
Elie Baussart en bref
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Elie Baussart en
Bref...
Témoignages
Elie Baussart, l’homme,
par Jean DORZEE.
L’influence d’Elie Baussart, acteur wallon et acteur social,
a été mise largement en valeur par Willy Bal et Hubert Dewez.
Bernard Stenuit a eu l’heureuse initiative de nous faire connaître
dans ce livre le rôle important joué par le professeur.
Je voudrais, moi, dans cette préface, donner une vue globale,
panoramique de toutes les activités d’Elie Baussart, si c’est
possible - elles sont si nombreuses - et y inclure celle de
professeur ainsi que la place importante de cette activité dans
sa vie.
Pour mieux comprendre, je replacerai cette action dans le contexte
du 20ème siècle. Ensuite, dans une seconde partie, j’insisterai
sur la source de cette action, la personnalité d’Elie Baussart,
sur l’Homme et le Croyant.
Vous y découvrirez de temps à autre une note plus personnelle
du collègue et de l’ami.
Les activités sociales et wallonnes.
Nous sommes au XXème siècle, dans l’entre-deux guerres. C’est
l’époque de la bourgeoisie capitaliste triomphante, maîtresse
de tous les leviers de commandes politiques et économiques de
la Belgique.
Face à elle, une classe ouvrière qui essaie de sortir de sa
situation précaire, se groupe en syndicats et cherche une expression
politique.
C’est l’époque où le peuple flamand et le peuple wallon ne sont
guère respectés dans une Belgique uni-
tariste.
La démocratie est menacée partout en Europe, par le fascisme
en Italie, l’hitlérisme en Allemagne, le communisme en Russie
et le rexisme chez nous.
Les valeurs traditionnelles, surtout portées par l’Eglise catholique,
sont difficilement supportées, parce que imposées par des structures
rigides et des dogmes pesants. Un pays cloisonné dans ses piliers
: catholique, socialiste, libéral. Une société stable, rassurante
mais figée, qui se devait d’évoluer
pour répondre aux aspirations profondes de la population surtout
de la plus pauvre.
Face à cette société se dresse un homme qui a l’audace de s’opposer
aux puissances d’argent et aux structures étouffantes de l’époque,
un homme libre qui a adressé à ses contemporains un message
de liberté et de démocratie en avance souvent sur la mentalité
de l’époque. et lui donner une expression politique *.
Je rappellerai deux faits mémorables qui caractérisent bien
le personnage :
- la lutte épique entre E.B.et le cardinal de Malines qui voulait
imposer aux agriculteurs wallons l’emprise néfaste du Boerenbond
flamand.
- ses différends avec l’évêque de Tournai qui lui reprochait
ses prises de position pour les « rouges »… des athées face
aux très catholiques partisans de Franco.
Une anecdote.
Un soir, à la fin d’une réunion, un interlocuteur vantait les
mérites de Léopold II, « le grand bienfaiteur du Congo ». Elie
devint blanc comme un linge, maîtrisant avec peine sa colère,
murmura les dents serrées : « Léopold II, l’esclavagiste ! ».
Et nous vîmes défiler sous nos yeux la longue cohorte des esclaves
noir enchaînés.
*Willy Bal : « La faillite de 1830. Elie Baussart et le mouvement
régionaliste. » Editions Vie Ouvrière.
*Jean Neuville : « Adieu à la démocratie chrétienne. Elie Baussart
et le mouvement ouvrier ». Editions Vie Ouvrière.
(Son activité de pacifiste et ses prises de position sur le
plan international n’ont pas encore été explorées)
E.B. réagissait aux événements par la plume au jour le jour
dans les journaux, dans des revues, par des dossiers plus fouillés
mais s’impliquait aussi dans l’action, dans les syndicats, dans
les initiatives de l’Eglise, etc.
E.B. fut un annonciateur d’un monde nouveau, un prophète mais
aussi un pionnier qui posa les jalons d’autre société plus humaine.
Cette activité débordante aurait pu, à elle seule, remplir toute
une vie et pourtant, pendant 45 ans, il exerça le métier de
professeur avec ses exigences de tous les jours, ses prestations
quotidiennes, ses préparations minutieuses, ses contacts nombreux.
Cette profession absorbante joua un rôle très important chez
lui.
Je le vois encore, à la fin de sa vie, planté devant le vieux
bâtiment du collège, boulevard Audent, lais-
sant échapper cette parole du plus profond de lui-même : « C’est
toute une partie de moi-même qui est enfouie dans ces vieux
murs ».
Bernard Stenuit a lu les écrits d’E.B., a fouillé les archives
du « Fond Baussart », interviewé les rares survivants de cette
époque et nous restitue l’essentiel de son activité professionnelle
et le rayonnement de celle-ci.
Vous accepterez ici une note personnelle de l’auteur de cette
préface, collègue d’E.B. Il vous invite à assister à l’un de
ses cours.
« Entrons à l’improviste dans la classe où il donne son cours
d’histoire. Suivons du regard ce grand Monsieur à la barbe soignée,
qui, droit comme un I, arpente, d’un pas décidé, les couloirs
entre les rangées de bancs.
S’appuyant sur une préparation minutieuse, libéré de toute érudition
vaine, il recourt à l’anecdote qui fera mieux comprendre le
sens de l’événement. Ecoutons cette voix forte et décidée qui
s’oppose à tout assoupissement. Il n’a rien d’un professeur
qui récite d’une voix monotone un sujet cent fois ressassé ;
il sait agrémenter son récit d’un rire contagieux et se permet
parfois des plaisanteries frôlant la gau-
loiserie. »
Qui aurait pu soupçonner sous cette attitude désinvolte et souriante
un homme écartelé entre ses convictions profondes et le milieu
conformiste qui l’obligeait à une retenue dont il ne se départit
jamais.
Comment El. B. le progressiste, pourfendant les structures politiques
et religieuses de son pays, va-t-il se comporter comme professeur
face à de jeunes bourgeois fortunés dans le milieu conservateur
d’un collège des Pères jésuites ( c’est heureusement changé
actuellement) ?
Notons tout d’abord qu’il donne cours en humanités modernes,
section défavorisée par rapport aux humanités anciennes qui
« tiennent le haut du pavé » au collège du Sacré Cœur.
Il s’adresse à des étudiants souvent méprisés par le public
bourgeois de l’autre section. Il fut la chevil- le ouvrière
de celle-ci qu’il tint à bout de bras jusqu’à sa suppression
en 1947.
Un cours n’est pas un discours politique ou syndicaliste. E.B.
s’attache à l’objectivité des faits qu’il s’ingénie à faire
comprendre et à en dégager toute la partie humaine. Défenseur
de l’Homme, il ne peut évidemment s’empêcher de stigmatiser
les événements bellicistes de l’histoire et ne se g^ne pas pour
vilipender tel monarque absolu qui selon son expression « ne
valait pas tripette ».
E.B. n’a pas utilisé sa chaire de professeur comme une tribune
pour exposer ses idées personnelles si différentes de la mentalité
de l’institution dans laquelle il enseignait et encore moins
pour faire de ces jeunes esprits des propagandistes contestataires.
Bernard Stenuit a bien décrit les péripéties de ses démêlés
avec le recteur de l’établissement, le Père Plaquet, et la position
inconfortable de l’homme, qui jamais ne fit de concessions sur
ce qu’il pensait.
Elie Baussart, sa vie personnelle de croyant.
L’évolution de l’Eglise et les engagements qu’il prit dans
le tiers ordre franciscain et les fraternités de Foucauld surtout
eurent une grande influence sur lui mais deux personnages féminins
marquèrent profondément sa foi. Dans ce domaine aussi nous retrouvons
Elie le vivant, qui évolua.
Elie fut toujours un chrétien fervent : fréquentation des sacrements,
ascétisme rigoureux, retraites à la Trappe, vision du monde
altruiste, droiture de vie, honnêteté intellectuelle, honnêteté
tout court : il ne badine pas avec les obligations du chrétien.
Vint alors l’influence de Valentine qu’il épousa en 1912.
Une femme exceptionnelle, débordante de vitalité, de charité,
de don d’elle-même à son mari et à tous ceux qu’elle rencontrait.
Une vie tourmentée par la souffrance : l’impossibilité d’avoir
un enfant, une santé délabrée, minée par une mystérieuse maladie.
Cette souffrance, elle l’accueillit comme une grâce, ce qui
la fit croître dans un amour divin avec toutes les caractéristiques
d’un mysticisme authentique.
Elie aura la révélation de cette personnalité si riche surtout
après sa mort et se reprocha d’avoir si peu correspondu à son
amour. Se développe alors chez lui une soif de vie personnelle
encore plus profonde et un désir de correspondre à l’appel divin.
Il écrivit la vie de la défunte dans un livre qu’il intitula
« De la souffrance à l’amour » sans se douter qu’il exprimait
ainsi la voie qui allait être la sienne dans les dernières années
de sa vie.
La mort de Valentine en 1941 le laissa désemparé.
Cet être sensible, même s’il dissimulait ses sentiments comme
la plupart des hommes de cette époque, ne pouvait vivre seul..
Il épousa en seconde noce en 1953 Suzanne qui fut pour lui,
selon son expression, son rayon de soleil. Nous ajouterons la
grâce de sa vie, ce qui avait été vrai aussi pour Valentine.
Suzanne avec qui il fit la découverte d’un amour divin incarné
dans un amour humain. Suzanne qui accepta avec une patience
infinie de se heurter au caractère autoritaire de son mari.
Suzanne qui l’aida à remplir les longues heures de ses après-midi,
le conduisant en voiture, lui, le vieillard « diminué » à travers
la campagne wallonne à laquelle il était si attaché.
Suzanne et Valentine furent les deux « fées » qui inspireront
l’Homme et le Croyant. Il écrivait dans son journal intime «
Passé la journée d’hier en commun avec Valentine ».
Elie eut bien du mal à accepter sa vieillesse : lui, le « grand
monsieur » qui avait dominé son siècle de sa haute stature intellectuelle
et de son intelligence subtile, il dut renoncer à synthétiser
sa pensée et à l’exprimer dans la belle langue française qui
était la sienne.
Extraits de son journal en 1959 :
« Confession d’un vieil homme qui réalise depuis des mois l’affaissement
de ses moyens et de ses facultés et suit les progrès actuellement
rapides d’une sorte de décomposition de mon être. C’est horrible
à certaines heures ».
« Quoi d’étonnant que je sois impatient, irritable, amer, insociable
(sociable , je ne l’ai jamais été beaucoup), agressif – autant
de formes à travers lesquelles je me sens malheureux. Le mot
est écrit, je ne le biffe pas. Je le serais continuellement,
n’était la présence de Suzanne. Il suffit qu’elle rentre de
son travail, qu’elle soit ici, pour que l’atmosphère soit changée
et que je me sente tout autre ».
C’est dans la peine, la souffrance, la nuit noire, proche souvent
du désespoir, qu’il vécut les dernières
années de sa vie avec des sursauts de foi, cette foi qui lui
permet de continuer son chemin ici-bas.
Il expérimente la voie suivie par Valentine (« De la souffrance
à l’amour »)
« Samedi saint.
La grâce du Seigneur –toujours elle, présente et agissante,
aux moments décisifs- a transformé en prière d’espoir ce cri
d’impuissance presque de désespoir. Après ces mots de découragement,
je me suis rendu à l’église et là, dans la nuit, j’ai confessé
ma faiblesse et ma lâcheté et j’ai crié au secours. et le Seigneur
m’a répondu ».
Je vous avouerai que j’ai reçu un choc ( ma femme également
qui m’a aidé dans ce travail ) en lisant le journal intime d’Elie
Baussart (années 1959-1960). Faut-il livrer au grand public
ces paroles de désespoir –désespoir surmonté- mais désespoir
tout de même ? Ce texte si peu médiatique ne risquait-il pas
de ternir la mémoire du grand homme et d’obscurcir les « hauts
faits » rappelés dans la première partie de ce travail.
Doutes vite surmontés.
Tout homme dans son existence terrestre est confronté à sa fragilité,
un jour ou l’autre. Il est grand s’il est capable de regarder
cette fragilité en face, en pleine conscience et de la concilier
avec cette autre réalité, sa grandeur.
« La conquête de soi est plus glorieuse que les victoires sur
les champs de bataille de l’histoire ».
Ce combat intérieur révèle à quelle trempe d’homme il appartenait.
Il mourut après une longue et pénible maladie en 1965. Il repose
au cimetière de Loverval à côté de Valentine et de Suzanne.
Il avait voulu que soient gravées sur sa tombe les paroles de
l’évangéliste Matthieu : « Je ne suis pas le Dieu des morts
mais le Dieu des vivants »
Les élèves de ce remarquable professeur, conscients d’avoir
rencontré un Homme, un vrai, étaient remplis de respect pour
Elie Baussart. Beaucoup d’entre eux adhèrent actuellement à
la Fondation, qui porte son nom, et qui veut perpétuer son action.
Courriers
d'Elie BAUSSART…
Cette lettre a été adressée à J. VAN LIERDE, le 5 octobre 1951,
alors que ce dernier est emprisonné à Forest pour avoir refusé
de faire son service militaire. Il faut souligner que, à l'époque,
l'objection de conscience n'était pas reconnue et que le discours
majoritaire n'allait pas dans ce sens-là. Se positionner comme
l'a fait Elie BAUSSART, oser aller à contre courant de l'air
du temps n'allait pas de soi. La version manuscrite de cette
lettre a été reproduite dans le BULLETIN n°15 de mars 2003.
Loverval, près Couillet.
5 octobre 1951.
Cher monsieur,
Je voudrais me permettre de vous exprimer ma profonde sympathie,
et pour vos idées, si énergiquement et si noblement exprimées
devant le c.de g. ; et pour l'exemplaire leçon d'efficacité
que vous donnez en montrant la voie d'une action au service
de la pensée ; et pour la victoire que vous préparez à l'objection
de conscience dont la loi ne pourra plus guère différer de reconnaître
la légitimité.
Je ne me serais pas autorisé à vous envoyer ce témoignage si
je n'avais eu le plaisir de vous voir à une réunion de Témoignage
chrétien (NDLR : souligné dans le manuscrit), chez notre ami
Jules Gérard. Vous n'étiez pas pour moi un inconnu- quêtes-vous
maintenant !
Ma pe,sée rejoint la vôtre pour prier le Prince de la Paix.
Croyez, je vous prie, à mes respectueux et dévoués sentiments.
Elie Baussart.
Autre courrier qui nous est parvenu, dactylographié par lui-même
sans doute à en juger par le nombre de fautes de frappe et signé
de sa main. Daté du 10 septembre 1955, il est adressé à J. VAN
LIERDE militant pour la paix et objecteur de conscience. Il
nous montre le pragmatisme dont Elie BAUSSART savait se prévaloir
et sa détermination à défendre ce qu'il estimait la juste voie.
Il y est fait allusion à un article de J. VAN LIERDE et aussi
aux pressions, voire aux mesures de rétorsion que faisait peser
la hiérarchie catholique sur ceux qui osaient tenir un discours
différent du sien.
Mon cher Jean,
J'ai lu attentivement les trois articles que vous m'avez
soumis.
Goa. Pologne. D'accord.
Le Dégel. J'ai lu et relu votre article. Faute de pouvoir
faire plus, j'ai lu à Yves ( N.D.L.R : sans doute de WASSEIGE,
toujours membre de la Fondation), le par. (N.D.L.R. : paragraphe,
sans doute). De Florence à Helsinki, qui me paraît litigieux.
D'accord sur le fonds, nous regrettons le ton, sinon agressif,
pour le moins polémique, que vous employez lorsque vous parlez
des positions de la hiérarchie catholique en face de la guerre,
et spécialement en raison de son appartenance nationale. Le
fait est troublant, certes, mais la leçon que vous lui faites
est tellement véhémente…
En haut de la page 3, vous présupposez comme impératif moral
" le devoir éventuel de désobéissance civile aux Etats qui mobilisent
les chrétiens dans leurs armées afin de préparer la guerre "
Non seulement ce présupposé n'appartient pas à la doctrine morale
de l'Eglise et est loin d'être admis par la communauté chrétienne
; il est actuellement le fait d'une minorité en avance et qui
ne peut efficacement agir que par persuasion, surtout pas par
aucune espèce d'injonction à l'autorité.
La mise en garde de Malines l'an dernier (N.D.L.R. : le cardinal
VAN ROY) est un avertissement qu'il ne faut pas prendre à la
légère ; Routes de Paix est suspect, par conséquent surveillé,
surtout dans le contexte actuel (Quinzaine, chrétiens progressistes…).
De grâce, évitons d'avoir à vivre le drame des amis de Quinzaine,
que j'ai vu de près, avec le trouble de certaines consciences
et le retentissements sur l'action ! Nous devons éviter toute
justification ou tout prétexte à une censure qui poserait à
chacun une question de conscience, outre qu'elle restreindrait
nos chances de pénétration dans les milieux catholiques, notre
milieu naturel de rayonnement. Tel est aussi le sentiment d'Yves.
Je souhaiterais que vous preniez l'avis de Ladrière.
D'accord avec vous sur les grandes lignes d'une action pour
la paix -ai-je besoin de vous le dire ? - et en toute amitié
fraternelle, je suis obligé de vous mander que, si vous publiiez
cet article sans une sérieuse revision de son expression, je
ne pourrais vous donner la chronique sur l'Afrique du Nord.
Je devrais aussi vous prier d'enlever mon nom de la liste des
membres du C. de direction. Je m'excuse d'être si net, mais
l'affaire me paraît importante.
présentez mon respectueux et cordial souvenir à Claire.
Bien fraternellement.
Elie Baussart.
P.S. Je vous rappelle mon vif souhait d'un article qui définirait
une attitude en face des conditions faites à l'Eglise dans les
démocraties populaires et en U.R.S.S, non par souci d'un balancement
tactique, mais comme expression du déchirement du chrétien entre
sa communion vitale avec l'Eglise et un devoir de présence active
dans l'édification d'un nouveau monde. M.C. Grafé touche au
problème ; il faudrait l'exposer une bonne fois dans sa réalité
et son ampleur.
Quelques
témoignages….
Un premier témoignage, celui de J. DORZEE, notre premier
président, collègue et ami d'Elie BAUSSART.
Elie BAUSSART, sa vie personnelle de croyant.
Jean DORZEE.
L'évolution de l'Eglise et les engagements qu'il prit dans le
tiers ordre franciscain et les fraternités de Foucauld surtout
eurent une grande influence sur lui mais deux personnages féminins
marquèrent profondément sa foi. Dans ce domaine aussi nous retrouvons
Elie le vivant, qui évolua.
Elie fut toujours un chrétien fervent : fréquentation des sacrements,
ascétisme rigoureux, retraites à la Trappe, vision du monde
altruiste, droiture de vie, honnêteté intellectuelle, honnêteté
tout court : il ne badine pas avec les obligations du chrétien.
Vint alors l'influence de Valentine qu'il épousa en 1912.
Une femme exceptionnelle, débordante de vitalité, de charité,
de don d'elle-même à son mari et à tous ceux qu'elle rencontrait.
Une vie tourmentée par la souffrance : l'impossibilité d'avoir
un enfant, une santé délabrée, minée par une mystérieuse maladie.
Cette souffrance, elle l'accueillit comme une grâce, ce qui
la fit croître dans un amour divin avec toutes les caractéristiques
d'un mysticisme authentique.
Elie aura la révélation de cette personnalité si riche surtout
après sa mort et se reprocha d'avoir si peu correspondu à son
amour. Se développe alors chez lui une soif de vie personnelle
encore plus profonde et un désir de correspondre à l'appel divin.
Il écrivit la vie de la défunte dans un livre qu'il intitula
" De la souffrance à l'amour " sans se douter qu'il exprimait
ainsi la voie qui allait être la sienne dans les dernières années
de sa vie.
La mort de Valentine en 1941 le laissa désemparé.
Cet être sensible, même s'il dissimulait ses sentiments comme
la plupart des hommes de cette époque, ne pouvait vivre seul..
Il épousa en seconde noce en 1953 Suzanne qui fut pour lui,
selon son expression, son rayon de soleil. Nous ajouterons la
grâce de sa vie, ce qui avait été vrai aussi pour Valentine.
Suzanne avec qui il fit la découverte d'un amour divin incarné
dans un amour humain. Suzanne qui accepta avec une patience
infinie de se heurter au caractère autoritaire de son mari.
Suzanne qui l'aida à remplir les longues heures de ses après-midi,
le conduisant en voiture, lui, le vieillard " diminué " à travers
la campagne wallonne à laquelle il était si attaché.
Suzanne et Valentine furent les deux " fées " qui inspireront
l'Homme et le Croyant. Il écrivait dans son journal intime "
Passé la journée d'hier en commun avec Valentine ".
Elie eut bien du mal à accepter sa vieillesse : lui, le " grand
monsieur " qui avait dominé son siècle de sa haute stature intellectuelle
et de son intelligence subtile, il dut renoncer à synthétiser
sa pensée et à l'exprimer dans la belle langue française qui
était la sienne.
Extraits de son journal en 1959 :
" Confession d'un vieil homme qui réalise depuis des mois l'affaissement
de ses moyens et de ses facultés et suit les progrès actuellement
rapides d'une sorte de décomposition de mon être. C'est horrible
à certaines heures ".
" Quoi d'étonnant que je sois impatient, irritable, amer, insociable
(sociable , je ne l'ai jamais été beaucoup), agressif - autant
de formes à travers lesquelles je me sens malheureux. Le mot
est écrit, je ne le biffe pas. Je le serais continuellement,
n'était la présence de Suzanne. Il suffit qu'elle rentre de
son travail, qu'elle soit ici, pour que l'atmosphère soit changée
et que je me sente tout autre ".
C'est dans la peine, la souffrance, la nuit noire, proche souvent
du désespoir, qu'il vécut les dernières
années de sa vie avec des sursauts de foi, cette foi qui lui
permet de continuer son chemin ici-bas.
Il expérimente la voie suivie par Valentine (" De la souffrance
à l'amour ")
" Samedi saint.
La grâce du Seigneur -toujours elle, présente et agissante,
aux moments décisifs- a transformé en prière d'espoir ce cri
d'impuissance presque de désespoir. Après ces mots de découragement,
je me suis rendu à l'église et là, dans la nuit, j'ai confessé
ma faiblesse et ma lâcheté et j'ai crié au secours. et le Seigneur
m'a répondu ".
Je vous avouerai que j'ai reçu un choc ( ma femme également
qui m'a aidé dans ce travail ) en lisant le journal intime d'Elie
Baussart (années 1959-1960). Faut-il livrer au grand public
ces paroles de désespoir -désespoir surmonté- mais désespoir
tout de même ? Ce texte si peu médiatique ne risquait-il pas
de ternir la mémoire du grand homme et d'obscurcir les " hauts
faits " rappelés dans la première partie de ce travail.
Doutes vite surmontés.
Tout homme dans son existence terrestre est confronté à sa fragilité,
un jour ou l'autre. Il est grand s'il est capable de regarder
cette fragilité en face, en pleine conscience et de la concilier
avec cette autre réalité, sa grandeur.
" La conquête de soi est plus glorieuse que les victoires sur
les champs de bataille de l'histoire ".
Ce combat intérieur révèle à quelle trempe d'homme il appartenait.
Il mourut après une longue et pénible maladie en 1965. Il repose
au cimetière de Loverval à côté de Valentine et de Suzanne.
Il avait voulu que soient gravées sur sa tombe les paroles de
l'évangéliste Matthieu : " Je ne suis pas le Dieu des morts
mais le Dieu des vivants "
Les élèves de ce remarquable professeur, conscients d'avoir
rencontré un Homme, un vrai, étaient remplis de respect pour
Elie Baussart. Beaucoup d'entre eux adhèrent actuellement à
la Fondation, qui porte son nom, et qui veut perpétuer son action.
Un autre témoignage nous est rapporté justement par l'un
de ses anciens élèves, Robert BULTOT, professeur émérite à l'U.C.L.,
qui nous écrit ceci dans un courrier daté du 3 novembre 2002,
après avoir contesté l'affirmation selon laquelle Elie BAUSSART
aurait été confiné aux seules humanités modernes (N.D.L.R. Propos
tenus par Jean DORZEE).
Je me souviens très bien de la première phrase de son cours
de Poésie : Je ne dicterai pas la matière ; je vous ferai une
conférence et vous prendrez des notes. Comme à l'université.
C'était du point de vue pédagogique, un saut qualitatif.
En Poésie il enseignait l'histoire contemporaine : un cours
substantiel (dont je possède toujours les notes), allant de
la Révolution française à la Guerre 1914-1918. Je lui suis reconnaissant
de nous avoir brossé de la Révolution française un tableau objectif,
très éloigné de la diabolisation qui dominait à l'époque dans
les milieux ecclésiastiques et catholiques en général. Je lui
suis reconnaissant aussi pour sa présentation, à la fois critique
et équilibrée, de ces deux extrêmes qu'étaient le capitalisme
et le communisme, et d'avoir suggéré une forme humaniste de
système économico-social.
En Rhétorique, il faisait le cours d'Histoire de Belgique (dont
j'ai aussi conservé les notes), de la conquête romaine à 1830.
L'histoire de la Belgique monarchique lui était soustraite.
Nous savions pourquoi : les autorités du Collège ne le trouvaient
pas bien-pensant sur ce sujet et le remplaçaient par le Père
Jésuite titulaire de la classe. Nous savions vaguement qu'il
existait entre Elie Baussart et la Direction du collège des
tensions, mais cela n'ôtait rien à notre admiration, à notre
respect, à notre sympathie…
Lors des premières élections législatives qui suivirent la Libération,
Elie Baussart militait dans le nouveau parti politique dénommé
Union Démocratique Belge, un parti à large ouverture, qui n'était
pas un parti confessionnel. Les résultats de l'UDB ne furent
pas sensationnels, mais lorsqu'Elie Baussart pénétra dans notre
classe le lendemain des élections, il fut chaleureusement applaudi
par les élèves.
La dernière fois que je l'ai rencontré, c'est au Congrès National
pour l'Apostolat des laïcs, à une date que je n'ai plus en mémoire.
