutôt que le respect de la démocratie.
Certains objecteront que la législation est mal fichue en l’occurrence ; sans doute, mais les parlementaires – en tout cas ces vieux briscards qui siègent à Namur depuis des années- en sont responsables.
Mais le problème ne s’arrête pas à cela : il reste aussi à traiter du décumul des mandats. Un décret voté par la majorité sortante : PS, CdH et Ecolo.
Plutôt que d’interdire tout cumul entre mandat local et régional, ce décret induit un critère qui permette aux élus de cumuler leur mandat : leur taux de pénétration. On croit rêver, mais un mauvais rêve : ce pays et les Régions qui le constituent vivent vraiment en absurdie.
Un décret bâclé, en tout cas, qui ne prévoit aucun délai pour abandonner son mandat local, aucune sanction à qui ne le ferait pas.
Elie BAUSSART s’est toujours montré méfiant par rapport au système parlementaire bourgeois, ne l’acceptant que par défaut et lui préférant nettement l’action directe.
Dans la Chronique régionaliste, il écrivait : « Non, je ne donnerais pas deux sous du régionalisme wallon, comme action et surtout comme pensée si nous avions la folie de nous subordonner à un parti, si, sous prétexte d’aboutir plus sûrement et plus rapidement, nous pliions notre activité aux nécessités de la stratégie parlementaire et électorale. »

Ou dans « Le Catholique – en 1911 ! » :
« Et tout d’abord, qu’on veuille remarquer que, partisan convaincu de l’action sociale directe, c’est en patient résigné du parlementarisme selon l’actuelle formule – mal temporairement nécessaire – que je résous le problème »
Aujourd’hui, très nettement, et une fois de plus, la particratie a joué à fond, cette particratie qui écoeurait déjà, en son temps, Elie BAUSSART
On a le sentiment que, un siècle plus tard, si peu de choses ont changé.
En attendant et tandis que ces dames et ces messieurs se chamaillent, piétinent allègrement des règles qu’ils ont eux-mêmes créées, inconsidérément sans doute, mais en pleine conscience (du moins nous l’espérons), en attendant le système capitaliste continue à faire des victimes. On licencie massivement chez DELHAIZE : 2500 travailleurs à terme. Le groupe, pourtant, est en bonne santé : son bénéfice net était de 179 millions d’euros en 2013 sur un revenu total de 20,9 milliards dont 24% en Belgique.
Pour Myriam DELMEE, du Setca, cette annonce est scandaleuse :
« Nous sommes face à une entreprises rentable, qui est profitable d’année en année, dont les travailleurs ont fait des sacrifices pour que l’entreprise puisse réaliser des investissements. Le personnel est sous pression parce que l’emploi s’est érodé depuis des années. Et aujourd’hui on nous annonce une intention de licenciement de 2500 personnes avec, à la clé, pour ceux qui restent une réduction des condition de travail, une diminution des rémunération et une remise en cause des annales barémiques. Et tout cela alors que dans le même temps on ne nous annonce aucun plan commercial ? Chez Delhaize, les parts de marché souffrent, mais c’est clairement à cause, non pas du personnel, mais de la stratégie commerciale. Rien n’est proposé à ce propos alors que l’on annonce 2500 licenciements »
Tout est dit. Encore faudrait-il que les organisations syndicales, une fois pour toutes, s’inscrivent dans une logique de résistance au modèle capitaliste et à son éviction, plutôt que de se limiter à en atténuer les excès, dans la mesure où certains partis politiques s’en accommodent, eux, fort bien. Et nous n’avons aucun problème à dire que nous visons la gauche traditionnelle.

Comme l’écrivait déjà Elie BAUSSART, il y un siècle : « L’on conviendra avec nous que si les faits influent sur les idées, les idées elles aussi ne cessent d’influer sur les faits. Et dans la généalogie des évolutions l’on verra bien que les transformations définitives se sont tout à coup transposées des idées dans la réalité. C’est ce phénomène qu’on feint trop d’ignorer. Et c’est pourquoi l’action syndicale agit plus en profondeur qu’en surface » (LE DROIT DE L’EMPLOYE, 16 JUILLET 1919)
Oui, l’action syndicale agit plus en profondeur que ne le font les partis, sauf – et le danger est bien présent- à être inféodée à un parti.
Puisqu’au Parlement wallon et ailleurs, ne nous leurrons pas, la démocratie a fait une chute mortelle, nous ne pouvons, à la suite d’Elie BAUSSART, qu’en appeler à l’action sociale directe car « Il faudrait que la classe ouvrière eût oublié les leçons du passé, et perdu le souci de ses responsabilités et de son indépendance pour admettre que le sort de ses revendications de classe pût être conditionné par les nécessités de la politique d’un parti qui brigue le pouvoir »
Le système parlementaire que nous connaissons aujourd’hui est donc bien comme nous disions précédemment un miroir aux alouettes. Il est temps d’explorer de nouvelles pistes.
Bernard DE COMMER.
Le 13 juin 2014.