Alors que rien ne l'y obligeait, il me présenta, en toute simplicité,
sa seconde épouse. Une réalité que l'on a dissimulée dans le
film qui fut projeté à Charleroi lors de la création de la Fondation
Elie Baussart. A mon sens, il n'avait pas besoin de cette hagiographie…
Elie
Baussart, pour moi, c’était ….
Jena-Pierre SOTTIAUX
C’était mon oncle ; il était le mari (en secondes noces) de
la sœur de mon père, qu’il avait mariée en 1953.
J’étais un élève difficile, au collège du Sacré Cœur de Charleroi.
Dès ma 6° primaire, en 1960, j’étais en révolte contre les «
bons pères » et leur foutue éducation élitiste. J’étais en punition
(on disait « en retenue ») toutes les semaines, tantôt pour
un professeur, tantôt pour l’autre. Mes relations avec le Collège
se dégradaient d’année en année, et l’inévitable finit par arriver
: on menaça de me renvoyer.
Mes parents – qui eux vénéraient les bons pères, n’ayant jamais
pu faire les études dont ils rêvaient et pensaient que les Jésuites
pouvaient le donner à leur fils la meilleure éducation possible
– allèrent implorer les autorités, - préfet, recteur,titulaire
- de me garder.J’allais m’amender, c’est promis !
Les Jésuites se souvinrent que mon oncle y avait été un professeur
écouté, et rapportèrent la décision à condition que je sois
suivi dorénavant par Elie Baussart toutes les semaines.
Je ne le connaissais guère ; je le voyais bien aux réunions
de famille, mais il apparaissait comme un demi-dieu lointain,
avec sa longue barbe blanche et ses propos érudits.
Je le voyais bien parfois sur le marché de Charleroi, le dimanche,
monté sur une caisse et faisant le prêche à qui voulait l’entendre,
un peu comme on le voit encore maintenant à Hyde Park. Je l’entendais
aussi de temps à autres sur Radio Hainaut, car « il causait
dans le poste ».
Je commençai donc à monter toutes les semaines voir mon oncle
avec mes bulletins, au début, pas très rassuré de penser que
j’y allais en punition.
La première chose qui frappait, en entrant, c’était la bonne
: une vraie bonne comme dans les histoires bourgeoises, qui
se tenait à la cuisine, venait vous ouvrir et, quand on était
à table, répondait à l’appel de la sonnette pour apporter les
plats ou desservir.
L’émerveillement venait de suite après, quand on pénétrait dans
sa bibliothèque : toute une grande pièce, tapissée sur tous
le murs de livres, d’en bas jusqu’en haut, et même dans l’escalier
qui montait de là aux étages ; à l’heure de l’internet et de
la profusion de connaissances étalées, on a pas idée de ce que
pouvait représenter, pour un adolescent comme j’étais, de pénétrer
dans une pareille caverne d’Ali Baba toute entière consacrée
au savoir et à la lecture.
Dans cette bibliothèque, la diversité des ouvrages n’avait d’égale
que leurs qualités. Il y avait une grande ouverture d’esprit,
et, dans l’atmosphère catholique conservatrice de l’époque,
il y avait au contraire chez lui ne diversité d’ouvrages extraordinaire.
J’y ai lu par exemple mon premier « Jean-Paul Sartre » ( la
P… respectueuse) que les Jésuites nous avaient soigneusement
caché.
Ce qui était aussi frappant, c’était l’espace accordé à Charles
de Foucauld ; il y avait de lui une grande photo en noir et
blanc, maigre et illuminé quand il était au désert. Ce n’est
que plus tard que j’appris qu’il animait une fraternité, espace
de partage se réclamant de l’esprit du maître.
En fait, très vite il a dépassé le contrôle simple de mes bulletins
pour m’aider à découvrir à la fois des auteurs et des courants
de pensée, mais aussi m’aider à me découvrir : le bulletin et
les commentaires du travail scolaire, c’était dix minutes vite
passées, après quoi on passait aux choses sérieuses.
Curieusement, cette méthode s’est avérée efficace, puisque mes
résultats étaient meilleurs, et surtout, j’avais compris qu’il
y avait d’autres combats à mener. Je terminai calmement mes
études secondaires sans plus de punitions, avant d’entrer à
l’Université …( encore chez les bons pères, à Namur, où je repris
le combat, fomentant même avec quelques autres la première grève
au sein des facultés de Namur … mais ceci est une autre histoire
! …)
Après son décès, ma tante veuve était fort seule, et nous nous
relayions à quelques uns de la famille pour monter à Loverval
passer les soirées et dormir la nuit. J’ai aussi le souvenir
de plusieurs périodes de « bloque » passées là. Le calme serein
de la maison était la principale qualité que nous y trouvions.
Pour moi qui habitais à Marcinelle, le long d’une grand-route
et à côté de la gare de formation de Charleroi, c’était pur
bonheur. Et c’est aussi ainsi que j’ai pu découvrir plein de
choses que je ne connaissais pas sur mon oncle en musardant
dans sa bibliothèque et dans son bureau. Le plus étonnant pour
moi était son engagement syndical : n’avait-il pas créé le syndicat
d’employés ? Il est ainsi à l’origine de mon engagement.
Et puis, en fouinant dans ses affaires je me souviens de l’étonnement
de voir la correspondance échangée avec de grands noms de l’Europe,
Tolstoï, Barrès, Léon Bloy par exemple ; le tout en français,
mais aussi en anglais ou en allemand : c’était avant la lettre
un européen convaincu, et un grand pacifiste militant.
C’est cela que je retiens au fond de lui, ce mélange curieux
de vie bourgeoise calme et d’engagement militant pointu et déterminé.
Son exemple reste précieux et vivant.
A Arlon ce 1° avril 2005
DOCUMENTS/REFLEXIONS
Si le contexte historique dans lequel Elie BAUSSART écrivit
ceci, voici 50 ans (disparition de l’Union soviétique et multiplication
par trois de la population du Tiers-Monde) a changé, force est
de constater que les dangers sous-jacents qu’il pressentait
à ces situations restent d’actualité. Le Moyen et le Proche
Orient sont toujours une poudrière et le dossier des prétentions
nucléaires de l’Iran en est, avec la question palestinienne,
l’exemple le plus frappant. L’Asie et l’Afrique risquent à tout
moment d’emprunter des chemins qui sont loin des valeurs auxquelles
Elie BAUSSART fait allusion, la précarité aidant, quand ce n’est
pas déjà fait.
« Le Moyen et le Proche Orient sont plus que jamais un point
névralgique de l’heure et le lieu de l’affrontement de l’Occident,
de plus en plus contesté et menacé dans ses intérêts, d’une
part et, de l’autre de la Russie soviétique, désormais implantée
dans la région »
« Les dés sont jetés et la poussée d’un milliard d’hommes qui
peuplent les pays sous-développés d’Asie et d’Afrique font déjà
basculer la vieille Europe et les Etats-Unis moins jeunes qu’on
ne croit : une époque commence qui fera sa civilisation. Notre
dernière chance sera d’y incorporer les valeurs millénaires
dont nous avons le dépôt »
Nous ne pouvons qu’espérer pouvoir incorporer ces valeurs auxquelles
une ASBL comme la nôtre tient par dessus tout et que sont, en
un mot, les Droits de l’Homme. Mais rien n’est moins sûr quand
on voit monter les extrémismes de tous bords et leur lot d’intolérances.
C’est le cas au bout du monde, c’est le cas devant notre porte
: pour les élections communales prochaines, un transfuge du
VLD, Hugo COVELIERS, et Filip DEWINTER, figure de proue du Vlaams
Belang, vont constituer à Anvers un cartel avec à son programme
des quotas de jeunes d’origine étrangère dans les écoles et
les logements sociaux (15%) et l’interdiction pour tout étranger
de s’installer dans un quartier où y vivraient déjà 20 % des
leurs. Pas sûr que d’aucuns, au sud du pays, ne partagent de
telles vues...
Jean
LEGIEST, une vie pleine d’espérance. (02/04/45- 05/01/06)
Jean DORZEE
1. Un « bon » vivant et surtout un « bien » vivant.
Nous l’avons vu si souvent sur son scooter, sillonnant, par
tous les temps, le Pays de Charleroi (pays que je, (il) préfère).
Il répandait à tous vents, dans tous les milieux, celui des
travailleurs surtout, la Bonne Nouvelle, l’Evangile.
Notre monde déboussolé, exploité par des puissances maléfiques
en avait bien besoin.
Ces puissances, il les dénonçait dans ses réunions, ses écrits
avec un franc-parler, une crudité de langage, un souci de vérité,
qui choquait parfois les âmes trop sensibles.
Rien ne lui échappait, aucune structure apparente, qu’elle soit
d’Eglise ou de la société laïque. La haute finance était une
de ses cibles. Il la connaissait bien car une fois par semaine
cet hyperactif se réfugiait dans le silence de son bureau pour
étudier en profondeur- c’était un intellectuel- les arcanes
de notre société et y déceler les causes de l’exploitation du
plus pauvre.
N’allez pas croire qu’il vivait seulement dans les hauteurs
de la pensée et d’une spiritualité désincarnée. La tête dans
les étoiles, bien sûr, mais les deux pieds sur terre. C’était
un réaliste. Son corps trapu, sa face rebondie n’aurait pas
déplu à Rabelais. Après une réunion sérieuse, on pouvait le
voir à « Notre Maison » dégustant une (ou… deux) « Orval »,
secoué d’un rire franc, fruit d’une plaisanterie.
Nous l’avons applaudi dans des pièces de théâtre où, acteur
ou metteur en scène, il jouait une pièce où le rire l’emportait
sur les pleurs.
Un « bon vivant ».
Mais de quelle vie ? Un goût de vivre naturel, instinctif ;
sa constitution robuste en témoigne mais l’élan vital en lui
avait des racines plus profondes. La vie était pour lui un cadeau
divin, un don de Dieu. Et cet élan vital se rattachait à ce
Dieu d’amour, qui devenait ainsi finalement source de son activité.
Ce cadeau qu’il avait reçu, il voulait le communiquer par ses
paroles, par sa manière de vivre, par ses actes surtout.
En réaliste qu’il était, en évangélique qu’il était, en enfant
du Pays Noir, il aimait « en actes »
2. Et puis, tout à coup, le crash.
Heureusement que derrière le plaisir d’agir, de vivre, de donner,
il y avait une source plus profonde qui l’animait car brusquement
le « crash » survint : un cancer, cette bête sournoise peu à
peu le mina et le décomposa.
Fini cette face rebondie, fini cette corpulence. Un corps décharné,
un teint terreux. Fini le contact avec les autres, lui si social,
si sociable. Finies les balades sur son scooter. Une souffrance
lancinante et puis violente le taraudait.
Des heures sombres, des moments de révolte, de désespoir, de
doutes profonds.
Il a du puiser au plus profond de lui-même pour tenir le cap
de l’espoir. Il a du s’appuyer sur la grâce de Dieu.
Lui qui avait tant entrepris, il a du apprendre à accepter à
accueillir d’autres aspects bien noirs de la vie.
Dieu seul, témoin secret de ces luttes sait ce qu’il a enduré.
Mais finalement l’espoir, la vie l’ont emporté. La preuve, ces
écrits en fin de course qu’il appela « Epitres de Jean aux philosophes
(qui cherchent le sens de la vie) et aux théophiles (ceux qui
ont trouvé ce sens en Dieu) », écrits où il décrivait la réalité
horrible qu’il vivait mais toujours accompagnée d’une pointe
d’humour, d’une source d’Espérance, indice chez lui d’un bon
sens mais aussi d’une foi profonde.
3. Et malgré tout cette petite lumière avant la Plénitude.
La preuve pour moi décisive que l’espoir, la vie l’a emporté
: lui-même l’a jugé ainsi. Il a voulu terminer sa vie par un
acte de reconnaissance, de remerciement au Dieu et à ses amis
et à sa famille qui l’avaient soutenu, les invitant à participer
– via les journaux- à une eucharistie dans le vrai sens du terme,
une rencontre joyeuse entre tous ceux qui partagent la même
foi en un Dieu aimant.
On est loin de ces cérémonies conventionnelles d’autrefois pleines
de draperies noires, de dies irae, de voiles noirs dissimulant
des tristesses vraies ou fabriquées pour la circonstance.
Il avait de qui tenir, d’un père et d’une mère exceptionnels.
Son père, mineur de fond, devenu secrétaire national des Francs
Mineurs, avait demandé – je ne sais s’il a été écouté il y a
50 ans- qu’on chante le Magnificat à ses funérailles.
« Le Seigneur fit pour moi de grandes choses » Jean était très
attaché à sa famille, à ses frères et sœurs et à ses amis.
Une vie pleine de contrastes, de contradictions comme toute
vie humaine aux prises avec des heures claires et joyeuses et
des heures sombres et pénibles.
Jean a vécu ces deux périodes dans une vie où la petite lumière
de la foi, de l’espérance et de l’amour constituait la toile
de fond.
Une vie si profondément humaine et divine inspirée par l’Homme-Dieu,
Jésus-Christ, auquel il était si attaché.
Les
réactions de certains à l’initiative du dépôt d’un projet de
Constitution wallonne.
« Pour le président du FDF, Olivier Maingain, le projet de "Constitution
wallonne" mérite de faire l'objet d'un examen attentif, même
s'il peut soulever nombre de questions, de réserves, voire de
critiques. Les termes "Constitution wallonne" sont impropres
mais ce projet de Charte fondamentale pour une plus grande affirmation
de la Wallonie dans l'Etat fédéral est une réponse nécessaire
au choix confédéraliste, voire séparatiste, de la plupart des
partis politiques flamands, affirme M. Maingain.
Cependant, pour lui, ce qui est regrettable dans la démarche
de ses auteurs, c'est de ne pas avoir privilégié une réflexion
préalable avec les Bruxellois francophones sur les principes
démocratiques fondamentaux qui doivent unir tous les Francophones.
Pour le président du FDF, il revient au parlement de la Communauté
française d'entamer un travail similaire qui affirmerait l'unité
de la Wallonie et de Bruxelles dans le cadre fédéral belge »
(LE SOIR du 15/05/06, d’après l’Agence BELGA))
…..
Les trois partis cdH, MR et Ecolo regrettent la rupture entre
les Francophones qu'implique ce texte. A leurs yeux, la priorité
réside dans le redressement économique de la Région wallonne.
Le cdH estime que le débat institutionnel n'est pas la priorité
du moment. Il met également en avant les dangers d'une telle
initiative. Il ne doit y avoir dans un Etat qu'une seule Constitution,
la Constitution nationale. Une telle initiative wallonne, en
mimétisme de l'initiative flamande condamnée par les francophones,
ne peut que déforcer leur position en perspective des nouvelles
discussions institutionnelles réclamées par les partis flamands,
ont dit les centristes. Le projet est aussi, selon eux, inadéquat
pour les francophones. L'idée d'une Constitution wallonne cautionne
implicitement une rupture au sein des francophones alors que
l'heure devrait être à la cohésion entre Wallons et Bruxellois,
ont-ils souligné.
C'est d'emplois dont la Wallonie a besoin, pas de littérature
constitutionnelle, a fait remarquer le chef de groupe MR au
parlement wallon, Serge Kubla. M. Kubla craint aussi que cette
proposition cautionne la démarche de Constitution flamande lancée
au nord du pays qui, dit-il, sera beaucoup plus musclée. Il
déplore également un projet de texte fondamental qui divise
les francophones plutôt que de les rassembler.
Les Verts sont du même avis. Ce n'est pas cela qu'il nous faut
pour le moment. La priorité, c'est le redressement économique
et social de la Wallonie, et la réforme de sa gouvernance. Cette
initiative ressemble plutôt à de la diversion. Je ne crois pas
qu'elle va faire remonter le PIB wallon, a lancé le député wallon
Marcel Cheron. Ecolo préfère favoriser une stratégie commune
francophone et bi-régionale. Les Verts avaient déjà regretté
l'absence de lien avec Bruxelles dans le plan Marshall, a rappelé
M. Cheron » (LE SOIR du 15/05/06, d’après l’Agence BELGA)
Elie
BAUSSART : vraiment, la servitude est-elle la condition de l’homme
?
Dans « Essai d’initiation à la révolution anticapitaliste »,
en 1938, Elie BAUSSART écrivait ce qui suit. Certes, la situation
géopolitique était tout autre, la seconde guerre mondiale montrait
le bout du nez et personne n’y songeait vraiment. L’U.R.S.S
n’existe plus. Mais comme les mots mêmes d’Elie BAUSSART sonnent
juste encore, quasi 70 ans plus tard…
« Que dire des conceptions bourgeoises de la propriété et du
travail, toutes deux demeurées païennes en dépit de vingt siècles
de christianisme, après que le moyen âge les eut cependant exorcisées
et converties ?
Dans la société capitaliste, le droit de propriété est absolu
et vous étonneriez fort un banquier ou un capitaine d’industrie,
voire un simple propriétaire, si vous lui disiez qu’il est,
devant la société, responsable de l’emploi qu’il fait de ses
biens. Devant la société ? Quelle folie ! C’est à peine s’il
croit devoir rendre des comptes à Dieu. Ne lui parlez pas d’un
contrôle de l’autorité sous forme, par exemple, de mesures législatives,
pour mettre fin aux déprédations de la finance ou des monopoles
: abus intolérable qui sent le bolchevisme à dix lieues ! …
La richesse, véritable divinité, est indépendante de l’homme
et de la société.
On l’adore, on la sert.
Tout comme la patrie des nationalismes, elle a sa fin en soi,
sa morale, sa beauté.
Rien de pus normal que, sous son règne, le travail de l’homme
soit traité comme une marchandise, soumise à la loi de l’offre
et de la demande.
« La science industrielle, répondait candidement un entrepreneur
à l’enquête de 1886 (N.D.L.R : sur la condition ouvrière, suite
à de multiples grèves et émeutes) consiste à obtenir d’un être
humain la plus grande somme de travail, en le rémunérant aux
taux le plus bas ».
Même sous la forme atténuée du libéralisme actuel, la pensée
reste la même : les luttes quotidiennes, âpres parfois, que
doivent mener les syndicats pour la défense ou l’amélioration
du contrat de travail en sont la preuve.
Cette conception de la propriété prolonge ou précède, selon
le point de vue, l’idée que nos contemporains se font de la
société et de la civilisation ; toutes deux participent de ce
matérialisme foncier qui pèse sur notre époque et auquel le
communisme, il va de soi, n’échappe pas.
L’hédonisme socialiste correspond étonnamment à l’hédonisme
capitaliste : entre le productivisme de l’U.R.S.S et celui des
Etats-Unis, nous apercevons une différence de degré, non de
nature. La suppression de la propriété n’a rien changé à la
finalité des actes, qui reste la même dans les deux systèmes
: l’homme est asservi à la production, ici, en vue du profit
accaparé pour une classe, là, par ordre de l’Etat hypercapitaliste,
détenteur et distributeur de tous les biens.
Vraiment, la servitude serait-elle la condition de l’homme
?»
(Editions de la Terre wallonne, 1938)
Charleroi,
vue par Elie BAUSSART.
Elie BAUSSART était un Carolo dans l’âme ; il a d’ailleurs
écrit sur sa terre natale de très belles pages. Ainsi dans un
opuscule publié en 1926 aux Editions de la Terre wallonne :
Charleroi et son Bassin industriel.
Certes, le décor a changé en 80 ans ; les plus âgés d’entre
nous, retrouveront avec une certaine nostalgie des paysages
aujourd’hui profondément transformés avec la disparition de
l’industrie charbonnière, puis le déclin de la métallurgie et
des verreries ; les plus jeunes s’essaieront, souvent avec bonheur,
à retrouver ici et là des traces encore perceptibles de ce qu’était
ce bassin industriel à l’époque de leurs grands-parents. Mais
les uns et les autres constateront que le « peuple » comme l’appelait
Elie BAUSSART est resté égal à lui-même. Et devineront, au travers
du portrait que Elie BAUSSART dresse des habitants de Charleroi,
le portrait de l’homme qu’il fut et reste pour ceux qui l’ont
personnellement connu et pour ceux qui l’ont découvert dans
ses écrits.
« La Sambre, dès son entrée en Belgique, court dans une vallée
étroite, de-ci, de-là, dominée par de hauts rochers gris et
ocre ou des escarpements boisés. Parfois, elle s’élargit : les
vallonnements adoucis succèdent aux lignes hérissées de tantôt
; une boucle de la rivière enclôt quelques métairies ou, comme
à Aulne, les ruines d’une abbaye jadis célèbre ; un hameau accroche
ses maisons de pierre au flanc du coteau ; des bois de tous
les verts assiègent la colline qu’ils animent de leur mouvante
frondaison.
Mais voici qu’à la hauteur de Marchienne la vallée s’étale
à gauche et à droite à l’approche des dépressions du Piéton
et de l’Eau-d’Heure, deux affluents de la Sambre qui, précisément
là, pénètre dans la région charbonnière. Désormais, pendant
plus de trois lieues, la rivière ne baignera plus de ses eaux
fuligineuses, que des vastes et denses agglomérations, rousses
et grises, piquées de hautes cheminées fumantes.
Gravissons une des collines, sur la rive droite de la Sambre,
d’où l’on découvre le pays, depuis Marchienne-au-Pont jusqu’à
Châtelet. Tandis qu’au-dessus de nos têtes, grincent les wagonnets
aériens qui transportent au terril les « crasses » du haut-fourneau
ou les schistes de la houillère proches, c’est, le long de la
Sambre et de la ligne Paris Cologne, un fouillis de construction,
un fourmillement d’activité dont la variété et la puissance
nous confondent. Blocs triangulaires des terrils flanqués de
l’armature grêle et élégante des charbonnages ; hauts-fourneaux
massifs qu’escalade la charpente des monte-charge ; aciéries
empanachées de flammes et d’étincelles ; laminoirs, tout en
fer, où ondulent de longs serpents violets ; gares de formation
grouillantes et fiévreuses ; routes trépidantes sous la course
rapide des tramways et des camions automobiles ; et, jetée en
travers, la Sambre dont le flot ralenti transporte des convois
de péniches. Tout cela, dans le hululement des sirènes, l’essoufflement
des locomotives, la pétarade des moteurs, le choc des rames
de wagons qui se heurtent, le claquement des fers que l’on décharge,
l’appel aigu des ouvriers, avec comme jeu de basses, le grondement
lointain des bloomings. Tout cela sous un dôme mouvant de fumées
grises, roussâtres, noires qui roulent, se bousculent et, bientôt,
s’effilochent…
Le soir, le paysage, travaillé par le feu, devient tragique.
Le ciel, incendié par les gerbes des convertisseurs, soudain
s’embrase ; de gigantesques constructions, dont les formes sont
capricieusement éclairées, dansent et s’étirent ; des flammes
paresseuses chancellent aux gueulards des hauts-fourneaux ;
les halls laissent voir par leurs baies rougeoyantes de lumière,
des demi-dieux qui, le torse nu, jouent avec le feu.
Spectacle étrange ! Spectacle merveilleux !
Et l’on se prend à songer. A l’effort de tout ce peuple qui
a édifié, au cours d’un siècle, cette immense cité du travail,
superposée elle-même à la souterraine cité de mines où, dans
la pénombre des galeries, peinent des légions d’ouvriers. A
la collaboration de l’esprit qui a conçu, calculé, dessiné ces
constructions, ces machines, et des bras qui ont réalisé dans
la pierre, la brique, le béton ou le métal la pensée de l’ingénieur.
…
Peuple de bonne humeur, le peuple carolorégien est déluré,
gai, caustique, ami de la bonne chère, avec un brin d’ostentation.
Des remarques narquoises rebondissent d’un seuil à l’autre ;
des apostrophes railleuses agrippent le compagnon au passage
; ici, un rire claque, sonore ; là une chanson égrène ses couplets
sentimentaux ou gaulois ; plus loin, une conversation animée
s’accompagnent d’exclamations et de gestes délibérés.
…
Peuple généreux et idéaliste, parce que généreux. D’avoir beaucoup
travaillé et beaucoup peiné, il sait le prix de la souffrance
et est compatissant aux misères d’autrui ; d’être exposé aux
dangers de la mine et de l’usine, il est toujours prêt à risquer
sa vie pour le prochain ; d’avoir subi les rigueurs de l’industrialisme
naissant, il rêve d’une justice et d’une fraternité idéales.
Peuple plein de ressource et qui n’a pas donné, encore, toute
sa mesure, pourvu que l’égoïsme et le matérialisme de l’après-guerre
ne finissent par énerver ses puissances d’enthousiasme et d’altruisme.
C’est au cœur même de cette agglomération et de ce peuple que
vit Charleroi, forteresse au XVII ème siècle, il y a un siècle
encore médiocre ville de province, aujourd’hui, capitale de
la plus grande région industrielle du pays, à laquelle elle
a donné son nom »
Quand
Elie BAUSSART était prof…
En 1913 était publié un opuscule signé Elie BAUSSART : La
Révolution belge de 1830 et l’Europe.
Cet ouvrage est intéressant à plus d’un titre. Sa date de publication,
tout d’abord. 1913, c’est un an avant le début de la 1ère guerre
mondiale. C’est un an tout juste avant que cette indépendance
dont va parler Elie BAUSSART soit anéantie pour la première
fois de sa courte histoire.
Ensuite, la dédicace : « A la mémoire de mon grand-père maternel,
volontaire de 1830, blessé devant Venloo. E.B » La page de garde
porte aussi, de la main même de l’auteur, une autre dédicace
: « A mon cher Robert SOTTIAUX , ce livre retrouvé, souvenirs
affectueux de l’oncle Elie. 24 novembre 1939 » Soit, ici aussi,
une année avant que l’Europe et le monde ne se retrouve à feu
et à sang.
Autre remarque intéressante : cet ouvrage est publié par la
Bibliothèque des Lettres françaises, Paris (V) mais a été imprimé
par « des ouvriers syndiqués » (sic) chez Jean DUPUIS, Marcinelle-Charleroi.
Enfin c’est une des premières publications d’Elie BAUSSART.
Il a 26 ans. C’est un tout jeune prof : il enseigne au sacré-Cœur
depuis à peine 4 ans, mais déjà il affiche son originalité.
Dans l’avant-propos, il écrit :
« Cet essai n’est pas l’ouvrage d’un spécialiste ; il n’apprendra
donc rien de nouveau aux érudits et aux curieux d’histoire.
Amené par mes fonctions à retracer à des jeunes gens le cours
de notre révolution contre le régime hollandais, il m’a paru
intéressant de la leur présenter, cette révolution, moins comme
une épopée belge que comme un fait européen.
Ce sont ces notes rédigées que je présente aujourd’hui ; elles
ne sont pas sans lacunes : certaines, involontaires ; d’autres,
préméditées, puisque j’ai parfois sacrifié à l’unité de mon
travail, plus d’un épisode notable en lui-même. Peut-être, toutes
modestes qu’elles soient et malgré leur insuffisance, contribueront-elles
à renforcer nos liens d’attachement à une indépendance qui nous
a coûté tant de sang, de souffrances et d’intelligence. E.B.
»
Qu’on se remette bien dans le contexte de l’époque, de la manière
dont s’enseignait l’histoire dans les manuels scolaires. Présenter
la Révolution belge moins comme une épopée belge que comme un
fait européen relève tout bonnement de l’inédit. Mais il y a
plus, à mon sens. Elie BAUSSART aurait pu se contenter de publier
un essai, pour un public averti. Du tout, il prend l’option
d’un ouvrage qui s’adresse à des jeunes gens et qui a donc une
visée éminemment pédagogique. Ceux qui ont connu Elie BAUSSART
comme prof soulignent cet aspect : un souci de partager son
savoir, de le mettre à portée du public visé. Tout comme ils
rapportent que, sur le fond, son approche des faits historiques
n’était pas sans lui causer des problèmes avec sa hiérarchie.
Un court extrait de l’ouvrage qui nous intéresse ici, et qui
montre à souhait combien Elie BAUSSART est avant tout un pédagogue
:
« Que l’on s’imagine notre situation en octobre 1830 : certes,
nous avions vaincu l’armée hollandaise envoyée pour nous contraindre
à l’obéissance et nous nous trouvions pour quelque temps à l’abri
d’une nouvelle tentative. Mais ce calme n’était que factice
: d’un côté, les menées orangistes encouragées, tacitement au
moins, par l’Angleterre bien disposée en faveur du prince royal
de Hollande, se donnaient libre cours ; de l’autre, le gouvernement
provisoire, comme plus tard le Congrès National, manquant d’autorité,
était impuissant à créer l’unité des esprits et des efforts
et à gagner la confiance du peuple exalté par ses victoires
et travaillé par les souvenirs, les idées et les projets les
plus contradictoires, parfois même les plus dangereux. A l’extérieur,
il s’agissait d’arracher notre droit à l’existence, non plus
par l’héroïsme de la mort préférée à la sujétion, mais par l’adresse
d’une diplomatie qui, pour son coup d’essai, avait à jouer une
partie décisive. Et à qui l’arracher ? Non plus à la Hollande
isolée et surprise, mais à l’Europe plutôt hostile qu’indifférente,
elle, dont nous compromettions la tranquillité et qui ne pouvait
enregistrer le fait accompli, sans modifier des traités, sorte
de charte internationale qui faisait sa sécurité et qu’elle
avait respectée avec une piété scrupuleuse.
Quel chemin à parcourir ! »
En quelques lignes et dans une langue accessible, voilà brossée
la situation politique dans laquelle se trouve la toute jeune
Belgique. Là où d’aucuns auraient eu besoin de pages et de pages,
lui se contente de quelques lignes mais d’une densité telle
qu’elles se suffisent à elles-mêmes. Pas étonnant qu’Elie BAUSSART
ait finalement laissé une telle empreinte sur les jeunes qui
ont eu la chance de le fréquenter.
Jean
VAN LIERDE (1926-2006), un insoumis parmi nous.
Agé de 80 ans, Jean VAN LIERDE s’est éteint
ce vendredi 17 décembre 2006. Membre fondateur de la Fondation
Elie BAUSSART, Jean était surtout connu pour avoir été réfractaire
au service militaire et avoir, par son combat, ouvert la porte
au service civil. C’était entre 1949 et 1952. C’est de cette
époque-là, d’ailleurs, que date son amitié avec Elie BAUSSART.
Nous avons reproduit dans nos « témoignages » des extraits de
leur correspondance.
Mais ses combats sont autrement plus étendus.
Durant la deuxième guerre mondiale, il participe à un réseau
de résistance, mais s’y profile comme non-violent. Il s’opposera,
par exemple, à la Libération, aux exécutions sommaires. Bien
que catholique, il fréquente les « rouges » de tous poils et
même les libertaires. C’était tout à fait inimaginable à l’époque
où les clivages étaient autrement plus rigides qu’ils ne le
sont de nos jours. Jean se définissait comme un militant chrétien
aux idées libertaires. « Sans maître, mais avec Dieu, dira-t-il
un jour lors d’une interview.
En 1949, il refuse d’être incorporé sous les
drapeaux. Trois séjours en prison ne modifient en rien ses convictions.
Finalement, les autorités militaires l’envoient au charbonnage.
En fait, au Bois du Cazier. On est en 1952. Six mois plus tard,
il est licencié pour avoir dénoncé les conditions épouvantables
de travail des mineurs et les risques encourus au Bois du Cazier.
Les événements lui donneront malheureusement raison, comme son
sait. De cette expérience, il tirera une brochure intitulée
« 6 mois dans l’enfer d’une mine belge ». Avec Jean, pas de
langue de bois : « Les journaux se battaient pour titrer à la
une, vanter la bravoures des charbonniers, l’héroïsme des gueules
noires... Puis, un jeune monarque flanqué de ses tuteurs nobles
venait redire combien la Couronne suintait de douleur à ces
instants, combien le Palais était accablé ».
Il se battra jusqu’en 1964, date de l’adoption
du statut de l’objecteur de conscience.
Anticolonialiste convaincu, il fut proche de
Patrice LUMUMBA, qu’il conseilla même jusque dans son discours
au Roi BAUDUIN. Après l’assassinat de LUMUMBA, il va publier
un opuscule où il dénonce l’hypocrisie de la Belgique en cette
affaire.
De même fut-il un sympathisant du F.NL. lors
de la Guerre d’Algérie et va-t-il organiser un réseau d’accueil
pour les déserteurs américains au Viêt-Nam.
Des années durant, il s’occupera du CRISP, Centre
de Recherche et d’Information Sociopolitique.
Sur le faire-part de son décès, une colombe
et un fusil brisé. Sous son nom, avant d’autres titres, celui
d’objecteur de conscience. Mais, pour nous, ce ne fut pas seulement
au service militaire. Mais à toutes formes de contraintes de
pensée. En fait, Jean VAN LIERDE était avant tout imprégné des
Béatitudes, et c’est à ce titre qu’il fut sa vie durant un insoumis.
Il va manquer à ceux qui l’ont connu. Il va
nous manquer. Il va surtout manquer à ce monde qui a encore
et toujours et plus que jamais un besoin urgent de ce type d’homme-là.
Quelques
extraits choisis du Manifeste pour l’unité francophone...
« Ne pas prendre au sérieux ce plan d’action (NDLR : du VLAAMSE
RAAD) serait aussi condescendant vis-à-vis des Flamands que
dangereux vis-à-vis des Wallons et des Bruxellois »
« D’où l’idée de remplacer l’Etat fédéral par une confédération
aux contours très lâches, laissant à la Flandre la maîtrise
de son dynamisme économique et des ressources qu’elle en tire
en lui conservant la haute main sur l’Etat central (ou ce qu’il
en resterait) et Bruxelles, capitale dont le bilinguisme imposé
est rentable en termes d’emploi et qui constitue, avec son statut
de capitale européenne une vitrine irremplaçable pour les entreprises
flamandes »
« La Flandre est donc, sans conteste, la plus prochaine victime
prévisible d’une récession économique majeure car les bases
de sa prospérité, insuffisamment diversifiées, ne sont pas saines.
Plus que d’autres, elle dépend de ses exportations. Elle sera
donc la première victime des délocalisations et du développement
industriel et commercial de l’Asie ».
« Les signataires pensent que, dans une semblable hypothèse,
la région wallonne et la région bruxelloise doivent former ensemble
une fédération solide, distincte de la Flandre, conservant entre
les deux régions de culture française une homogénéité dans tous
les domaines autres que les actuelles matières régionales ».
« Affirmer, dès lors, que la Wallonie est dépourvue d’atouts
économiques serait mentir. Mais il reste évident que l’addition
des forces wallonnes et bruxelloises serait très porteuse et
mettrait même la Flandre en difficulté »
« Sans la Wallonie, Bruxelles serait politiquement et linguistiquement
orpheline. Livrée à elle-même, sorte de vitrine de la Flandre,
bilinguisée à outrance, elle pourrait tout perdre, y compris
son statut de capitale européenne que la France n’a toléré de
lui concéder que parce qu’elle relève de la Francité universelle
».
« Dans l’offensive flamande, le schéma qui recueille les préférences
est celui où se créent une Wallonie et une Flandre autonomes,
Bruxelles, rattachée en fait à cette dernière disposant d’une
sorte de statut de protectorat, provisoire ou révocable, le
tout relié de façon très lâche au sein d’une sorte d’Etat confédéral,
vidé de quasi toute substance.
Dans cette optique, un moratoire réduit peu à peu tout transfert
de solidarité vers la Wallonie (qui reçoit quelques promesses
immédiates destinées à l’amadouer) et la Flandre, débarrassée
de la pseudo-charge des transferts financiers, continue à occuper
au nom du bilinguisme, dans l’Etat confédéral et à Bruxelles,
tous les emplois publics et privés qu’elle a pris l’habitude
de squatter.
Autant dire, pour faire court, que la solution confédérale est,
pour les francophones la pire de toutes »
Une
carte blanche du SOIR en réaction au Manifeste pour l’unité
francophone.
Luckas VANDER TAELEN, dans LE SOIR du 29 mars 2007 réagit à
ce Manifeste dans une carte blanche intitulée : « Les francophones
doivent aussi faire l’effort d’examiner leur propre extrémisme
».
Il y développe l’idée selon laquelle, avec ce Manifeste, MOUREAUX
et SPAAK seraient sur un pied d’égalité avec les extrémistes
flamands.
Extraits choisis :
« Le texte de MOUREAUX et de SPAAK part de l’idée que la Flandre
veut devenir autonome. Ceci ne pourrait souffrir aucun doute
dans leurs têtes : les forces d’extrême droite et le milieu
des entreprises se sont unis, tout comme ce fut le cas en Allemagne
dans les années trente. Le ton de l’article est immédiatement
donné : sans le dire de façon explicite, les Flamands sont associés
aux nazis »
« Il est clair que SPAAK et MOUREAUX sont d’avis que les Flamands
ne possèdent pas ces qualités exceptionnelles du peuple wallon
et bruxellois et qu’ils n’ont pas leur place au sein de la nouvelle
fédération. Ceci est du racisme dissimulé : des qualités positives
sont attribuées à un peuple, que l’autre peuple ne possède pas.
Ainsi se crée une image ennemie. Et pour rester dans le style
des auteurs : cette technique-là a déjà été utilisée dans les
années trente en Allemagne »
« Il est grand temps que l’on montre du côté francophone que
l’on n’est pas d’accord avec ce genre de fanatisme fondamentaliste
et que l’on ose renvoyer le délire raciste de SPAAK et MOUREAUX
là où il a sa place : à la poubelle ».
Le texte est illustré par une caricature de ROYER où l’on voit
un coq se regarder dans un miroir et y percevoir l’image d’un
lion.
Chacun appréciera… Quant à nous, nous renvoyons à notre éditorial
du BULLETIN n°34.
Réponse du berger à la bergère
: notre Manifeste est le contraire de l’extrémisme.
La réplique ne s’est pas fait attendre : Serge MOUREAUX et
Antoinette SPAAK signent un carte blanche dans LE SOIR du 2
avril 2007.
Rappelant que ce Manifeste ne vaut que si la Flandre impose
au pays le séparatisme ou le confédéralisme, ceux-ci déclarent
: « pour M. VANDER TAELEN, il est formellement interdit aux
francophones (sous peine d’être taxés de racistes) de tenter
de décoder posément les objectifs du mouvement flamand et de
ses représentants politiques et surtout de faire la démonstration,
chiffres à l’appui, des faiblesses qui caractérisent une Flandre
indépendante, pour autant qu’en face d’elle se constitue une
fédération Wallonie-Bruxelles ». Et de rappeler à ce sujet,
par exemple, que « le produit intérieur bruxellois est deux
fois supérieur à celui de la Flandre » et que « près de 10%
des travailleurs flamands doivent leur emploi à Bruxelles ».
Les auteurs de la carte blanche font le constat que la majorité
de la classe politique flamande ne souhaite sans doute pas un
séparatisme pur et dur, mais opterait plutôt pour un confédéralisme.
Or celui-ci « asphyxierait la Wallonie et Bruxelles » et de
conclure en ces termes : « notre propos, qu’il faut lire à tête
reposée car il est argumenté et fondé sur des réalités incontournables,
est tout le contraire d’un propos fanatique ».
(N.B. Le texte intégral du Manifeste est disponible sur le
site www.unitefrancophone.be)
A
propos d’Elie BAUSSART : des avis éclairés.
« Etre un chrétien convaincu et défendre, en même temps la
cause wallonne, n’a pas toujours été évident. Et pouvait même,
jusqu’à une époque récente où le PSC s’est plus ou moins wallonisé
poser un cruel dilemme. Surtout lorsqu’on ne peut supporter
le poids du monde catholique flamand et, par exemple, sa puissante
aile agricole, le Boerenbond...
Elie BAUSSART n’a jamais vraiment hésité. Ce Couillettois d’origine
qui enseigna pendant 45 ans au collège des Jésuites à Charleroi
a toujours veillé à révéler la Wallonie aux Wallons tout en
essayant de dialoguer avec la Flandre si c’était possible. Et
ce qui n’était pas possible au sein de la famille catholique,
il le réalisa à travers Forces nouvelles puis au sein de l’Union
démocratique belge (trop éphémère expérience travailliste de
l’immédiat après-guerre) avant de venir un militant très actif
de Rénovation wallonne et du Congrès national wallon.
Mais au-delà du militant wallon, les historiens voient aujourd’hui
en lui l’un de ceux qui ont défini le Mouvement wallon comme
un humanisme à l’heure de son engagement contre le fascisme
au service des libertés et de la démocratie » Christian LAPORTE.
LE SOIR du 01/06/1993.
« Elie BAUSSART, que j’ai rencontré étant plus jeune, a été
un de ces personnages prophétiques qui ont senti que la Wallonie
et le Monde étaient soumis à un changement, qui ne devait pas
être réduit aux mouvements économiques et politiques habituels
dans l’histoire du Monde » . Jean RAY, au cours d’un exposé
à la Fondation Elie BAUSSART le 16 janvier 1988.
« Ce que la pratique d’Elie BAUSSART nous enseigne c’est que
la pédagogie gagne à ne pas être scolaire. A ne pas s’enfermer
dans les murs des établissements scolaires, à ne pas enseigner
des savoirs qui ne servent qu’à l’école, mais au contraire à
former d’amblée à une action de transformation de la société
en passant par l’écoute des autres et le respect de leurs points
de vue ». (Père Jean-Paul LAURENT, directeur du Collège du Sacré-Cœur,
Colloque Elie BAUSSART, le 16 janvier 1988)
« L’humanisme d’Elie BAUSSART – qu’il voulait intégrer dans
une vie chrétienne- en a fait l’homme des paris plutôt que l’homme
des défis : comme écrivain, comme journaliste, comme observateur
politique et comme professeur ! Car il fut à la fois professeur
au Collège des Jésuites et en même temps formateur de militants
ouvriers ! En ce temps-là, c’était un paradoxe ». Emile HENRY,
bourgmestre ff. de la Ville de Charleroi, séance d’hommage à
Elie BAUSSART, le 16 janvier 1988)
« Son message de chrétien, de démocrate, de militant syndical,
d’humaniste, de wallon, de pacifiste reste d’actualité. C’est
pourquoi, nous avons voulu créer le FONDATION ELIE BAUSSART,
pour poursuivre dans la même perspective l’éclairage qu’il a
donné aux faits de son temps » (Alfred CALIFICE, Ministre d’Etat,
Président du Comité du Centenaire. Le 16 janvier 1988)
« Il a été la racine de ce qu’il y a de meilleur et de plus
progressiste dans le monde, le respect de l’Homme. Et il peut
encore être l’inspirateur de tous ceux qui considèrent que l’Homme
est une valeur centrale ». (Jean DORZEE, LE RAPPEL des 16 et
17 janvier 1988)
Appel
à un nouvel état de culture, un nouvel humanisme.
Lorsque que Elie BAUSSART écrit son « Essai d’initiation à la
Révolution anticapitaliste », en 1938, la seconde guerre mondiale
se profile à l’horizon. Cet anticapitalisme dont il parle est
porté à l’époque par deux grandes idéologies : le communisme
bien installé en U.R.S.S sous la coupe de Staline et le fascisme
avec pour modèles l’Italie de Mussolini et l’Allemagne de Hitler.
Lui, foncièrement anticapitaliste, propose une troisième voie,
celle d’un nouvel humanisme. Si ses propos ne peuvent évidemment
être déconnectés des événements d’alors, et si parfois sur le
fond comme sur la forme, il y a plus que des nuances à apporter
précisément en raison de l’évolution de l’Histoire, ils restent
terriblement prophétiques à l’heure où les citoyens s’interrogent
sur ce que devrait être le modus videndi idéal, celui en tout
cas qui soit réellement au service de l’Homme. Ecoutons-le…
« Ne médisons point de ce qui fut : l’œuvre de l’homme est
trop grande depuis qu’il est sur la terre, ses luttes sont trop
héroïques, son ascension – quels que soient les chutes et les
retours qui l’aient marquée- trop certaine, pour que, au total,
nous n’admirions pas cette longue épopée.
Des civilisations nous ont faits ce que nous sommes : nous portons
en nous leur héritage, dans nos idées, dans nos moeurs, dans
nos oeuvres.
Nous ne renions rien de ce qu’elles nous ont laissé de beau,
de grand, d’utile.
Et nous voulons les continuer, ces civilisations, ou plutôt
les enrichir, sans tomber dans leurs erreurs.
Cela s’annonce comme certain. La vie et la pensée de notre époque,
l’appel des véritables élites, la conscience obscure des masses
sont grosses d’un nouvel humanisme.
Nous choisissons à dessein ce mot d’humanisme, afin de marquer
les liens avec le passé, mais surtout pour désigner un état
de civilisation qui soit fonction de l’homme, respectueux de
l’homme, au service de l’homme, dans lequel l’homme puisse en
toute liberté se réaliser.
Le travail auquel l’homme est voué, doit le faire vivre. Vivre
comme un homme. Il est sa dignité. L’argent, moins que quiconque,
doit prévaloir sur le travail, ou, si l’on veut, sur le service
qui est la forme concrète que prend le travail. Au travail,
les responsabilités, avec leurs charges et leurs honneurs.
Le citoyen est libre dans l’Etat. Le ce citoyen n’est pas un
dieu. L’Etat non plus. Ni la race, ni la langue, ni la classe.
Le citoyen en possession de tous ses droits, est fidèle à tous
ses devoirs : le citoyen, père de famille, producteur, consommateur,
membre d’une communauté religieuse, civis enfin.
…
L’homme a droit à la culture. Celle-ci n’est pas un luxe, ni
un privilège. Elle vient couronner, en l’achevant, l’idéal humain.
La culture a ses racines non seulement dans le passé et dans
le sol, mais dans le peuple : celui-ci doit y trouver son image,
elle doit en être l’expression.
…
La vraie culture est populaire, dans tous les sens : accessible
à tous, voix de tous, joie de tous. Humanisation de tous. Elle
crée son style : dans la vie, dans les lettres et les arts,
dans la cité. Les nations meurent, les Etats sont depuis longtemps
oubliés, ses œuvres échappent au naufrage : les voici comme
un témoignage, un instant fixé dans l’immarcessible beauté de
l’histoire des hommes.
Et donc plus que d’un modèle de société (dont il ne souffle
mot n’ayant aucune vocation à jouer les idéologues), c’est d’un
état de société dont nous parle Elie BAUSSART. D’une révolution
culturelle, des mentalités, citoyenne dirait-on de nos jours
avec le sens donné aujourd’hui à ce mot. Et avouons-le, trois-quarts
de siècle plus tard –une vie d’homme avec l’espérance de vie
qui est désormais la nôtre- il y a toujours du pain sur la planche.
Puissions-nous, là où nous sommes, apporter notre pierre à d’édification
de cet « état de civilisation » auquel rêvait Elie BAUSSART,
auquel nous rêvons tous finalement mais parfois trop béatement.
Témoignages
d’anciens élèves.
1. Témoignage de Jean DEBELLE.
Jusque là, l’histoire était pour moi, comme pour beaucoup,
une succession de noms de « Grands » de ce monde, qui ne valaient
pas tripette, disait-il, d’événements, de guerres surtout, plus
rarement de traités de paix.
Avec Elie BAUSSART, émergeaient de l’ombre ces milliers de gens
sans nom, sans histoire, depuis les esclaves de Rome aux Juifs
du Moyen Age, ces milliers de visages inconnus qui ont bâti
ces villes, ces cathédrales, qui ont hélas et malgré eux fait
ces guerres !
Sans doute cela me préparait-il lointainement à être touché
par ce cortège, cette foule marchant pleine d’espoir vers la
cité de l’avenir (c’était au Trocadéro le 17 octobre ’87) alors
qu’ATD Quart-Monde fêtait ses 30 ans d’existence. Il l’avait
bien vue, lui, traversant les siècles, cette marée humaine encore
et toujours mal aimée de notre terre inhospitalière.
Avant de partir au noviciat chez les Jésuites, j’éprouvais
le désir d’aller lui dire adieu, de lui rendre visite chez lui
à Loverval, là où très régulièrement à une dizaine d’élèves
nous nous étions réunis pour des séminaires d’histoire.
Je ne sais plus ce que nous nous sommes dit ce jour-là. Par
contre je me souviens très bien à 37 ans de distance qu’au moment
de nous quitter, sur le pas de sa porte, il me prit dans ses
bras et me serra chaleureusement tout en me souhaitant bonne
route !
Cela me marqua ! Je n’avais pas l’habitude d’avoir avec mes
anciens et vénérables professeurs un tel contact.
2. Témoignage de Jean MAYEUR.
Elie BAUSSART n’a pas été pour moi un « éveilleur » comme le
fut Henri VAN LIER par exemple mon professeur de 2ème latine.
C’est seulement à l’université que je pris goût à l’Histoire.
Elie BAUSSART donnait l’Histoire Moderne – une période bien
loin de notre époque- un petit cours de deux heures/semaine.
C’est l’homme qui m’a impressionné ! Comme tous mes condisciples
j’admirais cette personnalité très riche qui me dominait de
toute sa valeur sans nous écraser ; il respectait la personnalité
de chacun.
Un jour, à son cours, plongé dans la lecture du Roi Lear, j’étais
à des lieues de l’époque moderne, quand je m’entendis apostropher
à l’improviste par le maître déambulant comme d’habitude entre
les rangées de bancs : « Jean, que lis-tu ? ». Tout penaud je
répondis : « Le Roi Lear ». Sans hésiter une seconde il me dit
: « Continue ». De voir ce professeur qui tenait tant à son
cours s’incliner devant ce grand de la littérature m’a profondément
touché et marqué.
3. Témoignage de Jean-Pierre MASSAUT.
Comment exprimer cette influence d’Elie BAUSSSART, précise
par son intensité, mais diffuse par sa profondeur ?
Ce qui rendrait le mieux la force de cette présence, ce serait
peut-être le regard.
De ce professeur d’Histoire, de ce maître d’Humanité, je vois
le visage, j’entends la voix, je suis les gestes, j’ai connu,
partagé les idées, j’en ai vécu et j’en vis toujours. Et cependant,
s’il fallait choisir parmi les témoignages du souvenir, je choisirais
le regard. Et, d’emblée, la liaison est établie entre lui et
moi, indissociablement. Aujourd’hui comme hier, en nombre de
circonstances, je vois ces yeux s’allumer, ce regard me percer,
me solliciter. Je le vois m’inviter sans contrainte, indulgent
et impératif, lucide et audacieux, tendre et amusé, radieux,
étincelant.
J’ai rencontré et suivi ce regard en classe, dans les couloirs
du Collège, à l’arrêt du tramway ou dans le bureau de la villa
de Loverval où Elie BAUSSART réunissait ceux d’entre nous qui
désiraient prolonger les cours d’Histoire par du travail personnel
: lectures, exposés, discussions.
C’est là aussi qu’il m’a reçu, accueilli seul pour des heures
de conversation sur la politique, la religion, l’enseignement
; c’est là qu’il a bien voulu livrer quelques traits d’intimité,
quelques souvenirs personnels ; mais il a toujours refusé tel
« conseil » sollicité, qui eût porté atteinte à ma liberté ou
substitué à mon engagement personnel, responsable, une décision
extérieure, étrangère, à la fois alibi et abus de confiance.
Cet oeil de feu et d’humour rayonnait, étincelait en une sorte
de perpétuel clin d’oeil. Par ce regard, au premier coup d’oeil,
on se sentait « jugé », non pas condamné – jamais- mais compris,
accepté, reconnu, en toute vérité et en toute liberté, en ce
tréfonds où l’on ne peut biaiser. ON était rendu à soi-même.
Bien plus, le regard lumineux et mystérieux vous renvoyait toujours
au-delà de lui-même et au-delà de vous-même : au Tiers Présent,
à Dieu.
Elie BAUSSART enseignait l‘histoire, la vérité de l’humanité.
Cette humanité nous était donnée à voir telle qu’elle est, sans
tricher, jamais.
Nous comprenions bien que nous faisions partie de l’(histoire
que nous étudiions. Les hommes du passé, - les illustres et
les innombrables anonymes, - revivaient devant nous, proposés
à notre compréhension et à notre amour. Ils défilaient, ou plutôt
s’entrechoquaient, pécheurs, féroces, lâches, mesquins, mais
aussi magnifiques, héroïques, saints, - plus rarement !- Jamais
simples en tout cas, toujours ambigus, souffrants, peinant,
espérant ou désespérant, comme de vrais hommes. De ces hommes,
nous étions nous, ensemble professeur et élèves, solidaires
et comme contemporains, successeurs de ceux du passé mais prédécesseurs
de ceux de demain.
Dans cette longue et passionnante aventure, souffrante et exaltante,
l’absurdité du mal omniprésent n’était jamais esquivée et le
sens dramatique mais rédempteur de la liberté était toujours
reconnu.
Conquête par l’homme de l’Univers et de lui-même où se révélait,
en se faisant, la destinée de l’ humanité, qui est sa nature,
sa vocation.
Car si l’homme fait l’histoire, Elie BAUSSART nous a appris
aussi que l’histoire fait l’homme, ou plus exactement que l’homme
se fait dans une histoire.
Infiniment mieux que des discours, le regard d’Elie BAUSSART
signifiait ce monde où il nous a introduits – nous préparant
aux bouleversements que nous avons connus depuis 20 ans, et
spécialement à ceux que nous vivons aujourd’hui, pour ne rien
dire de ceux qui nous attendent.
En ce sens, c’est ce regard qui a allumé et depuis lors contribue
à entretenir ma vocation d’historien et de professeur.
Une certaine façon aussi de désirer être chrétien. Et la claire
conscience de n’y pas parvenir.
Voilà, me semble-t-il, l’essentiel de ce que fût pour moi mon
professeur d’Histoire, Elie BAUSSART, et quelle personne reflétait
son regard, sorte de sacrement de la communication.
4. Témoignage de Jacques NOEL.
Quelques traits tirés des notes de cours que j’ai conservées
:
A propos de la dualité belge :
« La Belgique est un territoire regroupant deux types de races
: des Wallons et des Flamands ».
« La dualité belge vient du fait du partage vertical sans tenir
compte des races, des cultures et des frontières naturelles
».
A propos de la question sociale et de la crise des années 1885-1886
qui donna lieu, de la part du professeur, à de longs développements
:
« Tout doucement, cette crise a suscité l’éveil du sens social
mais en charité et non en justice ».
« Il a fallu l’incendie des usines pour ouvrir quelque peu les
yeux des chrétiens sur la question sociale ».
Sans doute doit-on penser aujourd’hui que seul Elie BAUSSART
aurait pu, comme il l’a fait, nous expliquer la naissance de
la Ligue démocratique belge et de ce que certains ont appelé
alors « la guerre des deux droites » ; ce qui prouve que l’opposition
entre démocrates chrétiens et conservateurs catholiques a un
fondement historique réel et d’ailleurs toujours d’actualité.
D’autres développements s’attachèrent à expliquer et à justifier
la lutte pour la conquête du suffrage universel.
Elie BAUSSART ne se contentait pas d’exposer ; il expliquait
les événements avec le souci de faire comprendre.
Son cours n’était pas un simple cours d’histoire ; c’était un
cours d’éveil aux réalités politiques, économiques et sociales
de la Belgique dans lequel perçait çà et là la sensibilité particulière
du professeur.
Cela, cependant, ce n’est que bien plus tard que je l’ai découvert
lorsque, à la faveur de mes engagements et de mes lectures,
j’ai compris la véritable personnalité d’Elie BAUSSART.
A l’époque, en effet, nous vivions dans un environnement conditionné
par les traditions du monde catholique et nous n’aurions pu
comprendre l’exacte portée du message.
Cet environnement était aussi celui dans lequel cet enseignement
devait nous être dispensé. C’est dire combien ce rôle ; d’éveilleur
d’Elie BAUSSART fut inconfortable ; il n’en fut que plus grand
pour ceux qui, comme moi, ont pu avec le recul du temps décrypter
le message.
La
culture ouvrière: deux témoignages.
Dans l’entre-deux-guerres, Elie BAUSSART se dépense dans les
cercles d’études des militants syndicaux, mais de manière informelle,
répondant aux besoins au coup par coup. Après 1945, il fonde
l’E.D.E, l’Ecole des Délégués d’Entreprise où il donnera des
cours entre autres avec Y. de WASSEIGE (l’un des fondateurs
de la Fondation et toujours membre de notre A.S.B.L.). Puis
se fait jour l’idée de dépasser la seule formation syndicale
pour permettre aux militants d’atteindre un niveau de culture
plus étendu. Elie BAUSSART rédige la note de travail qui va
servir de base à la création de l’I.C.O, l’Institut de la Culture
Ouvrière, ancêtre de l’I.S.CO, Institut Supérieur de Culture
Ouvrière.
Ecoutons Gaston NITELET, ancien élève de l’Ecole des Délégués
:
« Un homme appelé Elie est passé parmi nous et nous a fait
découvrir la vie des travailleurs, leurs luttes, leurs souffrances
et leurs joies ; et voici vingt-sept ans qu’il est retourné
là où le Père l’a appelé (N.D.L.R : ce témoignage a été enregistré
en 1992).
C’était dans les années cinquante, j’étais jeune militant métallurgiste
à la C.S.C et nos permanents insistaient très fort pour que
nous suivions les cours de délégués d’entreprise qui avaient
une durée de quatre années. Nous avions comme professeurs A.
CALIFICE (N.D.L.R : lui aussi, l’un des fondateurs de la Fondation),
A. SEGHIN, Y de WASSEIGE, E. LECLEF, et bien d’autres dont j’ai
oublié les noms. Pour nous remettre en tête un peu d’histoire,
également celle de la classe ouvrière, nous avions Elie BAUSSART
et Jean NEUVILLE (N.D.L.R. : auteur de plusieurs ouvrages dont
Adieu à la démocratie chrétienne ? 1973).
Quand j’ai eu vu la manière dont il donnait son cours, ma première
réaction fut : qui est ce monsieur BAUSSART ? La réponse : un
professeur d’Histoire « aux Jésuites » à Charleroi. Je me suis
dit en moi-même, Collège Jésuites= Monde bourgeois. Ce professeur
doit donc être de ce bord-là. En fait, que vient-il faire dans
le monde ouvrier et encore plus à une école de Délégués ? Mais
après l’avoir côtoyé, je me suis rendu compte que mon jugement
était faux.
Elie BAUSSART, c’est une figure dont je conserve le souvenir.
Je le vois encore avec sa casquette et sa petite barbiche ;
un homme droit et bien tenu. Ce qui me frappa le plus chez Elie,
c’est sa franchise – son sourire- sa manière de voir les choses.
Il savait se faire respecter tout en étant accueillant. Il se
serait mis en quatre pour faire comprendre ce qu’il voulait
faire passer à ses militants. Deux, dix, vingt fois, il remettait
le travail sur l’ouvrage afin que les moins doués comprennent.
Il était là avant et après son cours pour écouter, renseigner,
documenter dans la plupart des domaines.
Il était l’ami de tous. Il était aussi, pour employer un mot
de maintenant, un chrétien convaincu, qui vivait sa foi, savait
la faire partager, sans être calotin ; il n’était pas d’accord
avec tous dans l’Eglise hiérarchique. Il savait aller vers les
travailleurs de la manière que le Christ allait vers les humbles.
Combien de fois, j’ai eu la chance de le rencontrer. IL savait
que j’étais jeune militant jociste et travailleur. J’ai toujours
reçu conseils, force et lumière pour pouvoir aller là où j’allais
porter la bonne nouvelle. Je l’ai connu un peu tard. J’ai découvert
en lui un chic type, un homme honnête, patient. Un homme qui
par tous les moyens avait le souci de faire monter les travailleurs
vers plus de justice, d’amour et de paix. Il bénéficie maintenant
de la vision céleste du Juste ».
Ecoutons aussi Simon CARCAN nous parler d’Elie BAUSSART lorsqu’il
donnait un cours d’Histoire à l’Ecole Provinciale de Service
Social, une institution socialiste en 1947/1948, à une époque
donc où il était rare qu’on « transgresse » de la sorte les
piliers de la société belge :
« Les cours ne passaient pas. Le maître volait trop haut sans
doute. Son enseignement passait au-dessus des têtes.
Les étudiants se groupant – une sorte de syndicat se forme-
et décident d’envoyer une délégation chez le professeur. Celle-ci
se dirige vers Loverval, pas très rassurée. Elie les reçoit
dans son bureau, leur offre des rafraîchissements et les met
tout de suite à l’aise : « Si vous êtes venus, c’est qu’il y
a quelque chose qui ne va pas. Expliquez-vous ». Et on s’explique
et on se met d’accord sur la nécessité d’être plus concret.
Les étudiants retournent chez eux enchantés. A partir de ce
moment-là, la glace est rompue, le courant passe pendant les
cours et l’année s’achève à la satisfaction de tous ».
Quand
Elie BAUSSART parlait de VAUBAN à Charleroi...
On fête cette année le 300ème anniversaire de la mort de VAUBAN
(1633-1707). Ce dernier est étroitement lié à l’histoire de
Charleroi. Elie BAUSSART, en 1926, écrit un opuscule aux Editions
de La Terre Wallonne : Charleroi et son bassin industriel. Il
relate l’histoire la forteresse à l’origine de la ville et cite
deux fois nommément VAUBAN. Il nous a paru intéressant de souligner
ainsi un aspect moins connu de Elie BAUSSART, celui d’historien.
Et de pédagogue, car on ne soulignera jamais assez la lisibilité
des textes de Elie BAUSSART…
« Qu’était, avant la construction de la forteresse, le village
de Charnoy? (NDLR : une rue porte aujourd’hui ce nom ; elle
est située derrière l’Eglise St- Christophe mais s’est appelée
longtemps rue Derrière l’Eglise et rue du Quartier St Christophe.
Le mot charnoy signifie en fait bouquet de charmes)
Représentons-nous la boucle convexe de la Sambre vers laquelle
se dirige un éperon schisteux piqué de touffes de bruyères et,
sur le plateau qui le couronne, des « sarts » en partie défrichés.
Une ceinture de bois où dominent les taillis, court de l’ouest
à l’est : le bois de la Garenne (ou bois Jambus), le bois de
l’Espille (la Broucheterre), le bois del Bol, enfin la haie
au Poirier, dont le vallon est arrosé par le ruisseau du Spiniat.
La population s’est établie sur l’étroite corniche qui sépare
la Sambre de la montagne et spécialement au bas du versant occidental
de celle-ci : la rue de Dampremy, la rue des Tonneliers et les
hauteurs derrière la Maternité (NDLR : à l’époque où Elie BAUSSART
écrit ces lignes, la Maternité est sans doute celle qui se trouve
rue de la Science, celle de la Reine Astrid aujourd’hui disparue
n’ayant été inaugurée qu’en 1937). Les 40 manants et 3 veuves
qui, avec leur famille, la composent en 1602, occupent des maisonnettes
au toit de chaume, serrées pour une moitié en bordure de la
mauvaise route qui, longeant la rivière, joint la route de Gosselies
à celle de Montignies. Aucune cense (N.D.L.R : ferme): les habitants
fabriquent des clous l’hiver, s’occupent de culture, à la belle
saison, pour leur propre compte ou pour celui d’autrui.
La Sambre avait, alors, un cours extrêmement irrégulier : presque
à sec en été, elle débordait facilement l’hiver. (ND.L.R : les
inondations étaient encore courantes à l’époque où furent écrites
ces lignes et ne cesseront vraiment qu’en 1937, date de la canalisation
de la Sambre et de la suppression d’un de ses bras). La navigation
y était fort difficile et d’ailleurs intermittente. Un passeur
assurait les communications avec le village de Marcinelle, sur
la rive droite, appartenant à la principauté de Liège.
L’érection de la forteresse allait donner à ce village de 275
bonniers (un peu plus de 250 hectares) une place importante
dans le comté de Namur, en attendant que le développement industriel
de la région dont elle est le centre en fit la capitale du Hainaut
oriental.
Cette fortune, il ne la conquerrait pas sans peine.
C’est en prévision d’une guerre contre la France que l’Espagne
créa la place de Charleroi qui, dans la ligne des forteresses
qui fermaient les Pays-Bas, devait boucler la trouée Mons-Namur
et interdire l’accès de la vallée de la Sambre. Propugnaculum
patriae (NDLR : fortification, sécurité de la patrie) porte
la médaille frappée pour commémorer l’événement.
Les travaux étaient à peine commencés que la forteresse tombait
aux mains des Français (2 juin 1667) qui, se rendant compte
de son importance, chargèrent Vauban (N.D.L.R : c’est une des
plus veilles rues de la ville ; elle s’appelait jadis rue du
Magasin à Poudre) du soin d’augmenter et de perfectionner l’œuvre
du marquis de Castel Rodrigo. Le traité d’Aix-la-Chapelle (2mai
1668) consacra l’annexion.
Cette place forte, il s’agissait de la peupler, les travaux
de fortification ayant détruit, à l’exception de quelques maisons,
l’ancien village dont aucun habitant n’avait jugé profitable
de transporter ses pénates dans l’enceinte d’une ville exclusivement
militaire. A cette fin, Louis XIV octroya à la cité ses premiers
privilèges (août 11668). En 1676, il les étendit à la Ville-Basse.
Car, dans l’intervalle, un pont a été jeté sur la Sambre ( N.D.L.R
:à l’extrémité de l’actuelle rue du Pont de Sambre); pour la
défendre, on fortifie la rive droite de la rivière, absorbant
ainsi une partie du village de Marcinelle laquelle, désormais,
formera la Ville-Basse, par opposition à la Ville-Haute, constituée
par la forteresse proprement dite. Le quartier compris, sur
la rive gauche, entre celle-ci et la Sambre, est appelé l’Entreville
( NDLR : la partie basse de la rue de la Montagne s’appelait
jusqu’en 1860 Rampe de l’Entreville) ; c’est là que vont s’établir
les fabriques qui inaugureront le développement de la cité.
Charleroi cependant ne se peuplait guère. Quoi d’étonnant ?
En 1672, pendant la guerre de Hollande, les Pays-Bas deviennent
un nouveau champ de bataille. Charleroi est assiégée ou menacée
deux fois : en décembre 1672 et en août 1677 par le Prince d’Orange,
délogé, la première fois, par Montal, (NDLR : une rue porte
ce nom aujourd’hui) la seconde, par le maréchal de Luxembourg.
Malgré ces succès, la France ne pouvait songer à conserver la
forteresse dont la position avancée rendait la défense trop
difficile ; le traité de Nimègue (17 août 1678) la rendait à
l’Espagne. Quelques mois après en avoir pris possession, le
roi Charles II renouvela, pour une période de trente ans, les
privilèges de Louis XIV (14 août 1679). La même année, toujours
en vue de faciliter la vie économique de la ville, il institua
deux marchés hebdomadaires (NDLR : cette pratique a perduré
jusqu’à aujourd’hui) et trois franches foires, qui, d’ailleurs
ne furent tenues de longtemps à cause de la mauvaise volonté
de l’autorité militaire.
La situation générale était au surplus fort peu favorable. Pendant
la guerre de la Ligue d’Augsbourg, deux grandes batailles se
livrent dans nos environs immédiats (Walcourt, 1689, et Fleurus,
1691) ; Namur et Mons retombent aux mains des Français (1691).
On s’imagine ce que fut, avec le va et vient des troupes, la
vie à Charleroi et dans la campagne : ici, ce fut une dévastation
et une misère inouïes.
L’année suivante, Charleroi est bombardée pendant douze jours
: les dégâts sont énormes. Moins d’un an après, nouvel investissement.
Vauban dirige le siège : la ville, après avoir subi un feu violent
pendant vingt-sept jours, doit se rendre.
Des raisons politiques décidèrent Louis XIV à ne pas conserver
Charleroi et ses autres conquêtes dans les Pays-Bas (Traité
de Ryswyck, 20 septembre 1697). L’Espagne cependant ne devait
plus avoir sur notre ville qu’une apparence de souveraineté
: l’élévation au trône catholique de Philippe d’Anjou, petit-fils
de Louis XIV, allait permettre à celui-ci de faire occuper la
forteresse par une garnison française.
Triste période ! Toute l’Europe est en armes, coalisée contre
la France. Les Pays-Bas, une fois encore, sont un enjeu de la
lutte et un théâtre d’opérations. Dans la place de Charleroi
qui n’a pas eu le temps de relever les ruines accumulées par
deux sièges consécutifs, et dans les villages qui l’entourent,
c’est la disette, la misère, avec l’insécurité qu’elles provoquent...
»
Quand
ELIE BAUSSART se voulait poète.
Bernard DE COMMER.
C’est un aspect incontestablement moins connu de la production
littéraire de Elie BAUSSART. En fait, c’est essentiellement
avant la première guerre mondiale qu’il va s’essayer à ce qui
lui paraît alors comme sa vocation première ; il signe alors
étrangement EHLY BAUSSART.
En 1904, il envoie un premier poème – d’amour : il a juste
17 ans, intitulé Ginèh- à la revue L’Essor littéraire. Le texte
est refusé. Elie BAUSSART persiste. Le 4 mars, il propose un
texte à connotation religieuse – Simple Pensée-, lui aussi refusé.
En décembre, un troisième poème a plus de chance et sera publié
en février 1906. Il s’agit de L’Angelus (sic). Ce poème sera
repris dans la revue littéraire, très éphémère, car seulement
8 numéros sortiront de presse que fonda Elie BAUSSART en 1907
et qui avait pour titre L’Annonciateur, Revue littéraire de
combat. Il y publiera d’autres poèmes que L’Angelus : Clamavi,
Nox, Les Lapidés.
Même s’il finit par comprendre que sa voie, celle où il pourrait
exceller, n’était pas la poésie, il lui restera toujours très
attaché. Le Catholique qu’il dirigera un temps publiera des
inédits de Paul CLAUDEL, François MAURIAC, entre autres. Il
y défendra farouchement un auteur décrié par le monde catholique
: BAUDELAIRE et se Fleurs du Mal : « Si certains s’étonnent,
écrit-il en novembre 1910, de voir un catholique prendre le
parti de Baudelaire, il leur sera rappelé – et que cela leur
suffise- qu’il est de moindre justice de défendre une Artiste
véritable, contre les attaques de docteurs bâtés de savoir académique,
mais balourds et obtus devant une création originale qui échappe
aux classifications sans vie, et dès lors inutilisables. De
plus, le poète des Fleurs du mal – si calomnié et si mal compris-
est trop des nôtres et son œuvre palpite d’un accent de Foi
trop unanime- foi de damné sans doute- pour que nous ne nous
attachions à sa mémoire comme à celle d’un maître qui, en une
langue scripturale, a fixé le désordre de l’homme né chrétien
qui, égaré loin du chemin de la vérité, porte en lui, comme
une attestation vivante de l’Unité, la nostalgie de l’Amour
et de l’Espérance catholiques ».
Une telle prise de position suscita une terrible polémique,
au point de se voir taxer de « modernisme » par les autorités
romaines. Cela prête à sourire de nos jours, mais, à l’époque,
une telle qualification n’était pas bénigne. Si la revue Le
Catholique continua à être publiée, à partir de 1912 et jusqu’à
son extinction en 1914, elle ne put plus le faire que munie
de l’imprimatur. Et dès ce moment, plus aucun texte signé Elie
BAUSSART ne s’y retrouvera.
Willy Bal dans un opuscule intitulé Etudes de Littérature française
de Belgique, offertes à Joseph HANSE pour son 75ème anniversaire,
Editions Jacques Antoine, 1978 écrit : « Sa vie durant cependant,
E. BAUSSART gardera de son orientation première, la curiosité
et l’amour de l’œuvre d’art, le souci de bien écrire aussi bien
que le goût de la création littéraire, mais presque en secret,
car il laissera inédites la plupart de ses œuvres d’âge mûr,
n’en publiant que de rares sous le pseudonyme réservé à ses
plus profondes intimités ; Valentin DUCHATEAU ». En fait le
nom de sa première épouse, Valentine. On ne répertorie qu’un
seul poème publié postérieurement à la première guerre mondiale
: Prière du matin (La Terre wallonne, 1928).
Voici, à titre d’exemple, le 1er poème jamais publié par Elie
BAUSSART, en 1906 (il y a un bon siècle !) :
Angelus
Le matin estival anime la nature
Et la terre sourit aux baisers du soleil ;
La caresse du vent courbe la moisson mûre
Et l’oiseau de son nid annonce son réveil.
La fleur livre son âme à la brise qui
passe,
Le ruisseau paresseux clapote sous le bois ;
Il semble que des bruits s’essaiment dans l’espace,
Qu’une lointaine voix réponde à d’autres voix.
Les paysans joyeux dévalent par la plaine,
Une faux sur l’épaule et la gourde à la main ;
Les femmes, badinant, jasent à gorge pleine,
Les enfants attardés grignotent dans leur pain…
…Comme le flot qui meurt sur le galet
des grèves,
La moisson maintenant s’affaisse sous la faux ;
Cependant que, là-bas, en la tiédeur des drèves,
Une biche s’ébat en soufflant des naseaux.
Lorsque, dans le lointain que voile encore
l’aurore
Une timide voix semble monter aux cieux,
Elle rend hommage à Celui qu’elle adore
Et son âme d’amour éclôt en chant pieux.
Angelus ! Les faucheurs cessent leur
jeu rythmique,
S’agenouillent bien bas près des épis couchés ;
Tandis que les oiseaux, sur leur lyre magique,
Accompagnent le chant qu’égrènent les cloches.
Angelus ! Le parfum des fleurs immaculées
Monte vers le Seigneur comme un encens d’amour,
Tandis que le ruisseau, troubadour des vallées,
Semble apaiser ses flots pour prier à son tour…
L’influence de LECONTE de LISLE, entre autres, est indubitable.
Ceux qui, comme moi, ont fréquenté l’école primaire dans les
années 50 retrouveront dans ces lignes la même veine que celle
qui prévalait alors dans les manuels scolaires.
C’était un aspect mal connu d’Elie BAUSSART qu’il me semblait
pertinent, en tout cas, de révéler dans ce site.
Lettre
de Elie BAUSSART à Jean VAN LIERDE, datée du 27 juin 1952.
Dans ses « Carnets de Prisons » (Editions Vie Ouvrière, 1994),
Jean VAN LIERDE retranscrit une lettre de Elie BAUSSART ; à
cette époque, il effectue son « service civil » dans un charbonnage.
Un incident l’a opposé à un porion, lequel l’a copieusement
rossé. Sous prétexte de répandre des idées subversives, il est
licencié.
« Je suis passé tantôt à votre domicile pour vous dire à tous
deux (NDLR : à lui et à son épouse Claire), et à vous en particulier,
mon cher Jean, mon indignation et ma sympathie.
LEGIEST (NDLR : en fait, Joseph LEGIEST, père de Jean LEGIEST,
l’un des fondateurs de notre association) et l’abbé MONNON (NDLR
: lui aussi, l’un de nos fondateurs) m’ont raconté la sinistre
aventure : tant de brutalité, de lâcheté, d’hypocrisie. Je ne
sais ce qui me soulève le plus des poings de l’un ou de la dérobade
des autres à leur devoir d’homme. Quel document à verser au
dossier du régime qui écrase l pauvre sous son poids et lui
enlève l’élémentaire possibilité de se faire rendre justice.
Je croyais n’avoir plus rien à apprendre sur les rigueurs de
notre temps pour les faibles et les démunis. J’ai été malade
à entendre ce récit.
L’abbé m’a dit votre courage, mon cher Jean et votre constance
à tous deux : Dieu vous garde l’une et l’autre.
Je prie pour vous deux.
Elie BAUSSART.
P.S : Ne manquez pas, mon cher ami, de noter dans le détail
votre expérience (quelque chose dans le genre du journal de
Simone WEIL à l’usine). Quel témoignage le jour où vous donnerez
la parole aux misérables trop écrasés pour exprimer leur détresse
»
Jean VAN LIERDE suivra ce conseil. En 1953, il publiera un
opuscule intitulé « Six mois dans l’enfer d’une mine belge »,
véritable réquisitoire contre les conditions de travail des
mineurs. La catastrophe du Bois du Cazier en août 1956 devait
malheureusement lui donner raison.
LA
WALLONIE DOIT RECUPERER LES COMPETENCES DE LA COMMUNAUTE FRANCAISE
DE BELGIQUE (CFB), ET SE CONCEVOIR, ENTRE AUTRES, COMME PARTENAIRE
DE BRUXELLES.
L’option de la récupération des compétences de la Communauté
française (CFB) par les Régions est effectivement une pièce
capitale du puzzle de réformes institutionnelles qui serait
susceptible de permettre le retour à un équilibre viable, d’une
Belgique refondée.
Une remarque néanmoins : la récupération de toutes ces compétences
de nature culturelle par la Région Wallonne est effectivement
primordiale pour le redressement wallon, mais la même réforme
est tout aussi importante pour la Région bruxelloise.
Ce n’est qu’à la condition de la suppression - régionalisation
de la CFB, que pourront enfin se concrétiser le “rattrapage
” wallon effectif, comme le “rattrapage” bruxellois également.
Evidemment, la mise en oeuvre par les 2 régions, de la gestion
politique des secteurs complets de l’enseignement, de la culture,
des médias,etc…, ne pourra, dans la période de tâtonnement initiale,
s’effectuer sans difficultés de gestion, d’organisation, d’intégration
nouvelle dans la politique globale de la Région. Mais, bien
sûr, il vaudra mieux assumer cette période délicate de “rôdage”
d’une gouvernance nouvelle , plutôt que de continuer à croupir
dans l’actuel édifice institutionnel francophone, de forme “tordue”
dès l’origine !!
Ce dépassement définitif de la CFB aura, comme autres avantages
décisifs, de donner enfin corps à l’autonomie des deux régions.
Et, sur cette base, et seulement sur cette base, la politique
de collaboration étroite entre les 2 régions (chacune pouvant
alors bénéficier effectivement des atouts de l’autre), deviendra
enfin une réalité, et se développera dans la clarté à de multiples
niveaux ..pensons notamment au secteur de l’Université(simple
exemple).
Dieu sait en effet s’il est urgent d’articuler et de conjuguer
le potentiel universitaire wallon et bruxellois francophone
!.
Par ailleurs ,cette nouvelle politique universitaire pourra
aussi comporter certaines initiatives d’importance considérable
pour la réussite de la politique de redressement wallon, comme
p.ex. l’implantation d’une ou de plusieurs faculté(s) universitaire(s)
digne(s) de ce nom, au coeur de la première Ville de Wallonie
qu’est Charleroi!
Il ne sera en effet jamais trop tard pour réparer la faute cardinale
commise , lors du » Walen buiten », tant par l’U C L que par
le pouvoir socialiste carolorégien de l’époque, lorsque, dans
un ensemble presque parfait, ils tombèrent d’accord… pour priver
cette ville, ancrée au cœur de la Wallonie, de ce souffle universitaire
nouveau. !! Et, bien entendu, la réparation de cette faute,
jamais, ne pourrait être encore attendue , en cas de subsistance
de la CFB !
C’est la suppression - régionalisation de la CFB qui pourra
à la fois, mettre un terme à la privation historique injustifiable
de la métropole carolorégienne en termes d’institution universitaire
consistante et significative, et en même temps, permettre de
RE-FEDERER les bien trop nombreuses institutions universitaires
juridiquement indépendantes subsistant encore aujourd’hui en
Wallonie et à Bruxelles !!
Je parle de COLLABORATION et de COOPERATION entre Bruxelles
et la Wallonie; je serais en effet réticent par rapport à la
terminologie d’ “extension” de Bruxelles, en ce qui concerne
la Wallonie.
On voit bien de toute façon quel objectif de fond est visé au
travers de ces termes. C’est cet objectif-là qui importe; et
à cet égard, je préfère utiliser le concept de collaboration
interrégionale , car l’on respecte mieux , de cette façon, la
réalité des spécificités, notamment socio-culturelles, des deux
profils régionaux respectifs. Et cela ne compromet en rien les
potentialités de coopération, bien au contraire.
En outre, cela fait apparaitre, sous son vrai jour, la problématique,
-si présente dans l’âpre négociation actuelle, quoique de manière
latente-
à savoir celle de l’élargissement éventuel du territoire bruxellois,
voire le percement de la périphérie flamande au Sud-Est, lequel
offrirait un étroit corridor de continuité entre nos deux régions.
Selon moi, cette monnaie d’échange - tant utilisée par Mr Maingain,
mais de manière, à mon avis, stérile et illusionniste - (ce
qui est quand même, disons-le, une des causes majeures de l’actuel
blocage de la négociation de fond !), devrait être simplement
oubliée, délaissée, surtout parce qu’elle n’apportera en fait
aucun atout nouveau important pour la « remise sur orbite »
socio-économique tant de Bruxelles que de la Wallonie… !. A
moins que d’autres visées, moins avouables, ne soient présentes
en réalité derrière ce système de plaidoirie et de troc!..
Or c’est cette « remise sur orbite »qui est l’enjeu essentiel
à rencontrer pleinement, du côté cette fois uniquement francophone;
et cet enjeu est tellement essentiel que c’est évidemment la
prise en compte sérieuse de celui-ci qui est susceptible d’enrayer
en finale les ingrédients irrationnels déstructurants de la
logique de certaines revendications flamandes actuelles.
Je suis donc profondément d’accord avec une vision tri-régionale,
voire quadri-régionale, et fondamentalement partenariale de
la Belgique nouvelle ; ne parlons dès lors pas d’abord de «
Belgique francophone » mais plutôt de Wallonie-Bruxelles, et
de la suppression-régionalisation de la CFB, comme passage obligé
vers ce stade nouveau du (con-?) fédéralisme belge.
Cela implique donc qu’il faut s’opposer avec toute l’énergie
possible à la SUPERCHERIE-pourtant si souvent, hélas, mise en
avant actuellement, surtout au niveau de nos médias francophones
-grand public -, consistant à PRONER LA FUSION de la CFB avec
“la REGION” (sous-entendu : avec la Région Wallonne, - comme
si la Région bruxelloise, pour sa part,n’existait pas elle aussi!...)
.
Tout cela étant dit, ce qui doit nous inquiéter, nous simples
citoyens, soit wallons soit bruxellois francophones, c’est l’INDOLENCE
-sans doute,hélas, purement apparente et donc hypocrite! - avec
laquelle la plupart des négociateurs et appareils particratiques
francophones-écolos compris- EVACUENT carrément cette problématique
des réformes institutionnelles vitales purement intra-francophones,
de la réflexion stratégique d’ensemble à laquelle ils sont obligés
de se livrer actuellement, dans le cadre de la confontation
inter-communautaire,arrivée maintenant à son quasi-paroxysme!
Mais nous ne pouvons aujourd’hui en rester à cette simple analyse
et à cette appréciation, même si, pour ma part, je la trouve
consternante. En conclusion, en effet, je dirai ma conviction
que le temps est venu de faire entendre haut et fort, probablement
en s’appuyant sur de nombreux citoyens restés libres à l’égard
de la plupart des appareils politiques et médiatiques officiels,
par quels chemins rationnels, prenant réellement en compte les
perspectives d’avenir positif intéressant les gens de Wallonie
et de Bruxelles, il est temps que les protagonistes francophones,
çàd.wallons et bruxellois, de la négociation actuelle, fassent
avancer l’enjeu de la refondation de l’Etat Belgique, en oeuvrant
positivement à un approfondissement sérieux de la régionalisation
de celui-ci, tel que nous venons d’en proposer l’esprit et certains
principes essentiels, et cela, même si, de fait, il impliquera,
n’en doutons pas un instant, un lot conséquent …de déchirantes
révisions !
Yves WEZEL
Sept.2007
Un
petit air de « déjà vu » ?
Le texte « si j’étais député » que nous avons publié dans notre
bulletin en 1996, est signé de l’un des nombreux pseudonymes
utilisés par Elie BAUSART. Ici, celui de Jacques HENAULT. Il
parut pour la première fois dans Terre Wallonne le 30 novembre
1920. S’il doit être lu dans le contexte politique de l’époque
– la remise en cause par une certaine Flandre extrémiste de
l’accord militaire franco-belge - il n’en garde pas moins 86
ans plus tard, une petit air de déjà vu, comme un écho à nos
questions d’aujourd’hui, celle des concessions faites à la Flandre
depuis 30 ans qui n’empêcheront pas la désagrégation du pays
par « défaut de conscience commune », dira Elie BAUSSART et,
dès lors, la nécessité pour les Wallons de se prendre en mains.
Si j’étais député…
Nous n’avons pas accordé assez d’attention, en Wallonie, aux
débats sur la question linguistique, à la dernière réunion de
la Fédération des Cercles et Associations catholiques. Ils sont
cependant pleins d’enseignement.
Après qu’un député flamand (M.MOEYERSOEN d’Alost) eut publiquement
constaté que la jeunesse de son pays, poussée par la passion
flamingante, court rejoindre la frontpartij, deux autres représentants,
un Wallon et un Flamand, ont prononcé les paroles les plus alarmantes.
Pour MM. BRIFFAUT et THIBBAUT, le mouvement flamand est irrésistible
et, si on ne fait pas droit à ses aspirations, l’unité de la
Belgique court le plus grand danger. La Belgique n’en aurait
plus pour dix ans, aurait dit M.BRIFFAUT.
Il ne suffit pas qu’après cela M. SEGERS, le député d’Anvers,
qui n’est jamais à court d’un effet de voix, ni d’un poncif,
ait prophétisé l’apaisement grâce aux concessions faites, «
non aux Flamands ou aux Wallons, mais à la patrie » ; cette
tirade ne change rien à l’état des choses dont les honorables
députés ont prévu les dernières conséquences.
Peu de jours après, M. POULLET, « flamingant modéré », au dire
du Laatse Nieuws, faisait à la réunion de la droite la sortie
que l’on sait contre le ministère CARTON de WIART en gestation,
opposant à la politique étrangère du pays, la politique flamingante,
hostile à tout rapprochement quelque peu étroit avec la France.
On me dira que M. POULET n’a pas été soutenu dans la voie intransigeante
dans laquelle il s’engageait : stratégie parlementaire, courtoisie
confraternelle que tout cela. Les directives de M. POULLET en
matière de politique internationale sont celles de toute la
députation, de toutes les associations flamingantes, dont la
plus puissante, l’Algemeen Vlaamsch Verbond, dans sa réunion
de délégués du 24 octobre, déclarait « considérer l’accord militaire
franco-belge comme non avenu » (van geen kracht). C’est tellement
vrai que, dans le Standaard d’aujourd’hui (17 novembre), M.
VAN de PERRE donne comme mot d’ordre aux Flamands de faire bloc
autour de M. POULLET, en l’honneur de qui il souhaite une manifestation
populaire.
Voilà des faits. Qu’est-ce qu’un homme qui veut voir clair en
peut déduire ?
Du premier, que les Flamingants veulent imposer la réalisation
de leur programme minimum.
« La Loi sur la flamandisation de l’administration, s’écriait
M. VAN CAUWELAERT à Anvers le 31 octobre, est la première brèche
dans le système actuel… A la flamandisation de l‘administration
suivra celle de l’université de Gand, puis celle de notre armée,
puis celle de notre justice… ».
Du second, que les flamingants veulent une politique étrangère
incompatible, de l’avis des compétences et des hommes responsables,
avec la sécurité du pays, généralement bien accueillie, même
en Flandre, et en tout cas, opposée à la volonté nettement exprimée
de l’autre moitié du peuple belge.
Jusqu’où va cette opposition ? Ecoutons les extrémistes du mouvement
déclarer qu’en cas de conflit entre la France d’une part et
l’Angleterre, la Hollande et l’Allemagne d’autre part, « la
Flandre choisirait le parti de la seule puissance à qui elle
puisse se fier, l’Angleterre »(Ons Vaderland du 6 novembre 1920)-
et l’on sent que l’Angleterre n’est introduite là que pour faire
passer l’abominable hypothèse.
De l’ensemble, que les flamingants, dans leur frénésie mystique,
iront jusqu’au déchirement de la patrie, s’ils espèrent par
là instaurer le régime conçu pour le « salut » de leur peuple.
Cela, on ne l’écrit guère, mais on le dit en petit ou grand
comité- et les yeux s’allument alors de désir à l’entrevision
de la Terre promise.
Si j’étais député, je tacherais de réunir mes confrères wallons,
à quelque parti qu’ils appartiennent, et, après les avoir mis
en face des considérations que je viens d’exposer ici, je conclurais.
Il n’y a que deux attitudes possibles vis-à-vis de la politique
flamingante :
Ou bien vous lui ferez des concessions qui, vu les exigences
du parti des Van, permettront la réalisation graduelle du programme
minimum, lequel indubitablement, conduit à la séparation morale
des Flamands et des Wallons, première étape de la désagrégation
du pays par défaut de conscience commune ;
Ou bien vous lui résisterez, résolus à ne pas prêter la main
au suicide de la patrie, et ce sera le signal de la rupture
violente, plus ou moins rapide, plus ou moins radicale.
Ce dilemme, mes chers collègues, n’est pas nouveau pour vous.
Mais avez-vous songé à toutes ses conséquences ?
Si nous nous réunissions pour les étudier, avec autant de sang-froid
que de courage ? Voulez-vous ?
Jacques Hénault.
Traces
d’Elie BAUSSART dans le Mouvement Ouvrier Chrétien de Charleroi.
Dans une étude éditée en 1995 conjointement par le CARHOP et
le MOC de Charleroi, on trouve ceci qui concerne Elie BAUSSART
et qu’il nous paraît intéressant de relever tant il est vrai
que ces lignes sont exemplatives de l’intuition de ce dernier
en matière d’indépendance syndicale et politique par rapport
à l’Eglise catholique et des difficultés qui furent siennes
dès le début. On est à quelques jours du début de la 1ère Guerre
Mondiale ; Elie BAUSSART est alors âgé de 27 ans.
« Les employés ne constituent une véritable association
syndicale à Charleroi qu’à la veille de la guerre de 1914, sou
l’impulsion d’Elie BAUSSART, professeur au collège des Jésuites
de Charleroi. C’est en effet début 1914 que E. BAUSSART entre
en rapport avec Léon CHRISTOPHE, secrétaire de la fédération
des unions professionnelles d’employés et d’employées de Belgique
qui a été créée le 24 novembre 1912 et a son siège à la rue
Boulet à Bruxelles.
Elie BAUSSART est chargé par Léon CHRISTOPHE d’organiser
une réunion où serait créé un syndicat d’employés à Charleroi.
Il semble bien rencontrer quelques difficultés avec le directeur
d’œuvres sociales, l’abbé VAN HAUDENARD. Le syndicalisme d’employés
dont s’occupe L.CHRISTOPHE se veut en effet non confessionnel
et l’abbé craint la fondation d’un syndicat qui ne porterait
pas l’étiquette chrétien, ce qui pourrait amener à
la formation de deux fédérations de syndicats, comme c’est le
cas, à l’époque, à Liège où une fédération des syndicats chrétiens
dépend de l’évêché tandis qu’une autre de syndicats libres
est en concurrence directe avec elle. L’abbé VAN HAUDENARD
(1) n’ignore probablement pas qu’E. BAUSSART a été en rapport
avec le groupe de démocrates chrétiens indépendants,
partisans des syndicats libre ou neutres. Un groupe à l’image
de celui de Liège aurait été concurrent direct de la Ligue démocratique
de M. LEVIE (2). Quoiqu’il en soit, le Syndicat des employés
et voyageurs du bassin de Charleroi est fondé le 25 juillet
1914 et BAUSSART en est élu président.
Entre-temps, le 2 octobre 1913, Victor PARY, président
de la Fédération nationale des Francs-minieurs, avait demandé
à E. BAUSSART de susciter une réunion syndicale à Charleroi
pour secouer le mouvement de sa torpeur. En effet, la situation
est telle qu’elle avait déterminé Victor PARY à intervenir et
à constater, dans le rapport qu’il avait présenté au congrès
syndical chrétien des 27-28 juillet 1913 sur la situation en
Wallonie, que partout le syndicalisme chrétien s’étend et
se propage. Charleroi, seul, semble rester en retard. C’est
là donc que nos efforts doivent surtout se porter et que la
propagande doit être intensive. D’abord fixée au 9 novembre
1913, cette réunion est reportée au 18 janvier 1914. Elle devait
avoir lieu à Farciennes mais, comme ce sera le cas pour les
employés, c’est la salle des Ouvriers Réunis qui est imposée
comme local de réunion. Ainsi l’a voulu M. LEVIE, lequel a lui-même
sollicité un orateur, Paul CROKAERT. Celui-ci est supervisé
par l’abbé VAN HAUDENARD qui veut connaître à l’avance ses conclusions.
Cette journée syndicale, probablement la dernière manifestation
du syndicalisme chrétien carolorégien avant la guerre, est d’ailleurs
présidée, pour sa partie proprement syndicale, par l’abbé VAN
HAUDENARD et l’assemblée de l’après-midi devait être présidée
par M. LEVIE ; ce dernier, grippé, est remplacé par Victor
FRANCOIS, vice-président de la Ligue démocratique.
Le syndicalisme chrétien à Charleroi reste une œuvre
étroitement contrôlée par le clergé et qui doit être maintenue
dans le giron du catholicisme social dont le pontif est Michel
MEVIE. Dans ce cadre, il n’est pas étonnant que l’essor du mouvement
ne se produise pas ».
Dans la même étude, on trouve ceci :
« Quelques jours après l’exclusion de BODART (3),
plusieurs principaux dirigeants de la Ligue de Charleroi envoient
une note aux militants de la région. Elle relate le déroulement
des événements et dit, notamment, en conclusion que les
dirigeants responsables, effrayés des conséquences de l’attitude
actuelle de J. BODART, tant à l’intérieur du mouvement qu’au
dehors, ne pouvaient pas laisser démolir en quinze jours ce
qu’on a mis quinze ans à bâtir péniblement. La circulaire
est signée par des hommes dont la plupart sont des intimes,
des inconditionnels de Jean BODART : Louis Bolle, Arthur
Bertinchamps, Léandre Duchenne, Félix Lemage, ELIE BAUSSART
(…) Il est certain que s’ils ont signé, c’est qu’ils se rendaient
bien compte que la maladie de J. BODART, malgré l’apparence
lucidité de ses écrits, fini par l’empêcher de dominer
ses propres impulsions »
Plus loin encore, mais les faits remontent à 1934 :
« Suite à la création de la Ligue nationale des travailleurs
chrétiens de la Centrale d’éducation populaire en 1930, une
commission régionale d’éducation populaire est mise en place,
dans le but de centraliser les activités éducatives. Présidée
par ELIE BAUSSART, elle s’occupe notamment des écoles sociales
de Charleroi et de Manage, des retraites et récollections et
des cercles d’étude (4). Dans ce cadre, en 1934, la Ligue crée
le cercle Jean Verheyden qu’Elie BAUSSART décrit en ces termes :
Le Cercle Jean Verheyden, ainsi nommé en mémoire de notre
jeune ami qui avait été un des initiateurs du cercle (…) est
né en 1934 de cette constatation que l’Ecole sociale régionale,
si elle instruit les jeunes gens qui la fréquentent, ne suffit
pas à les former. Il faut autre chose qu’un enseignement reçu
pour éveiller le jeune travailleur à la vocation et à l’action
sociale : le travail personnel de recherche et de discussions,
un contact plus immédiat avec les faits et l’histoire, l’exercice
de responsabilités personnelles, fût-ce au sein d’un petit groupe,
une action au dehors. Le Cercle Jean Verheyden essaie d’atteindre
cet objectif… »
Les bases de ce qui deviendra des années plus tard la pédagogie
utilisée à l’Institut Supérieur de Culture Ouvrière (ISCO) sont
présentes dès cet instant chez Elie BAUSSART. On soulignera
également le côté très actuel encore d’une telle pédagogie.
En 1961, des divergences de vue apparaissent au sein du M.O.C
entre Flamands et Wallons. Sérieuses. Tellement que la décision
est prise d’un Congrès du M.O.C wallon qui précéderait le Congrès
du M.O.C national. Or, les statuts du M.O.C nationale ne prévoient
pas de Congrès sur base régionale. Ce Congrès wallon marquera
un tournant dans l’histoire du M.O.C de Charleroi entre autres,
puisque, dès ce moment le M.O.C de Charleroi va s’orienter résolument
dans le mouvement wallon. Pour préparer ce Congrès importantissime,
nous relate cette même étude, va être créée « une
commission régionale qui se réunira pour la première fois le
premier août. Les membres du Comité en seront. D’autres personnalités
sont contactées : Yves DE WASSEIGE (5), Eugène Ghys, Jacques
De Norre, Elie BAUSSART (6), Henri Dewez (dans la mesure où
il ne participe pas à la Commission nationale), Edmond Leclef
et Aimé Leloux »
L’abbé VAN HAUDENARD, né à Ath, en 1889 et décédé en 1946, créa
notamment en 1919 La vie nouvelle, qui devint en 1920
l’organe officiel de la confédération des syndicats chrétiens.
Il fut de nombreuses années durant directeur des œuvres sociales,
aumônier des œuvres sociales en langage actuel. Cette pratique
d’une « belle mère » cléricale est toujours d’actualité
à ce jour, même si l’influence des aumôniers s’est très sensiblement
affaiblie.
Michel LEVIE né en 1851 et décédé en 1939, est avocat ; c’est
un catholique social, s’inscrivant dans la ligne directrice de
RERUM NOVARUM publiée en 1891. Il prônera, au plan politique,
un pacte d’union entre conservateurs et progressistes chrétiens
(dont sera issue la Démocratie chrétienne), se conformant de la
sorte aux souhaits épiscopaux. Ce pacte d’union va perdurer vaille
que vaille jusqu’aux années 1990. E. BAUSSART n’aura de cesse
de se montrer critique à son égard jusqu’à dénoncer cette alliance
objective du feu et de l’eau en 1954 en des termes très durs :
« Les partis confessionnels étant, ce qu’ils n’ont jamais
cessé d’être, des partis conservateurs, peuvent-ils faire autre
chose aujourd’hui et demain que refuser leur histoire ? Si
la démocratie chrétienne finit par n’être que cela, quelle chute,
après les espérances de l’immédiat après-guerre ! »
(Adieu à la Démocratie Chrétienne).
Jean BODART, membre dirigeant de la Ligue des travailleurs (comme
s’appelait la démocratie chrétienne en 1938), par ailleurs député,
directeur politique de La Cité Nouvelle, le quotidien de la démocratie
chrétienne, sort d’une longue dépression nerveuse ; il démissionne
de la Cité Nouvelle parce qu’on lui reproche des écrits mettant
en relief les « griefs wallons » et fonde un nouveau
quotidien « La justice sociale » ; exclu du mouvement,
il organise un meeting à Bruxelles, où il annonce la constitution
de la « Ligue populaire », organisation sans caractère
confessionnel. Ces projets échoueront. Mais, semble-t-il, le fond
de ses critiques resurgira ultérieurement et Elie BAUSSART en
reprendra certains à son compte. Sans doute, ce dernier estimait-il
le moment inopportun pour se lancer dans une telle diatribe avec
les Flamands.
Ces cercles visent à la formation religieuse, l’éducation ouvrière
via des bibliothèques, des conférences, des dramatiques, l’action
politique.
Yves de WASSEIGE, un des fondateurs de la Fondation Elie BAUSSART ;
il en est toujours membre actif du conseil d’administration.
A cette date Elie BAUSSART est âgé de 74 ans ; il lui reste
4 années à vivre.
Le
choix de la France.
Jean-E HUMBLET, sénateur e.r,
Membre du Conseil de Wallonie- Libre.
Willy BUREON, Binchois qui fut de longues années député,
a fourni une carte blanche bien écrite et bien pensée au SOIR,
qui a eu la sagesse de la publier le 07/01/08.
Il m’est agréable que subsistent au PS de trop rares dirigeants
ayant une conscience wallonne dans la tradition des Jules
DESTREE, André RENARD et tant d’autres auxquels l’énorme encyclopédie
du Mouvement wallon fait une large place comme à moi.
Toutefois, à mes yeux, il convient d’ajouter trois nuances
à ce texte :
le problème de Bruxelles : tant la solidarité Wallonie-Bruxelles
français s’impose dans l’Etat belge de même que la complémentarité
économique sans se faire phagocyter par l’importante métropole
qu’est Bruxelles, tant le rattachement de Bruxelles à la France
est irréaliste, de même par conséquent que les positions dans
ce sens des petits partis wallons qui subsistent, ceux de Paul-Henri
GENDEBIEN – Rassemblement Wallonie-France- de Madame JARDINET
– Mouvement wallon pour la Francité- et d’André LIBERT – Rassemblement
wallon.
en bonne logique, si les outrances flamandes menaçaient sérieusement
la survie de la Belgique, n’y aurait-il pas d’abord après une
autonomie confédérale de la Wallonie à projeter l’indépendance ?
On est beaucoup plus que Chypre, l’Estonie, le Luxembourg, Malte
ou la Slovénie !
à propos de l’hypothèse française, tenant compte de l’évolution
mondiale, ne devrait-on pas en revenir à une Europe fédérale loin
des renoncements successifs et à la place qu’occuperont les régions
plus proches du citoyen qui s’affirment un peu partout, même en
France, la mère du jacobinisme ?
Ce 8 janvier 2008, on peut être sceptique sur la capacité
des 12 sages tous émanant de partis de travailler
à moyen et long terme en dehors de l’apport des forces vives
de Flandre, de Wallonie et de Bruxelles.
Souvenirs
d’Elie BAUSSART.
Jean-E HUMBLET,
Sénateur e.r,
Membre du Conseil de Wallonie-Libre.
Il est temps qu’à 87 ans je fasse appel à ma mémoire sur
des détails qui n’ont plus guère d’autres témoins.
Un mien ami, aîné d’un an, m’a parlé d’un conflit qui l’opposa
à Elie BAUSSART, dans le cadre sans doute d’un cours d’histoire
au collège : celui-ci expliquait et justifiait le mouvement
flamand ! Et mon ami, qui d’ailleurs est resté bouillant,
de se manifester en protestant bruyamment ! Cela ne devait
pas être courant à cette époque dans un établissement catholique
qu’un élève de « bonne famille » se sentit proche
de l’abbé MAHIEU et eût de la conscience wallonne ! Bravo,
Pierre.
Mais au contraire, bravo surtout à à Elie BAUSSART :
il comprit tôt le devoir de solidarité entre tous les peuples
qui luttent pour leur identité et leur autonomie.
Dans mon gros livre « Témoins à charge » (éd. Erasme/Artel-Namur,
1990), je témoigne de ma propre action dans ce domaine, moi
qui pendant la guerre à l’époque du devoir du courage, comme
président de la Fédération wallonne des Etudiants de Louvain,
ai milité avec des Flamands et réfléchi avec eux à une autre
Belgique dans la paix à venir.
Elie BAUSSART, je l’ai rencontré quelques fois à la revue
Forces nouvelles de mes amis Maurice PIRON et Jacques
LEVAUX et surtout à Rénovation wallonne. C’était
un homme inspiré et inspirant mais peu axé sur les réunions
enfumées où il fallait aussi des décisions concrètes pour
l’action.
L’on se comprenait comme chrétiens critiques du « pilier »
catholique qui avaient été proches de l’UDB, d’Emmanuel MOUNIER
et, comme tels, du devoir d’engagement progressiste et pluraliste
de « Ceux qui croyaient au ciel avec ceux qui n’y croyaient
pas ».
Elie BAUSSART, le visage en partie caché par sa belle barbe
blanche était un homme souriant, engagé mais nourri pourtant
de sérénité. Sous cet angle, je n’ai peut-être pas su le suivre
pleinement !
Namur
24 janvier 2008, la Wallonie existe et s’exprime…
A l’initiative du Mouvement du Manifeste Wallon et sous la
présidence de M. Jean Louvet, des élus wallons, des représentants
du monde syndical, du mouvement wallon et de la société civile
se sont réunis le 23 janvier 2008 à Namur.
Dans le cadre des négociations actuelles au sein du groupe
de travail de réforme de l’Etat dit ‘Octopus’ et
du débat intra-francophone dans la Commission ‘Busquin-Spaak’,
les participants ont réaffirmé quelques grands principes
fondamentaux :
A l’heure où ces négociations engagent l'avenir de l’Etat belge
et de la Wallonie, les participants en appellent au courage de
tous les négociateurs wallons: qu’ils soient conscients qu’il
est de l’intérêt des Wallons et des Wallonnes de se donner les
instruments et donc les compétences qui garantiront son avenir
! Le fédéralisme belge, pensé depuis un siècle et mis en œuvre
depuis presque 40 ans, à la rencontre des aspirations culturelles
flamandes et des revendications socio-économiques wallonnes, est
un système mûr. Pour la Wallonie, l’institution régionale a atteint
une dimension critique qui lui permettra d’absorber tout transfert
de compétences sans difficultés majeures. Toutefois cet acquis
doit maintenant être repensé à la lumière des exigences d’aujourd’hui.
La seule réalité un peu solide pour les Wallons et les Wallonnes
sur laquelle construire leur avenir et développer leur propre
projet de société demeure l’existence d’une Région autonome et
« quasi-souveraine ». Le développement économique de
même que la solidarité « inter-personnelle » entre citoyens
ne se décrètent pas. Pour porter durablement et renforcer la reconquête
par la Wallonie de sa prospérité, l'exercice par l'institution
régionale des compétences culturelles est l'un des outils indispensables
à celle-ci, ce qui induit qu'elle soit responsable de son
enseignement, de sa politique culturelle et de ses médias.
Les participants se sont en outre réjouit d’entendre de plus
en plus d’élus et de représentants de la société civile bruxelloise
déclarer qu’il est temps de laisser derrière nous un Etat
belge où deux Communautés se font face, pour permettre l’épanouissement
de trois Régions, chacune avec son identité propre, des institutions
efficaces et la capacité de développer des coopérations efficientes
entre elles.
Les participants ont donc décidé de convoquer début mars
à Namur une grande réunion publique où, dans un esprit
de dialogue et de respect, toutes les forces vives de Wallonie
approfondiront librement leurs réflexions en vue des échéances
prochaines.
Invitation
aux citoyennes et citoyens, auxResponsables
politiques et Militants de la cause wallonne
Prenez
date dans votre agendale vendredi 29 février à partir de 18h30au
Centre de Congrès "Beffroi",Place
d’Armes n°15000 Namur (parking Beffroi).
Pour participer à une grande réunion-débat
publique où les forces vives de Wallonie se verront présenter
"un projet politique
de la société wallonne pour son avenir".
A la veille d’importantes échéances, le
Mouvement du Manifeste Wallon (MMW), sous la présidence de
Jean Louvet, a réuni plusieurs personnalités et mouvements
issus du monde politique, syndical, économique, culturel et
associatif et des citoyens de Wallonie afin de réaffirmer
nos revendications dans
le cadre des négociations en cours.
Différents orateurs représentant les divers initiateurs de
ce projet lanceront le débat (voir programme).
Le projet réaffirme que les Wallonnes
et les Wallons restent attachés à une
sécurité sociale forte, solidaire et fédérale
et qu'ils veulent prendre
leur avenir en main,
conscients de ce que la Wallonie affronte toujours une situation
politique, économique et sociale difficile.
La Wallonie
existe,
elle
a besoin de pouvoirs et moyens nouveaux.
Pour
accélérer son redressement, elle doit donc être compétente
pour son enseignement, sa formation, sa politique culturelle
et ses médias.
Soyons
nombreux, ne venez pas seuls !
Jean LOUVET,
Président du MMW
au nom des mouvements wallons
et personnalités ayant initié la Déclaration
Pour plus d’informations : Michel Gigot, téléphone:
0473/455522 - courriel : marius.gigot@skynet.be
Programme
18h30 * Mot de bienvenue et objectifs de la réunion par Jean
Louvet, Président du MMW.
Intervention d’un représentant du mouvement wallon :
Jean Pirotte, Professeur émérite de l’UCL, Président de la Fondation
wallonne Humblet.
Intervention de représentants des organisations syndicales
:
Jean-Claude Vandermeeren, Secrétaire général de la FGTB wallonne.
Raymond Coumont, Président de la CSC wallonne
Nico Cué, Secrétaire des métallos FGTB Wallonie-Bruxelles.
André Beauvois, ancien Secrétaire CGSP Enseignement-Liège
Intervention de représentants du monde économique :
Yvan Hayez, Secrétaire général adjoint de la Fédération Wallonne
de l’Agriculture (FWA)
Intervention de représentants du monde culturel et associatif
:
Thierry Haumont, Romancier
Intervention de représentants du Parlement wallon :
Christophe Collignon, député wallon.
Pause (aux alentours de 20h15)
Présentation de la Déclaration pour un projet politique
par Michel GIGOT, Vice-président du MMW
DEBAT AVEC LE PUBLIC
Intervention durant le débat d’un représentant du Manifest(e)
Bruxellois.
Projet de résolution.
Appel à l'assemblée pour une mobilisation des
wallonnes et des wallons.
Clôture par le Président du Parlement Wallon, José Happart
Déclaration
pour un projet politique mobilisateur de la société wallonne.
Nous, citoyennes et citoyens de Wallonie, issus du monde
politique, économique, social, culturel et associatif, militants
du Mouvement wallon et acteurs de notre société dans sa diversité,
réunis ce 29 février 2008 à Namur, à titre individuel
ou comme représentants de divers groupements, voulons faire
entendre notre voix dans le débat institutionnel actuel qui
influera directement sur l’avenir de notre Région.
A cette fin, nous avons adopté la présente Déclaration qui,
dans le cadre des négociations en cours et des réflexions
qui seront menées au sein du Parlement wallon, réaffirme les
principes fondamentaux sur lesquels nous voulons construire
l’avenir de la Wallonie :
§ 1er Partant des constats que :
La mise en place d’une fédération francophone c’est à dire un
seul gouvernement et un seul parlement pour les Wallons et Bruxellois
francophones, comme déjà tenté en 1985, aura pour conséquences
principales :
- la liquidation des institutions de la
Wallonie, représentation légitime des Wallons, porteuses de
notre redressement.
- la Région de Bruxelles-Capitale deviendrait
la seule à conserver un gouvernement autonome.
La Région constitue la réalité de référence pour les Wallons comme
pour les Bruxellois, à la fois comme élément d’identification
et comme moteur de leur stratégie de développement ;
La solidarité entre la Wallonie et Bruxelles ne peut avoir pour
prix la suppression ou l’occultation d’une des deux entités, mais
elle doit, au contraire, respecter l’identité et les intérêts
propres des deux populations et des deux Régions ;
L’institution communautaire, basée seulement sur la langue et
la culture est porteuse d’enfermement et de repli identitaires.
Incapable de répondre aux aspirations à la reconnaissance des
populations qui la composent, elle n’a jamais été, en près de
quarante ans, et ne sera jamais à même de déclencher une mobilisation
citoyenne capable de générer tant un « vouloir vivre
ensemble » que l’accélération de la rénovation de la
Wallonie.
§2 Nous estimons que :
Il est temps de laisser derrière nous un Etat belge où deux Communautés
se font face, pour mettre les institutions en phase avec la réalité
de la population du pays, en permettant l’épanouissement de trois
Régions, chacune avec son identité propre, des institutions cohérentes
et la capacité de développer des coopérations efficaces car tissées
entre des partenaires égaux ;
La maîtrise et la gestion par la Wallonie des compétences culturelles
au sens large à savoir l'enseignement, la recherche, la politique
culturelle et sportive et les médias, est un facteur indispensable
à la définition d'un véritable projet de développement régional
cohérent et intégrant les dimensions économiques, sociales, environnementales,
éducatives, sportives et culturelles ;
La poursuite et l’approfondissement du mouvement entamé dans la
foulée de la réforme de 1993 (transfert de l’exercice de compétences,
avec les moyens budgétaires afférents, de la Communauté française
à la Wallonie et la Cocof) constituent une progression logique
vers l’exercice de toutes les compétences communautaires par l’institution
régionale, et ce tant en Wallonie qu’à Bruxelles ;
La solidarité et la complémentarité entre la Wallonie et Bruxelles
peuvent se matérialiser et se renforcer de manière réellement
efficace par une collaboration large de Région à Région, sans
impliquer, par définition, leur dilution au sein d’institutions
communes ;
Pour assurer une solidarité Wallonie-Bruxelles mutuellement profitable,
l’adoption d’une norme commune concrétisant la volonté de coopération
sous la forme d’un « traité » constitue une voie
possible. Ce large accord de coopération réglera les objectifs
communs, les domaines et modes de coopération, ainsi que les formes
de la relation entre la Wallonie et Bruxelles;
La tenue, à des moments distincts, des élections fédérales et
des élections régionales est l’un des fondements du fédéralisme.
Enfin, la Wallonie doit être à même de pouvoir mener un débat
sur l’organisation politique et administrative optimale de son
territoire, comme, par exemple, le rôle de l’institution provinciale
§3 Nous considérons en outre que :
La liste des compétences fédérales devra être établie de manière
limitative tout en garantissant une fiscalité des entreprises
identiques dans l’ensemble du pays et en renforçant la solidarité
inter-personnelle et l’unicité du droit du travail, appréhendés,
tous deux, dans un sens large, et ce pour l’ensemble des travailleurs,
indépendamment de leur lieu de travail ou de leur domicile;
Une « re-fédéralisation » de compétences exercées par
les entités fédérées ‑ par exemple le commerce extérieur
ou la coopération au développement ‑ nous paraît inutile,
la gestion de ces matières s’étant révélée efficace au niveau
régional et n'a nullement empêché le développement de collaborations
sur ces matières entre les Régions;
Le transfert complet de compétences déjà largement régionalisées
constituerait une évolution logique dans une optique de renforcement
de la cohérence donc de l’efficacité des politiques régionales ;
La mise en place d’une circonscription électorale fédérale unique
ne sera qu'un affaiblissement du fait politique régional, un renforcement
de la représentation flamande et un pas de plus
vers l’ultra-personnalisation de la vie politique au détriment
du débat de fond et ce sans résoudre en rien les divergences et
les différends existant entre les communautés.
Nous, citoyennes et citoyens de Wallonie, issus des mondes
politique, économique, social, culturel et associatif, militants
wallons et acteurs de notre société dans sa diversité, prenons
l’engagement, chacun à notre niveau de responsabilité, tant
du point de vue personnel que collectif, de défendre et de
diffuser auprès du plus grand nombre les grands principes
de la présente Déclaration.
Fait à Namur, capitale de la Wallonie, le 29 février
2008
Accueil
par Jean Louvet à l’ occasion de l’assemblée du 29 février
2008. Centre de congres, place d’armes à Namur.
Mesdames, messieurs les mandataires politiques,
Mesdames, messieurs les journalistes,
Amies, amis, militants et militantes wallons,
Mesdames, messieurs,
Je vous remercie d’avoir répondu nombreux à l’appel des organisatrices
et organisateurs de cette assemblée ; ils sont issus
du monde politique, syndical, culturel, associatif et des
diverses composantes du Mouvement wallon.
Ce groupe de 20 personnes a fait appel à des orateurs que
nous remercions vivement ; ils ont accepté notre invitation,
même si ce n’est pas toujours facile de s’exprimer dans le
contexte actuel. Ils vous diront l’essentiel de nos préoccupations.
Quels sont les objectifs de cette réunion ?
J’en vois 3 qui se détachent.
Un : non à l’invisibilité de la Wallonie.
Deux : réaffirmation de notre profession de foi fédéraliste
Trois : mobilisation.
Il y a quelques semaines, les citoyennes et citoyens de Wallonie
étaient en plein désarroi, choqués par la rupture de solidarité
qui est l’essence du fédéralisme. Il y eut des réactions :
José HAPPRT, Serge KUBLA, les manifestations syndicales à
Bruxelles, la carte blanche de six députés wallons, l’appel
aux Wallons de Jean-Claude VAUWENBERGHE.
Hier et aujourd’hui, la Wallonie disparaît beaucoup trop souvent
des commentaires, des débats, des projets politiques.
Nous sommes noyés dans une véritable francophomanie, orchestrée,
redoutable. Cette idéologie francophone se donne des airs
de supériorité, répandant une vision manipulée et vulgaire
du régionalisme.
Nous refusons d’accepter que se mette en place une machine
d’oppression où la Wallonie est niée.
Nous ne sommes pas un peuple du silence, un peuple muet, un
peuple occulté.
Nous sommes ici por affirmer les certitudes d’un mouvement
wallon que nous voulons fort.
D’aucuns diront : ne vous plaignez pas, la Belgique
est un pays formidable, on rit de tout. Ou bine : vous
êtes au pays du surréalisme. Rappelons quand même qu’Achille
CHAVEE, notre grand poète surréaliste se proclamait wallon,
fédéraliste et qu’il vendait lui-même le journal « Combat »
d’André RENARD.
Deuxième objectif : nous sommes ici pour rappeler que
nous avons voulu le fédéralisme, il ne faut pas en perdre
l’héritage.
On ne touchera pas à notre capitale, à notre parlement, à
notre gouvernement : ce sont des conquêtes démocratiques
arrachées à l’Etat unitaire au prix de nombreux combats. Que
le Parlement wallon nous entende bien ! La Wallonie est
à un tournant. A situation historique exceptionnelle, débat
parlementaire exceptionnel.
Il est urgent de définir un contrat de génération qui transmette
la volonté de changement d’une génération à l’autre.
On a trop souvent fait de nos jeunes des amnésiques. C’est
contre cela que le « Manifeste pour la culture wallonne »
veut que nous disposions de l’enseignement, de la culture
et des médias.
De nombreux Bruxellois ont également lancé leur manifeste.
L’un d’eux nous a rejoints et prendra la parole ce soir. Wallons
et Bruxellois, nous allons tous, solidaires, dans le même
sens.
La Région constitue la réalité de référence pour les Wallons
et les Bruxellois.
La solidarité entre la Wallonie et Bruxelles ne peut avoir
pour prix la suppression ou l’occultation d’une des deux entités.
Enseigner les divers aspects du patrimoine tant artistique
que social fait partie de nos objectifs.
Dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous avons
mené une autre guerre : celle de l’émancipation de la
Wallonie. Nos jeunes héritent de ce combat. Qu’ils ne se méprennent
pas, ils devront continuer le combat. Ne laissons pas s’élargir
entre eux et nous le fossé de l’oubli.
Si la Wallonie a tant besoin d’une nouvelle couche entrepreneuriale,
c’est au prix de cette prise de conscience. Georges BERNANOS
disait : « On n’aime que ce que l’on comprend ».
Troisième objectif : mobilisation.
Le sang de la résistance coule dans nos veines. Résistance
historique, résistance pour sauver l’honneur de la démocratie,
résistance en 19601961. Chaque fois, nous étions présents.
Nous sommes ici pour redire que nous avons été des acteurs
chaque fois qu’il le fallait. Ne nous laissons pas réduire
au statut de spectateurs passifs et désenchantés.
Les coups portés par la mondialisation pour affaiblir l’Etat
nation n’entraîneront pas notre combat pour le fédéralisme
dans l’impuissance, dans les oubliettes de l’Histoire.
Je laisse maintenant la parole à nos orateurs qui vont évoquer
les problèmes ps osés par notre engagement.
Je vous remercie de votre attention.
Namur, le 29 février 2008.
Jean LOUVET, président du Mouvement du manifeste wallon (M.M.W).
Pour
une fédération Wallonie-Bruxelles, un plaidoyer birégional
Bien que leur concrétisation soit postérieure à celle des
Communautés dans l’instauration du fédéralisme belge, les
Régions traduisent la conception wallonne et bruxelloise du
fédéralisme et sont aujourd’hui des acteurs incontournables
de notre paysage institutionnel.
Les politiques que les Régions mènent, notamment dans les
matières liées au développement économique et social, sont
précisément calibrées pour être adaptées aux réalités socio-économiques
de leur territoire et aux besoins de leur population.
Ce constat de départ n’enlève rien à la nécessité de développer
des synergies entre les Régions ni à celle d’assurer un lien
de solidarité efficace entre la Wallonie et Bruxelles notamment
au travers d’un niveau de pouvoir commun à nos deux Régions.
Aujourd’hui, les Wallons et les Bruxellois francophones se
trouvent face à des enjeux déterminants pour leur avenir.
Plus que jamais, ils ont tout à gagner à travailler ensemble.
Nos gouvernements doivent renforcer les collaborations afin
de rendre nos stratégies plus efficaces, de favoriser le redressement
économique de la Wallonie et de Bruxelles et de trouver des
solutions à nos défis sociaux.
C’est une question d’efficacité et de bon sens que les citoyens
appellent de leurs vœux. Même s’ils sont souvent perdus face
à l’architecture institutionnelle complexe de notre pays,
ils attendent des ministres wallons et bruxellois qu’ils travaillent
ensemble à l’amélioration de leur vie quotidienne et à la
défense de leurs droits.
Par cet appel commun, nous souhaitons nourrir le débat à travers
plusieurs propositions.
Les institutions sont par principe au service de la population
par les politiques publiques qu’elles mettent en œuvre. Aucun
dogmatisme, aucun préjugé institutionnel ne doit nous écarter
de l’objectif premier : comment les institutions peuvent-elles
servir au mieux les attentes légitimes des citoyens ? Elles
sont l’outil par excellence dont se dotent des citoyens afin
d’œuvrer, individuellement et collectivement, à leur épanouissement
social. La forme même de ces institutions en détermine le
caractère démocratique et l’efficacité.
Aujourd’hui, au motif parfois sincère de simplification administrative,
certains prônent un modèle de fusion où une entité francophone
homogène ferait face à la Communauté flamande.
C’est nier l’importance des Régions qui se sont imposées comme
la réalité de référence pour les Wallons et les Bruxellois
et qui ont développé une stratégie de redéploiement durable
pour chacune des deux entités.
Pour Bruxelles, les partisans d’une recomposition sur la base
des deux Communautés justifient cette option en arguant du
risque permanent de paralysie des institutions bruxelloises
par certaines formations flamandes. Accepter cette thèse reviendrait
à se résigner au malheureux constat – que nous ne partageons
pas – qu’il est impossible de faire coexister harmonieusement
deux communautés à Bruxelles, ce qui revient à renoncer purement
et simplement à l’existence même d’une Région bruxelloise.
En outre, cette défense, du côté francophone, d’une recomposition
institutionnelle fondée sur deux communautés linguistiques
est étonnante car elle se range, pour l’essentiel, derrière
l’une des résolutions offensives votées par le Parlement flamand
en 1999 ; une résolution qui distinguait deux « États fédérés
» – la Flandre et l’État fédéré francophone – et un territoire
subalterne à statut spécifique – la Région de Bruxelles-capitale
– doté de compétences limitées et sur lequel les deux États
fédérés auraient, pour un nombre important de matières, un
droit de regard, d’intervention voire de cogestion.
L’organisation d’un tel face à face institutionnel entre entités
francophone et flamande n’est, selon nous, pas souhaitable,
pas plus qu’il ne serait générateur d’efficacité.
En faisant cogérer Bruxelles par les deux autres entités,
ce système priverait les Bruxellois de droits démocratiques
fondamentaux et d’une gestion cohérente de leur Région.
Solidaires des Bruxellois lors de la création de la Région-capitale,
les Wallons sont, au contraire, preneurs d’une relation d’égal
à égal.
N’oublions pas que la Région bruxelloise n’est pas exclusivement
francophone – c’est d’ailleurs l’un de ses atouts – et que
la Région wallonne ne l’est pas davantage, puisqu’elle compte,
aussi, des citoyens de langue allemande.
En outre, une identité régionale forte existe et s’est sensiblement
affirmée, dans la sérénité et l’ouverture, tant à Bruxelles
qu’en Wallonie. Le fait régional y est devenu incontournable
et s’y affirme de manière décomplexée comme l’antithèse du
repli.
Partant de ce constat, voici les lignes de force d’un modèle
birégional que nous proposons ensemble et soumettons au débat
de la Commission Wallonie-Bruxelles.
L’affirmation de deux Régions solidaires, égales en statut,
guide nos propositions.
Ce principe implique que la Région bruxelloise se voie reconnaître
le même degré d’autonomie constitutive que les autres entités.
L’égalité passe surtout par le refinancement structurel de
la Région bruxelloise. C’est une nécessité mais, plus encore,
un droit. Bruxelles, qui est un moteur de développement économique
pour les trois Régions, supporte des charges qui bénéficient
à l’ensemble du pays. Un juste financement est une condition
pour assurer aux Bruxellois les mêmes capacités de développement
que celles des autres citoyens du pays.
Enfin, nous pensons que la répartition de certaines compétences
sur le territoire bruxellois doit être simplifiée tant par
souci d’efficacité que de lisibilité pour les citoyens et
les acteurs des secteurs concernés.
Plus globalement, la réflexion sur l’optimalisation des institutions
communes aux Wallons et aux Bruxellois doit conduire à une
meilleure prise en compte des réalités et des besoins régionaux
– tant wallons que bruxellois – dans l’exercice des compétences
communautaires.
Et quel lien entre la Wallonie et Bruxelles proposons-nous
?
Justement, celui d’une fédération, véritable trait d’union
permanent entre les deux composantes.
Nous sommes, en effet, autant attachés à l’autonomie de nos
deux Régions qu’à la solidarité entre la Wallonie et Bruxelles.
Pour consacrer cette solidarité, une instance commune disposant
de compétences et d’un budget propres – la Communauté française
revisitée – est la formule la plus adéquate. En effet, penser
qu’on renforcera la solidarité entre la Wallonie et Bruxelles
en niant l’institution qui à vocation à les rassembler est
un leurre.
Sur la base de deux Régions autonomes et également compétentes,
régies par le suffrage universel direct, son rôle, ses organes
et son fonctionnement seront naturellement amenés à évoluer
vers une Fédération Wallonie/Bruxelles. Tout en veillant,
bien entendu, au respect de l’autonomie des germanophones.
Les organes de cette Fédération devraient traduire cette nouvelle
réalité. Certains traits en ont déjà été amorcés sous cette
législature à travers la tenue de réunions conjointes des
gouvernements et la désignation de ministres chargés de compétences
tant de nature régionale que communautaire et l’attribution
de la présidence communautaire à un ministre-président régional.
Le gouvernement de la Fédération serait composé de ministres
wallons et de ministres bruxellois francophones.
Un tel exécutif resserré permettrait également de diminuer
sensiblement le nombre total de ministres, contribuant dès
lors à un exercice du pouvoir simplifié et plus efficace.
Dans le cadre de ce modèle, il conviendra aussi de réfléchir
au mode d’organisation et de fonctionnement du Parlement de
la Fédération, afin de l’articuler mieux encore avec les deux
parlements régionaux.
Cette réforme globale doit aller de pair avec la réflexion
qui, au sein de la Commission Wallonie/Bruxelles, doit définir
le niveau de pouvoir le plus opportun pour la gestion des
compétences fédérées, au bénéfice des citoyens.
Nous désirons fermement que les débats communautaires à venir
aboutissent à une nouvelle architecture institutionnelle pour
notre pays, en adéquation avec les droits inaliénables et
le projet d’émancipation individuelle et collective des Wallons
et des Bruxellois.
Seule une Belgique fédérale, construite à partir de trois
Régions fortes, établies sur pied d’égalité, permettra d’atteindre
un équilibre institutionnel mature et satisfaisant pour tous.
Seules des Régions wallonne et bruxelloise fortes, établies
sur pied d’égalité, permettront aux Wallons et aux Bruxellois
de se fédérer et d’organiser de manière efficace les synergies
et solidarités auxquelles ils aspirent, au service leurs intérêts
communs et respectifs.
Une fédération birégionale Wallonie-Bruxelles sera ce trait
d’union équitable et efficace dont nous avons besoin.
Fait à Namur et à Bruxelles, le 16 avril 2008.
Rudy DEMOTE, Ministre-Président de la Région wallonne et
de la Communauté française.
Charles PICQUE, Ministre-Président de la Région de Bruxelles-Capitale.
Conclusions
tirées des deux rapports intermédiaires
Wallonie/Bruxelles : convergences et divergences socioéconomiques
Si l’on procède à une approche comparée des situations socioéconomiques
de la Wallonie et de Bruxelles, on constate des similitudes
démographiques, des complémentarités sectorielles ainsi qu’une
même confrontation au défi du chômage.
Ainsi, des similitudes peuvent être identifiées sur le plan
social, même si les défis à relever par une métropole urbaine
bilingue et foncièrement multiculturelle sont différents de
ceux d’une Région de tradition industrielle intégrant une
importante dimension rurale et disposant de sa propre identité.
Sur le plan économique, les tissus wallon et bruxellois présentent
des différences plus sensibles encore. En effet, si, en matière
d’emploi, on constate une structure assez semblable (secteur
public, commerce, santé, immobilier, services), il n’est pas
nécessaire de rappeler que la Région de Bruxelles-Capitale
développe essentiellement une économie de services alors que
la Wallonie présente également une activité industrielle manufacturière.
S’il existe un lien linguistique évident et une proximité
culturelle entre la Wallonie et Bruxelles, il convient de
souligner que, sur le plan économique, la Région wallonne
n’est pas le partenaire exclusif de la Région bruxelloise.
Ainsi, il n’est pas inutile de rappeler qu’aujourd’hui la
Flandre est le principal partenaire commercial de chacune
des deux autres Régions. Il n’en reste pas moins que des complémentarités
se manifestent entre la Wallonie et Bruxelles et qu’il est,
dès lors, indiqué de rechercher, ensemble, les moyens de les
valoriser au bénéfice mutuel des deux Régions. Le développement
de l’hinterland économique de Bruxelles contribue à favoriser
le développement de la Wallonie.
Cette recherche du meilleur partenariat doit être rationnelle
et lucide. Elle doit notamment prendre en compte que des situations
de concurrence existent entre la Région wallonne et la Région
de Bruxelles-Capitale, comme entre toutes les régions d’Europe
voire du monde.
D’aucuns épinglent, en ce sens, les délocalisations d’entreprises
de la Région bruxelloise vers la Région wallonne qui dispose
d’un vaste espace disponible à des coûts très compétitifs.
L’action des outils régionaux de développement économique
comme les stratégies de développement régional ont logiquement
un impact en ce sens qu’il ne peut être question de brider
par l’instauration de droits de regard ou de veto inenvisageables
dans un marché européen intégré. La question centrale est
donc de savoir s’il est possible de dépasser ce type de conflits
d’intérêts légitimes et de rechercher comment y parvenir dans
un esprit de partenariat gagnant-gagnant.
Un certain nombre de pistes ont été esquissées. On pourrait
ainsi établir une lisibilité claire des aides régionales et
prévoir des échanges d’informations sur les investisseurs
potentiels.
De même, en matière de recherche et développement, où les
Régions mènent une action très importante, avec des moyens
accrus et en articulation directe avec la sphère économique,
des synergies méritent toujours d’être envisagées pour atteindre
plus aisément un niveau de masse critique. Des partenariats
transrégionaux entre universités, entreprises et centres de
recherche, sur base de complémentarités clairement identifiées,
permettraient notamment de partager les risques d’investissement
et de financement. La participation des universités francophones
de Bruxelles aux cinq pôles de compétitivité wallons est un
exemple intéressant en la matière.
Bruxelles, Ville Région à vocation internationale :
Le rayonnement et le rôle international de Bruxelles se traduisent
par une ouverture économique au bénéfice des deux autres Régions.
Par rapport aux deux autres Régions du pays, Bruxelles est
riche d’une « marque en soi ». Le fait que des entreprises
n’hésitent pas à payer le prix pour s’installer en Région
bruxelloise afin de disposer de cette « étiquette » est symptomatique.
De même, des spécialistes américains ont estimé à plus de
500 milliards de dollars la marque « Brussels » au niveau
international. A l’instar d’Etats américains comme la Virginie
et le Maryland utilisant le label « Greater Washington » pour
leur promotion extérieure, les régions voisines de Bruxelles
ont manifestement intérêt à valoriser cette proximité. Dans
ce domaine, les Flamands capitalisent davantage sur l’image
porteuse de la capitale européenne que les Wallons. Il apparaît,
dès lors, hautement souhaitable que l’on continue à favoriser
l’effet de « vitrine », suivant ainsi l’exemple de notre représentation
conjointe à Paris.
Ceci étant, il importe de ne pas perdre de vue que si Bruxelles
joue un rôle moteur (16,5% du PIB) dans l’économie belge,
le taux de paupérisation de sa population est également important.
Dans cet esprit, il faudra veiller à ce que l’extension de
l’hinterland économique bruxellois contribue aussi à la résorption
du chômage à Bruxelles.
La Wallonie, un éventail d’atouts
Bruxelles a ses forces, la Wallonie n’est pas en reste. Le
propos de ce rapport n’est pas de dresser l’inventaire des
atouts wallons. Plusieurs études leur ont été consacrées et
des instances comme l’AWEX assurent leur diffusion avec professionnalisme.
Ces atouts sont parfois semblables à ceux de Bruxelles, parfois
complémentaires. Parmi ces derniers, pour ce qui concerne
la Wallonie, un atout indéniable est manifestement son espace
disponible.
Dans le rapport à l’espace et à la proximité Wallonie/Bruxelles,
l’approche doit être pragmatique et sans exclusive. Le lien
particulier unissant les Régions wallonne et bruxelloise doit
être cultivé, a fortiori lorsqu’on sait qu’une partie importante
de la Wallonie peut profiter de l’effet Bruxelles-Capitale
(c’est particulièrement vrai pour le Brabant wallon et une
partie du Hainaut).
Mais comme la Flandre, la Wallonie a tout intérêt à améliorer
la répartition géographique de son activité économique endogène.
De même, elle doit valoriser son ouverture à l’ensemble de
ses voisins, en confortant le caractère multipolaire de son
développement. Des études montrent, en effet, combien la Wallonie,
en ses différents bassins agit en articulation avec l’extérieur.
C’est l’autre voie suivant laquelle elle doit valoriser le
phénomène de métropolisation qui ne doit, en aucune manière,
être monocentré.
Il importe donc que la Wallonie intensifie aussi ses partenariats
avec les pôles que sont Lille, Luxembourg, Aix-Cologne, Maastricht
ou encore la Flandre.
Dans cet esprit de développement multipolaire, la Région
wallonne doit s’inscrire dans une logique de développement
global qui se fonde à la fois sur l’axe industriel traditionnel
Est-Ouest en redéploiement, notamment sous l’effet des fonds
structurels européens et d’une articulation Angleterre-Allemagne
renforcée, et sur l’axe Nord-Sud Bruxelles-Namur-Luxembourg
qui fait montre d’un grand dynamisme.
Il faut donc poursuivre l’amélioration de la mobilité transrégionale
et le développement des infrastructures dans cet esprit de
relation forte avec Bruxelles et d’ouverture à l’ensemble
des autres pôles de développement transrégional.
Des compétences régionales fortes et des collaborations à
valoriser
En matière d’économie au sens large, la majorité des compétences
ont déjà été régionalisées. De l’avis unanime des intervenants
entendus, ce transfert a fait pleinement ses preuves, au point
qu’il est légitime de dire que ces régionalisations furent
déterminantes pour la définition d’une stratégie de redéploiement
régional qui sort aujourd’hui ses effets.
De la régionalisation des infrastructures de communication
à celle de l’aménagement du territoire, en passant par le
transfert de l’ensemble des dispositifs de soutien aux entreprises
en liaison avec la recherche et l’internationalisation, la
pertinence de la localisation régionale n’est jamais remise
en cause. Il en va de même pour l’emploi et la formation.
C’est tout aussi vrai pour le tourisme qui a connu un développement
spectaculaire dans le cadre régional, avec une professionnalisation
accrue, une meilleure intégration de la dimension économique
et le développement de synergies naturelles avec le patrimoine.
Une meilleure articulation de la Wallonie et de Bruxelles
doit donc être conçue sur le mode de la collaboration entre
outils et institutions. Une majorité s’accorde aujourd’hui
pour reconnaître qu’une fusion Communauté-Région est impossible
et inopportune compte tenu de la volonté exprimée par les
populations wallonne et bruxelloise de voir leurs spécificités
reconnues et inefficace en raison de l’absence de fiscalité
communautaire.
De la même manière, il n’est pas possible d’envisager la
fusion d’outils comme la SRIB et la SRIW.
En revanche, il est possible d’envisager une collaboration
des organismes publics de développement économique wallons
et bruxellois, notamment pour une gestion concertée de l’accueil
des investisseurs. Il serait, par ailleurs, souhaitable de
renforcer les collaborations entre outils agissant dans les
domaines de l’emploi et de la formation et de faciliter la
mobilité transrégionale.
Dans le domaine de l’économie au sens large, l’optimalisation
mutuellement profitable des relations Wallonie/Bruxelles semble
donc devoir emprunter la voie de la collaboration de Région
à Région, dans le respect de leurs compétences propres et
de leurs intérêts respectifs, tout en unissant leurs forces
chaque fois qu’un action conjointe ou concertée s’avère plus
avantageuse pour toutes les parties.
Pour la régionalisation des derniers outils économiques fédéraux
La régionalisation de la plupart des outils économiques a
donc permis à la Wallonie et à Bruxelles de se réinscrire
dans une logique de développement, dans la cohésion sociale
et territoriale.
La Wallonie, comme Bruxelles, dispose d’un certain nombre
d’outils économiques performants (pour la Wallonie, l’AWEX,
la SOWALFIN, la SOFINEX ou encore la SRIW).
Il semble, dès lors, logique et opportun que l’ensemble des
outils spécifiques de développement économique demeurant au
niveau fédéral soit régionalisé. Il va de soi que ces transferts
de compétences ou d’outils doivent s’accompagner du transfert
de moyens humains, matériel et financiers correspondants.
Ce n’est toujours pas le cas pour le Fonds de participation
ou encore l’économie sociale.
De la même manière, plusieurs intervenants se sont interrogés
sur l’opportunité de conserver des structures fédérales d’investissement
alors que la régionalisation s’avère plus efficace. On songe
ici à la SBI, la SPFI, la SNI et à l’Office du Ducroire. Ceci
méritant une analyse affinée.
Présence et collaboration régionales et communautaires sur
la scène internationale
Pour ce qui concerne le commerce extérieur, nombres d’intervenants
ont souligné les effets positifs de la régionalisation. Certains
membres soulignent néanmoins en cette matière la multiplication
des interlocuteurs, les phénomènes de concurrences entre Régions,
la déperdition d’énergie et les questions qui s’en suivent.
Le spectaculaire et constant accroissement des exportations
régionales, notamment en Wallonie (une croissance annuelle
de plus de 9 % depuis 1996), souligne la pertinence de ce
choix. Il en va de même pour la prospection d’investissements
étrangers où, au delà des chiffres très positifs en termes
d’investissements et d’emplois, des dossiers comme Baxter,
Johnson & Johnson, Google ou Microsoft montrent combien
les instruments régionaux ont pu valoriser nos atouts.
En outre, ces éléments n’ont pas nui à l’utilisation du «
label belge », exploité à travers des missions et des initiatives
concertées rendues possibles par les accords de coopération
et les accords de réciprocité entre les réseaux d’attachés
économiques et commerciaux des trois Régions.
En matière de relation Wallonie/Bruxelles, la réforme mise
en œuvre et qui a abouti à la création du WBI concrétise la
volonté de collaboration et de renforcement mutuel de notre
image extérieure.
Concernant les traités soumis à l’approbation des entités
fédérées, la réforme du Sénat et sa transformation en un véritable
Sénat des entités fédérées devrait permettre la mise en œuvre
des procédures de ratification facilitées. Considérant l’importance
de préserver les intérêts propres des différentes entités
et vu le sens des responsabilités dont celles ci ont fait
preuve dans la gestion de cette compétence, cette évolution
devrait néanmoins maintenir une possibilité d’évocation et
d’assentiment par les différents parlements régionaux.
Par ailleurs, en matière économique, la position des Régions
en tant qu’acteurs à part entière sur la scène internationale
doit être renforcée et pleinement reconnue par le niveau fédéral.
Il est plus impératif encore de veiller à ce que les instances
régionales aient directement accès aux services des Ambassades.
Sur le plan international, la régionalisation a donc fait
ses preuves et profite aux habitants des trois Régions. Il
convient donc de poursuivre dans cette voie. La coopération
au développement est, en cela, une parfaite illustration de
pseudo-régionalisation sans moyens humains et financiers.
Ainsi pour certaines, l’activation du transfert partiel prévu
dans le cadre de la réforme de l’Etat de 2001 devrait donc
être opérée. En tout état de cause, l’efficacité de la coopération
au développement doit se mesurer en terme de développement
accru des conditions de vie dans les pays bénéficiaires. Dans
l’attente et dès à présente, il conviendrait de mettre sur
pied une conférence interministérielle réunissant les ministres
compétents en matière de coopération.
Emploi : maintenir et conforter le pôle régional
Parler d’économie, c’est immanquablement parler d’emploi.
La localisation de cette compétence au niveau des Régions
a été reconnue parfaitement opportune. Cette compétence a,
en effet, pour vocation première la remise à l’emploi, même
si elle contribue au soutien de politiques sectorielles régionales
ou communautaires.
En revanche, la commission a enregistré une ouverture raisonnée
au transfert de certains éléments de compétences fédérales
complémentaires, ne remettant pas en cause la solidarité interpersonnelle
et l’intégrité du système de sécurité sociale. Les mécanismes
d’accompagnement et de mise à l’emploi ont principalement
été évoqués en ce sens.
Dans cette matière, il faut plus que jamais multiplier les
collaborations entre le Forem et Actiris.
Economie – recherche - enseignement : vers plus de cohérence
En matière de recherche, les efforts budgétaires des Régions
et des Communautés ont été unanimement salués, de même que
la capacité des gouvernements régionaux à mettre en relation
recherche et monde de l’entreprise. C’est incontestablement
la voie dans laquelle il convient de poursuivre, tout en renforçant,
comme évoqué plus haut, les synergies directes entre les deux
Régions. Le rôle de la Communauté devrait donc être réexaminé
en ce sens.
La question de l’enseignement – qui relève d’une autre commission
– a immanquablement été soulevée à maintes reprises. Celle-ci
comporte en effet un certain nombre de liens avec la dimension
économique. Les faiblesses de notre enseignement, son incapacité
à résorber la fracture sociale comme à fournir à nos entreprises
les compétences indispensables à leur développement – et surtout
à l’épanouissement de nos jeunes – ont été épinglées comme
l’une des plus grandes urgences auxquelles la Wallonie et
Bruxelles doivent faire face.
L’organisation à la Communauté française, pour certains, ne
permet pas aujourd’hui l’application de politiques différenciées
répondant à la multiplication des besoins spécifiques différents
propres à l’espace Wallonie-Bruxelles. Dès à présent, on assiste,
en outre, à une implication des Régions dans les compétences
communautaires pour ce qui concerne les bâtiments scolaires,
les équipements informatiques et techniques, l’alphabétisation
des adultes, le financement des crèches ou encore des Centres
de compétences.
La trop faible adéquation de l’enseignement avec des réalités
régionales différentes et son incapacité à prendre pleinement
en compte des besoins distincts de la Wallonie et de Bruxelles,
est revenue comme une constante.
La possibilité d’une déclinaison régionale de l’enseignement
permettant de mieux répondre aux besoins spécifiques de chaque
Région a, dès lors, été évoquée à plusieurs reprises. L’ampleur
de cette réforme va, de l’application de politiques différenciées
par la Communauté Wallonie-Bruxelles de l’intensification
de l’implication des Régions via la maximalisation des politiques
croisées, au transfert du seul pouvoir organisateur aux Régions
avec capacité d’adaptation des programmes dans un cadre général
commun ou encore à la régionalisation pure et simple.
En toute hypothèse, une meilleure adéquation entre les politiques
de l’emploi, de la formation et de l’enseignement s’impose.
Le président, Les rapporteurs,
Christophe Collignon Jean-Claude Vandermeeren - José Daras
Le 16 juin 2008.
Communique
de presse
Notre groupe issu du colloque du 29 février 2008 « Un projet
mobilisateur pour l’avenir de la Wallonie » regroupe des citoyens
des milieux culturels, politiques, associatifs, économiques
et syndicalistes.
Nous sommes pour une Wallonie offensive définissant ses objectifs
sans oublier les problèmes quotidiens rencontrés par les citoyens
wallons (prix de l'énergie, pouvoir d'achat, faiblesse des
allocations sociales).Nous souhaitons une réforme institutionnelle
qui prenne mieux en compte les difficultés de nos concitoyens.
L’institution communautaire, basée seulement sur la langue
et la culture est porteuse d’enfermement et de repli identitaires.
Il faudra négocier tous les domaines avec les Flamands, avec
sérénité en définissant nos revendications et en les faisant
connaître, ce qui n'implique pas que nous acceptions les fantasmes
de la Flandre (par exemple le 15 juillet).
Nous abordons le débat institutionnel sous l'angle de 3 régions
égales en droit et non plus de 2 grandes communautés. La solidarité
entre la Wallonie et Bruxelles ne peut avoir pour prix la
suppression ou l’occultation d’une des deux entités, mais
elle doit, au contraire, respecter l’identité et les intérêts
propres des deux populations.
Nous voulons trois Régions, chacune avec son identité propre,
des institutions cohérentes et la capacité de développer des
coopérations efficaces car tissées entre des partenaires égaux.
La maîtrise et la gestion par la Wallonie des compétences
culturelles à savoir l'enseignement, la politique culturelle
et sportive et des médias est un facteur indispensable à la
définition d'un véritable projet de développement cohérent
et intégrant les dimensions économiques, sociales, environnementales,
éducatives et culturelles.
La solidarité entre la Wallonie et Bruxelles peut se matérialiser
et se renforcer de manière réellement efficace par une collaboration
de Région à Région, sans impliquer, par définition, la dilution
d’une d’entre elles au sein d’institutions communes.
La liste des compétences fédérales sera établie de manière
restrictive tout en garantissant une fiscalité des entreprises
identique dans l’ensemble de l'Etat et en renforçant la solidarité
interpersonnelle et l’unicité du droit du travail, appréhendés,
tous deux, dans un sens large, et ce pour l’ensemble des travailleurs,
sans discrimination et indépendamment de leur lieu de travail
ou de leur domicile.
Le transfert complet de compétences déjà largement régionalisées
comme par exemple l’environnement, l’énergie, constituerait
une évolution logique dans une optique de renforcement de
la cohérence donc de l’efficacité des politiques régionales.
Pour le groupe de réflexion
Jean LOUVET
Président du Mouvement du Manifeste Wallon
Yves de Wasseige |
2 juillet 2008 |
Evolution
comparée de l'emploi en Wallonie entre 1974 et 2006
1. Sources
On utilisera la statistique décentralisée de l'ONSS, établie
au 30 juin de chaque année. Celle-ci donne par arrondissements
et par secteurs d'activité le nombre de postes de travail
occupés selon le lieu de travail, peu importe le lieu de domicile.
Cette statistique rend compte de l'emploi comme composante
économique ou comme indicateur de l'activité économique d'une
région ou d'une sous région.
Pour étudier la situation d'un point de vue social ou du
point de vue des revenus, il faut utiliser la statistique
par lieu de domicile des travailleurs. (Ce point de vue n'est
pas abordé dans la note présente).
La statistique décentralisée introduit un biais dans les
chiffres : elle compte pour une unité tout poste de travail
occupé, qu'il soit à temps plein ou à temps partiel. On sait
que cela tend à gonfler légèrement les chiffres pour la Flandre
où les emplois à temps partiels sont proportionnellement plus
importants qu'en Wallonie.
Le seul découpage existant pour aborder les sous régions
est l'arrondissement. Il faut s'en contenter même si les limites
des arrondissements sont loin de correspondre à des critères
économiques ou sociaux.
Cette statistique ne concerne que les travailleurs et travailleuses
relevant de l'ONSS; elle ne concerne pas les indépendants
qui dépendent de l'INASTI (Institut national d'assurances
sociales pour travailleurs indépendants) : en Wallonie, 207.357
indépendants et 938.236 salariés selon le lieu de domicile.
2. Evolution générale (tableau 1)
On analysera d'abord l'emploi global hommes + femmes.
Le point de départ est l'année 1974 parce qu'elle est la
dernière année de plein emploi. On s'arrêtera à 2006, dernière
année de publication de la statistique.
De 1974 à 1986 :
- l'emploi ne va cesser de se dégrader en Wallonie, surtout
dans les bassins industriels. A titre d'exemple, Liège (arrondissement)
perd plus de 42.300 emplois en douze ans, soit 19 % des effectifs
de 1974 et Charleroi en perd 40.400, soit près de 28 %;
- ensemble les deux arrondissements représentent 82 % du
total des emplois perdus en Wallonie ;
- les emplois perdus se trouvent principalement dans l'industrie
lourde et les charbonnages et concernent en très grande majorité
les ouvriers (hommes);
- l'emploi féminin ne sera que peu affecté et le mouvement
de féminisation du travail continuera à se développer.
De 1986 à 1996 :
- à partir de 1986, l'emploi global ne se dégrade plus en
Wallonie et commence même à augmenter lentement : 1986 est
donc à considérer comme une date charnière;
- l'emploi dans les bassins industriels de Liège et de Charleroi,
reste, grosso modo, stationnaire;
- l'emploi dans le "reste de la Wallonie", c'est-à-dire la
Wallonie sauf Liège et Charleroi progresse à un bon rythme,
on verra plus loin qu'il est équivalent à celui de la Flandre.
De 1996 à 2001 :
- l'emploi repart progressivement dans les deux bassins industriels
de Liège et de Charleroi;
- dans le reste de la Wallonie, il se développe à un bon
rythme;
- mais la Wallonie reste pénalisée par la lenteur de la reconversion
industrielle.
De 2001 à 2006 :
- l'évolution de la période 1996-2001 se poursuit avec un
ralentissement dû à un creux conjoncturel en 2003 et en 2005.
3. Evolution hommes-femmes (tableau 2)
De pratiquement 70 % d'hommes dans l'emploi total en 1974
on passe à 54 % en 2006. On approche de près l'égalité entre
les travailleurs et les travailleuses.
La progression de l'emploi féminin est régulière même si
elle est plus faible dans la période 1974-1986.
Par contre l'emploi masculin ne cesse de se réduire de 1974
à 1986 avec un léger redressement ensuite, sans toutefois
retrouver en 2006 le niveau de 1974.
4. Evolution par branches d'activités (tableaux 3A et 3B)
Les secteurs d'activités ont été regroupés en 6 catégories
développés ci-après.
De manière générale, on constate le déclin régulier de l'industrie
et la forte montée des services, tant les services privés
marchands que les services publics. En 2006, l'ensemble des
services représentent 71,3 % de l'emploi total (non compris
les indépendants) et l'industrie proprement dite seulement
15,3 %.
agriculture
-les effectifs salariés (pour rappel les indépendants ne
font pas partie de la présente analyse) connaissent une baisse
entre 1974 et 1986, ensuite ils remontent pour dépasser en
2001 le chiffre de 1974;
industrie
- le phénomène de désindustrialisation qu'on connaît partout
dans les pays développés se marque évidemment en Wallonie
: le nombre de travailleurs ne cessent de diminuer; en 2006
ils représentent 41,6 % des effectifs de 1974;
construction
- l'emploi a diminué de 1974 à 1986, il est en augmentation
depuis;
transports et communications
- les effectifs sont quasi stables entre 1974 et 1986 et
augmentent jusqu'en 2006;
services privés
- les services privés (commerce,hôtels et restaurants,services
aux entreprises,services immobiliers et services financiers)
sont en forte expansion et, en 2006, atteignent 1,8 fois le
volume de l'emploi de 1974;
services publics
- les services publics (administration,éducation, santé et
action sociale, services collectifs, sociaux et personnels)
sont aussi en forte augmentation de 1974 à 2006.
5. Comparaison des taux de croissance des arrondissements
belges (tableaux 4A et 4B)
Pour chacune des périodes 1974-1986, 1986-1996,1996-2001
et 2001-2006, on a comparé les taux de croissance de l'emploi
salarié et classé les arrondissements dans l'ordre décroissant,
du taux le plus élevé au taux le plus faible.
Au vu de ces classements, la situation de la Wallonie ne
cesse de s'améliorer comparativement à la Flandre et à Bruxelles.
Ainsi, 7 arrondissements wallons se trouvent dans le top-10
et 13 dans le top-20 pour la période 2001-2006 contre respectivement
:4 et 9 dans la période 1996-2001; en 1974-1986, ils n'étaient
que 3 dans le top 5 et 7 dans le top 20
Les deux arrondissements de Liège et Charleroi améliorent
leur position passant, respectivement, de la 35ème à la 26ème
place et de la 38ème à la 29 ème place et se situent aux alentours
de la moyenne belge en 2001-2006. En 1974-1986, ils occupaient
les deux dernières places du classement et en 1986-1996, Charleroi
avait gagné 4 laces, lIège restant dernier.
6. Conclusions
En se basant sur l'emploi salarié comme indicateur de santé
d'une économie, on constate que la Wallonie a sérieusement
amélioré sa position et que le taux de croissance atteint
des niveaux comparables à ceux de Flandre.
Il reste le point noir des deux arrondissements de première
industrialisation, Liège et Charleroi, pour lesquels des politiques
spécifiques devraient compléter les politiques communes à
l'ensemble de la Wallonie : plan Marshall, pôles d'excellences,
etc. Ces politiques spécifiques devraient principalement porter
sur l'assainissement des sites industriels désaffectés, sur
la rénovation profonde de l'habitat et sur la modernisation
des quartiers urbains.
Il faut tordre le cou à l'explication de certains géographes
et d'économistes selon laquelle le développement économique
se ferait selon l'axe de la Nationale 4 (Bruxelles-Arlon).
La réalité est le retard de développement de l'axe industriel
est-ouest.
Cette analyse doit être complété par celle de l'emploi indépendant,
celle du chômage, et aussi celle de critères plus directement
économique comme le PIB, les revenus, l'IPP (impôt des personnes
physiques), les exportations, les brevets, la recherche.
* * *
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tableau 1 Evolution de l'emploi global de 1974 à 2006
tableau 2 Répartition de l'emploi hommes/femmes
tableaux 3A et 3B Répartition par secteurs d'activités
tableaux 4A et 4B Comparaison des taux de croissance par arrondissements
* * *
Résolution
adoptée par le Parlement wallon en sa séance du 16 juillet
2008.
Le Parlement wallon,
Considérant les travaux et auditions auxquels a procédé
le groupe de réflexion sur la réforme institutionnelle constitué
au sein du Parlement wallon ;
Considérant les débats menés au Parlement wallon sur la
question des réformes institutionnelles ;
Rappelant qu’il n’est demandeur d’aucune réforme qui remettrait
en cause le fédéralisme belge ;
Réaffirmant qu’il rejette toute réforme qui reviendrait
à vider l’Etat fédéral notamment de ses compétences en matière
de solidarité interpersonnelle, socle de la cohésion sociale
et économique de la Belgique ;
Soulignant que l’organisation des mécanismes de solidarité
interpersonnelle, en particulier au travers de la sécurité
sociale, doit rester une mission essentielle de l’Etat fédéral
;
Rejetant toute réforme qui modifierait les équilibres de
la loi spéciale de financement, qui aboutirait à réduire les
moyens indispensables à l’exercice efficace des compétences
des entités fédérées ;
Estimant que toute discussion de nature institutionnelle
ne peut intervenir que dans un climat de respect réciproque
entre les différentes entités composant la Belgique ;
Considérant que tout réaménagement de compétences ne doit
s’envisager que dans le souci d’améliorer l’efficacité des
politiques au bénéfice des citoyens et dans le respect des
principes de subsidiarité et de solidarité. Dans cette optique,
la recherche de cohérence dans la répartition des compétences
peut signifier tout aussi bien la refédéralisation de certaines
compétences que le transfert de nouvelles compétences aux
Régions ;
Rappelant que l’équilibre institutionnel du fédéralisme
belge s’appuie prioritairement sur trois Régions, dont les
Parlements sont composés de représentants élus directement
au suffrage universel ;
Affirmant dans le même temps l’importance de la solidarité
entre la Région wallonne et la Région bruxelloise, particulièrement
au travers d’une Fédération Wallonie-Bruxelles, actuellement
assurée par la Communauté française, garante du destin commun
des Wallons et des Bruxellois francophones, par des liens
institutionnels et fonctionnels forts ;
Exprimant par ailleurs sa solidarité active vis-à-vis des
Francophones de la périphérie bruxelloise et des Fourons dans
leur combat pour la défense de leurs droits légitimes ;
Insistant sur son attachement à la protection des droits
et libertés des minorités au sein de chacune des entités.
Dans la perspective de toute négociation de nature institutionnelle
au niveau fédéral, le Parlement wallon revendique le respect
des balises suivantes, dans le prolongement des discussions
relatives au premier paquet :
– maintien et renforcement de la solidarité interpersonnelle,
consacrée entre autres par notre système de sécurité sociale
fédérale ;
– mise en œuvre, au niveau Fédéral, d’une assurance autonomie
pour les personnes en situation de dépendance ;
– maintien dans la sphère de compétences de l’Etat fédéral
des instruments préservant l’union économique et l’unité monétaire
du pays, ainsi que l’unité du droit du travail et la cohérence
du marché du travail ;
– opposition à tout transfert de compétences fiscales susceptibles
de créer une concurrence préjudiciable entre les Régions,
et en particulier en ce qui concerne l’impôt des sociétés
;
– opposition à tout démantèlement du modèle de concertation
sociale fédérale ;
– maintien de la solidarité interrégionale telle que consacrée,
notamment, par la loi spéciale de financement, afin que les
moyens octroyés à chaque entité fédérée ne soient pas remis
en cause, de sorte que les grands équilibres soient confortés
;
– opposition à tout transfert de compétences qui ne s’accompagnerait
pas du transfert des moyens financiers et humains correspondants
sur la base des besoins réels et non sur la base d’une clé
de répartition théorique.
Dans le cadre de ces balises, le Parlement wallon se déclare
prêt à examiner tous les aspects qui pourraient ou devraient
être confiés aux entités fédérées pour qu’elles puissent mener
des politiques à même de répondre mieux à leurs besoins propres
et spécifiques.
Au-delà de ces potentiels transferts de compétence, le Parlement
wallon préconise d’assurer aux Régions une représentation
au sein des institutions fédérales lorsque les missions de
celles-ci les concernent directement ou portent sur des matières
connexes à celles qui relèvent de leurs compétences.
Le Parlement wallon rappelle en outre son attachement à
des entités fédérées fortes, par notamment :
– la nécessité pour la Région de Bruxelles-Capitale de bénéficier
d’un statut de Région à part entière ainsi que d’une autonomie
constitutive et législative ;
– le soutien à l’élargissement de la Région de Bruxelles-Capitale
;
– la confirmation de la place importante de la Communauté
germanophone au sein de la Région wallonne, dont on reconnaît
la spécificité, ainsi que l’affirmation de la volonté de poursuivre
le développement d’un dialogue dynamique avec elle ;
– la mise en œuvre d’une réforme du Sénat afin d’y assurer
une représentation des entités fédérées.
Le Parlement wallon défend avec force les principes du respect
des minorités, qui passe par :
– la réaffirmation de la nécessité, pour chacune des entités
composant l’Etat belge, de ratifier et de donner son assentiment
sans réserve et sans délai à la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales reconnues par le Conseil de l’Europe
;
– la proposition de soumettre le contentieux linguistique
et administratif dans les communes à facilités à la compétence
des chambres bilingues paritaires du Conseil d’Etat.
Le Parlement wallon confie au Groupe de réflexion sur la
réforme institutionnelle le soin d’examiner, dans une seconde
phase, les pistes d’avenir de la Fédération Wallonie-Bruxelles,
ainsi que de déterminer l’organisation des institutions wallonnes.
Cette démarche donnera lieu notamment à une réflexion :
– sur l’instauration d’une circonscription électorale à l’échelle
régionale ;
– sur la simplification des institutions politiques et administratives
wallonnes ;
– sur la recherche de la meilleure gouvernance pour les citoyens.
L’ensemble de ces propositions s’inscrit dans la volonté du
Parlement wallon de consolider l’Etat fédéral tout en permettant
une dynamique accrue des Régions au service des citoyens.
Le Directeur général adjoint, |
Le Président, |
Murielle HUMBLET |
José HAPPART |
QUELQUES
EXTRAITS SIGNIFICATIFS DE « INITIATION A LA REVOLUTION ANTICAPITALISTE
». ELIE BAUSSART. EDITIONS DE LA TERRE WALLONNE, 1938.
Comme l’écrit ci-dessous Elie BAUSSART, « toute comparaison
historique cloche ». Celle qu’on peut faire entre ces écrits
datant de 70 ans et l’actualité (crise financière) l’est.
Et pourtant, comme ils paraissent très actuels ! Et comme
on a le sentiment que, décidément, les choses n’ont pas fondamentalement
changé…
« Toute comparaison historique cloche.
A fortiori toute assimilation.
Cependant, en face de la crise que traverse le monde actuel
et les perspectives qui la prolongent, comment ne pas songer
cette crise du Vème siècle, au cours de laquelle sombre une
civilisation ?
Aujourd’hui, comme alors, tout est en question.
Les déficiences de notre système économique n’échappent même
plus à ceux qui en bénéficient ; nos institutions sociales
et politiques s’avèrent inadéquates ou injustes, toutes ou
presque toutes, sont impitoyablement discutées. Des valeurs
morales sur lesquelles se fonde la vie des individus et des
communautés, combien sont corrompues ; souvent l’hommage qu’on
leur rend cache mal la trahison dont elles sont victimes dans
l’ordre pratique. Le monde, comme pendant les invasions gothiques,
vit dans l’incertitude et l’angoisse du lendemain et la jeunesse,
trahie, désespérée, est prête à toues les aventures »
+++++
« Un monde se défait.
Ce monde, pour l’appeler par son no, c’est le monde capitaliste.
Ce n’est pas s’avouer marxiste que de constater que le capitalisme
a non seulement créé le système économique actuel, mais modelé
notre société, créé des institutions, dressé son échelle de
valeurs, inspiré et ordonné ses activités, orienté sa pensée
et son esprit…
S’il fallait définir le capitalisme, on le caractériserait
par la séparation des deux facteurs de la production, la capital
et le travail, - par la subordination, voire l’asservissement
de celui-ci à celui-là - et par la poursuite du profit considéré
comme le principe et la fin de toute activité non seulement
économique, mais humaine »
+++++
Puissance qui n’a jamais eu sa pareille, puissance insaisissable,
qui ne s’exprime que par un mot abstrait, le capitalisme,
puissance incontrôlée et incontrôlable, non parce qu’elle
est disséminée dans la masse mouvante et toujours renouvelée
des porteurs de titres, mais parce que, au dire de Rathenau*(qui
savait de quoi il parlait), les 300 ou 400 hommes qui dirigent
la vie économique du monde sont plus puissants que les gouvernements.
Pour bien connaître le capitalisme, voyons-le vivre.
C’est sur ses pratiques que nous le jugerons- comme on juge
un homme à ses actes, un arbre à ses fruits.
Une loi domine toute l’activité du capitalisme : la loi supérieure
du profit, à laquelle le patron, quelque souci qu’il ait de
ses responsabilités sociales, ne peut guère échapper.
Sans doute, c’est à elle qu’on doit la prodigieuse multiplication
et le perfectionnement des centres et des moyens de production,
l’accroissement de la richesse et l’élévation du niveau de
vie qui s’en est suivi, en un mot, ce progrès matériel dont
nous sommes si fiers. Mais c’est elle aussi qui, harcelant
l’homme d’affaires et l’entrepreneur, les engage dans des
pratiques qui, sur des échelles de plus en plus vastes, les
mettent en conflit avec l’homme et avec sa morale.
De l’exploitation du travail considéré comme une marchandise
et de l’homme pris pour une machine, le capitalisme est passé
au rançonnement du consommateur par la spéculation d’abord,
par l’édification es monopoles ensuite.
Nietzschéen avant la lettre, il affirme partout sa volonté
de puissance et met, chaque fois qu’il le peut, l’Etat et
l’appareil de l’Etat à son service… »
*Walter RATHENAU (1867-1922), industriel,
écrivain et homme politique allemand.
«
Un appel à l’action et au dialogue au service de la relance
économique et du progrès social ». Autrement dit…
Dans l’état actuel de crise financière et économique, les
autorités à tous les niveaux doivent agir de manière directe
et efficace afin de restaurer la confiance des entreprises
et des citoyens et ainsi leur garantir une sécurité sociale
et financière.
À l’échelle européenne, le Parti socialiste européen (PSE)
vient d’adopter un plan de relance demandant aux États membres
et à l’UE de prendre d’urgence des « mesures proactives et
coordonnées » sous forme de programmes d’investissement pour
sauvegarder l’emploi, éviter des licenciements de masse et
promouvoir l’économie verte.
Au niveau de la Wallonie et de la Flandre, nous étions les
premiers à proposer au sein de nos gouvernements régionaux
un plan de relance ambitieux qui facilite les crédits aux
entreprises, accélère et favorise les investissements privés
et publics dans l’économie durable et qui renforce nos politiques
d’emploi, en particulier pour les travailleurs touchés par
une restructuration.
Avec le gouvernement fédéral, nous collaborons de façon constructive
à l’élaboration d’un plan global anticrise à court terme.
Dans ce même esprit constructif, nous avons participé aux
discussions au sein du dialogue communautaire. Un débat institutionnel
n’est pour nous ni un fétiche, ni un tabou, mais au contraire
la voie par laquelle nous pouvons à long terme garantir l’essor
de l’État fédéral et des entités fédérées.
Nous croyons qu’une plus grande capacité d’action des entités
fédérées peut aller de pair avec celle de l’État fédéral en
positionnant chacune sur des champs de compétence bien circonscrits,
ce qui permet à chacune plus d’efficience et à l’ensemble
plus de cohérence.
Nous estimons que le ciment entre chaque entité et entre tous
les citoyens est une sécurité sociale forte, partant durablement
financée, notamment pour garantir les pensions et des soins
de santé de qualité pour tous. Pour y parvenir, il faut faire
en sorte que davantage de personnes soient au travail. En
guise de fondement à notre démarche, nous affirmons que le
droit du travail, la politique salariale et la sécurité sociale
dans tous ses piliers et mécanismes de financement, doivent
demeurer du ressort de l’autorité fédérale. Par contre, les
entités fédérées doivent pouvoir exercer l’ensemble des compétences
nécessaires à leur mission principale en matière d’emploi,
à savoir l’accompagnement et le suivi actifs – en ce compris
la formation (formation en alternance, congé éducation payé)
– des demandeurs d’emploi et des travailleurs et ce, au regard
des spécificités de leurs marchés du travail respectifs. Ainsi,
les règles générales en matière d’emploi convenable et de
dispense de disponibilité doivent rester fédérales tandis
que leur application concrète se fait au niveau des Régions,
lesquelles doivent, dans ce cadre, prendre des engagements
vis-à-vis de l’État fédéral.
Dans la foulée, nous souhaitons examiner l’intérêt de placer
certains dispositifs d’insertion et d’emploi dans le cadre
régional, tels les ALE, l’outplacement, l’accompagnement des
travailleurs victimes de restructurations ainsi que les règles
d’octroi de permis de travail temporaire. Enfin, en matière
de réduction de cotisations sociales et de plans d’embauche,
nous adhérons à une simplification des systèmes en place et
à un meilleur ciblage, adapté aux réalités régionales. Nous
attendons toutefois en la matière le résultat des négociations
interprofessionnelles en cours.
Les dispositions évoquées doivent naturellement tenir compte
des contingences de la concertation sociale. Enfin, un renforcement
des compétences des Régions et Communautés doit s’accompagner
d’un mécanisme financier alliant incitation et responsabilité
et qui tienne compte des besoins et possibilités de chacun,
avec pour résultat, un retour sur investissement positif tant
pour les Régions que pour l’État fédéral.
Voilà les contours de notre position concernant une réforme
institutionnelle de la politique de l’emploi. Un renforcement
de la politique régionale de l’emploi nous permettra d’encore
mieux collaborer pour dynamiser nos marchés du travail. Mais
pour lancer cette dynamique, il faudra débloquer l’impasse
communautaire et reprendre le travail au sein du dialogue
de Communauté à Communauté.
Un nouveau conflit communautaire serait inacceptable et même
irresponsable dans le contexte actuel de crise économique
que nous connaissons. Enfin, nous considérons que ce que nous
sommes capables de faire sur ce thème devrait également l’être
sur d’autres.
Critique
du capitalisme par Elie BAUSSART.
Dans « Essai d’Initiation à la Révolution anticapitaliste
», écrit en 1938, Elie BAUSSART n’y va pas avec le dos de
la cuiller pour s’en prendre au capitalisme. S’il faut être
attentif au fait qu’une époque n’est pas l’autre, n’empêche
cette critique reste, nous semble-t-il, très actuelle au vu
de la crise financière et économique qui sévit pour l’heure.
« Un double mouvement, contradictoire, caractérise l’évolution
actuelle du régime de propriété : d’une part, extension de
la petite propriété privée (maison d’habitation, petite exploitation
agricole ou industrielle) ; de l’autre concentration capitaliste
des instruments de production.
Celle-ci est la préface de la dépossession du capitalisme
; celle-là, l’heureuse annonciation d’une déprolétarisation
croissante des masses.
Ce n’est que par une aberration incroyable – ou par un préjugé
diligemment entretenu par certains- qu’on lie la salut de
la propriété privée au maintien du régime capitaliste, alors
qu’en fait celui-ci aboutit à l’expropriation de l’épargnant,
grâce aux derniers expédients de la finance qui préside au
sort des sociétés industrielles et commerciales.
La petite bourgeoisie- victime du régime, comme la classe
ouvrière- n’a pas encore vu clair : c’est dans son sein que
se recrutent les plus butés et les plus féroces défenseurs
du régime, et cela, parce qu’on a quelques titres en portefeuille
et qu’on espère s’introduire un jour – ou introduire le fils-
dans la hiérarchie des ventres dorés ?
…
Le capitalisme n’est pas la propriété, il est une forme d’exploitation
des richesses, une des formes économiques qui se sont succédé
dans l’histoire.
Les autres ont vécu : pourquoi serait-il éternel ?
Le monde actuel semble bien ne plus pouvoir s’accommoder de
lui.
Sa dernière justification était qu’il assurait la satisfaction
des besoins humains. Justification de fait, qui n’était pas
sans valeur.
Il n’en est plus ainsi.
Comme système de production, certes, il est capable de gagner
l’enjeu.
Comme mode de répartition, sa faillite est patente.
Comme l’un est inséparable de l’autre, quel précepte moral
nous défendrait d’envisager la réforme du régime si, pour
répondre aux exigences des deux milliards d’individus répartis
sur le globe, il faut mettre fin à l’appropriation capitaliste
des biens destinés à tous ? »
On a dit que la propriété, si elle n’est pas une fonction
sociale, a une fonction sociale, justification de ses titres.
Que dire du capitalisme ?
Quel droit invoquera-t-il quand, chargé déjà des ruines sociales,
morales et spirituelles qu’il a accumulées, il se révèle impuissant
à exécuter sa fonction économique ?
Crise
financière : billet d’humeur.
Nicolas DE COMMER
La crise n’est pas finie, elle s’installe dans nos horizons
et fait frémir tout un chacun. Comme disait Churchill « du
sang, de la sueur et des larmes »… Même si d’aucuns saigneront
plus et auront plus de peine à sécher leur larmes, et bien
plus encore, dans l’arène capitaliste tout le monde ne court
pas le même marathon ! Plus récemment le chanteur BENABAR
disait « quand le financier s’enrhume, ce sont les ouvriers
qui toussent ». Juste ciel, cessons de nous apitoyer sur le
sort de ces masses laborieuses et concentrons nous sur les
vrais victimes de la crise, ce n’est pas M AERNOUDT, docteur
Honoris Wallonia autoproclamé qui nous contredira…
Et oui, chers amis, se pencher sur ces milliers (millions)
de chômeurs et leurs sorts peu enviables, n’es-ce point un
peu dépassé ? Car qui plus que tous, qui a vraiment mal quand
les bourses tremblent, si ce ne sont les patrons eux-mêmes
? Et c’est bien ce que nous a rappelé le Conseil d’Etat qui
début février a disqualifié les dispositions prises pour supprimer
les parachutes dorés. Pourquoi ? DiscriminatoireS !!! Pas
tant au regard des montants, çà c’est de la morale, fichue
ramassis de justice sociale et autres socialo-bolchévismeries,
mais du droit, car c’est quand même pas normal que quelqu’un
qui touche 200 fois le salaire de son plus bas sous-fifre,
n’aie pas droit à la même durée de préavis… Sans rire, il
faut pouvoir se concentrer sur les vraies valeurs !!!
N’oublions pas non plus les actionnaires et leur démocratie
! Pas une parodie comme ces foutues élections, mais la vraie
et belle démocratie d’une assemblée générale ! Comme la vrai
délice de la dernière ( ?!) FORTIS, pleine de suspens avec
le méchant Gouvernement, le pompier de service qu’on immole
à la fin pour laisser en dehors de tout çà le pauvre petit
pyromane qui, après-tout, même si « il a foiré »(cfr. OBAMA
puisque pour rendre un texte un temps soit peut intéressant,
il est de bon ton de le citer) qui finalement n’est pas si
différent de nous, capitalistes égoïstes et aveugles à cette
drôle de notion qu’on appelle chez certains « intérêt général
», BEURK ! Non LIPPENS et cie n’ont pas fauté, ou alors il
y’a longtemps, ou alors on a oublié… De les avoir suivis dans
cette galère quand il s’agissait de votre les augmentations
de capital nécessaires à l’achat d’ABN AMRO, plus au moins
99% de votes favorables ! Ben non, les seuls responsables
ce sont les pouvoirs publics qui se sont une fois de plus
melé de nos affaires et à qui on avait rien demandé, ou si
peu… Faillites, pertes d’emplois, effondrements du système
économique belge, petits épargnant… Tout ce que tu veux, mais
touche pas à mes actions ! Et le plus dégueulasse dans tout
çà, c’est que les si pauvres actionnaires et leurs glorieuses
et courageuses décisions ne pèseront pas… En droit, il parait,
car on y comprend plus grand-chose, qu’un contrat est un contrat
et qu’on peut en forcer l’exécution… Et la morale dans tout
çà ???
De nouveaux les pieds sur terre, je ne dirai qu’une chose
: PUTAIN DE SYSTÈME !!!
REFONDER
LA SOCIÉTÉ
Yoland Bresson rappelle ici ce que nos politiques devraient
faire s’ils prenaient conscience des profondes mutations de
notre société, en particulier la fin progressive du salariat,
pour proposer les gènes du changement dont le revenu d’existence
en serait l’un des composants.
Préambule
Nos gouvernants et nos élites sont restés sourds aux
annonces : « la fin du salariat » approche, ou plus exactement
nous vivons la « fin du plein-emploi salarié ». Est-il encore
nécessaire d’en répéter la démonstration quand l’évidence
s’impose. L’objectif du plein-emploi est devenu une chimère,
que seule l’incantation politicienne, la crainte d’annoncer
une vérité qui tétaniserait l’opinion, ou le mensonge électoraliste
pourraient justifier.
Tout groupe humain, toute société grandit harmonieusement
si elle assure à chacun de ses citoyens intégration, différenciation
et sécurité : Chacun doit pouvoir se sentir appartenant à
un corps social, il doit pouvoir faire valoir ses talents,
ses différences et ses aspirations, valoriser sa différence,
il doit se savoir en sécurité, protéger contre tous les risques
de la vie par la participation solidaire de la communauté.
Ces trois exigences ont été de mieux en mieux satisfaites
pendant les trente glorieuses, apogée du capitalisme salarial.
Le plein-emploi assurait intégration, revenus, reconnaissance.
Les diplômes, les statuts hiérarchisés, les promotions et
les différences de salaires garantissaient à qui le désirait
la valorisation patente de ses compétences, de ses efforts,
de son travail. En prélevant ses ressources sur les salaires,
la protection sociale s’est étendue et perfectionnée, fournissant
des revenus de transferts à ceux qui ne pouvaient accéder
à l’emploi, couvrant les risques de santé et accidents de
la vie.
Mais ainsi plusieurs illusions ou confusions nous
ont aveuglés :
- L’emploi n’est pas le travail, et le travail
n’est pas exclusivement de l’emploi. L’emploi c’est du travail
devenu marchandise échangée justement sur le marché du travail
et valorisé par son prix sur ce marché.
- Les différences de prix sont indispensables
pour que le marché conformément à sa mission oriente les activités
productives et le travail correspondant vers les plus efficaces
et les plus demandées. C’est ainsi que le marché libre et
concurrentiel est la meilleure institution pour créer le
maximum de richesses.
- Le prix du travail, est d’abord son coût, le
coût que le producteur est prêt à supporter, mais on en a
fait strictement le revenu de l’individu.
- Les charges qui accroissent le coût du travail
sont destinées à la protection sociale, dont les ressources
deviennent directement tributaires du plein-emploi salarié.
- L’homme a disparu derrière l’emploi. L’intégration
passe exclusivement par l’emploi.
Dès lors quand l’emploi défaille, au lieu de s’occuper
de l’homme, on cherche désespérément à sauver les emplois,
on ne juge les investissements qu’à l’aune des créations d’emploi.
Tel le taureau fonçant sur la cape, gouvernants, médias, populations
ne raisonnent plus qu’en emplois !
La crise, enfin peut-être va déchirer ce voile d’ignorance,
surtout si on comprend bien qu’elle n’est pas un simple accident
de parcours, mais une manifestation de la prodigieuse mutation
que nous sommes en train de vivre.
Le capitalisme salarial est arrivé à sa fin, parce
qu’il a atteint ses fins : Il a vaincu la rareté matérielle.
Il a prouvé avec le marché et la concurrence son efficacité
à obtenir des richesses, au point, progrès technique aidant
de produire de tout, en trop, avec de moins en moins de labeur
humain. Tant et si bien qu’on ne vend plus ce que l’on produit,
mais que l’on produit ce que l’on vend. Que la croissance
économique est devenue exclusivement tributaire de la demande,
du renouvellement des produits, de l’innovation, de la promotion
constante de désirs nouveaux. L’objet matériel n’est plus
que le support de signes immatériels, informationnels, relationnels.
Que le facteur de production essentiel, n’est plus la terre
comme elle le fut des siècles durant, ni la machine sur les
trois siècles du salariat capitaliste, mais le capital humain,
c’est-à-dire le savoir, les compétences, l’intelligence et
la créativité des hommes. On parle de « capitalisme cognitif
» pour définir ce nouveau capitalisme dont les ressorts fondamentaux
sont la finance et le capital humain. La mondialisation accélère
le mouvement en généralisant rapidement les désirs et les
demandes, en gonflant les flux financiers, en trouvant une
main-d’oeuvre exploitable aux quatre coins du Monde, pour
produire à bas coûts les objets matériels supports de signes,
conçus en amont par du capital humain, habillés, enrichis,
distribués en aval par du capital humain.
Mais, la faille du capitalisme vient de ce qu’il ne
possède en lui-même aucun mécanisme permettant de « réguler
» la répartition des richesses, qu’il produit par ailleurs
abondamment et efficacement. Au contraire, par sa structure,
il a une propension à les concentrer sur une minorité d’individus.
Premièrement le marché du travail fixe le niveau de son prix,
comme tout marché, et les caractéristiques actuelles et à
venir poussent inévitablement à la baisse relative du travail
élémentaire par rapport aux détenteurs de capital humain élevé
qui forment encore une minorité de la masse laborieuse. Or,
on fait du prix du travail, le salaire, la mesure du revenu
individuel. Deuxièmement l’organisation hiérarchique des
systèmes de production, des entreprises, introduit des écrans
de répartition, qui permettent aux dirigeants de s’attribuer
des revenus, partiellement hors marché, et d’assortir ces
revenus de suppléments (bonus, stock-options, avantages divers.)
hors de proportion avec ce que reçoivent les salariés ordinaires.
Il devient impératif de refonder notre organisation
économique sur de nouvelles bases, de changer à la source
notre mode de distribution des richesses.
Libérer le travail du carcan de l’emploi en instaurant
le revenu d’existence
Instaurer le revenu d’existence, aussi nommé dividende
universel, revenu de citoyenneté, allocation universelle ou
mondialement basic income, consiste à doter inconditionnellement,
chaque individu de tout âge, sexe ou activité, d’un revenu
égal pour tous, cumulable avec tout revenu supplémentaire
d’activité.
Tout être humain est ainsi accueilli, intégré dans
la communauté, reconnu participant potentiel aux échanges
et à la vie du corps social dont il est une cellule. Le revenu
lui est alloué parce qu’il existe et non pour exister.
Le montant de la dotation est « objectivement » mesurable.
Nous savons en effet que toute la dynamique économique est
d’abord fondée sur un capital matériel et humain social :
ensemble des infrastructures matérielles, des connaissances,
des habitudes de comportement relationnels, de la gouvernance…
accumulé par le travail de nos ancêtres. Dans le présent le
capital humain, s’appuyant sur ce fond produit des richesses
nouvelles, et ce faisant accroît encore le capital social
et son efficacité. Il peut cependant l’amputer ou le diminuer
si par exemple, l’activité présente détruit l’environnement,
traite les individus de façon indigne, affecte leur santé…
C’est cela que traduit la notion de développement durable.
Or, on sait évaluer la part des richesses produites
qui résulte du capital matériel et humain social. Cette rente
héritée, n’appartient en propre à personne, mais indifféremment
à tous. Elle représente pour la France un peu moins de 15
% du PIB. C’est elle qui partagée également entre les 64
millions de français donne donne la mesure du revenu
d’existence ; 350 € par mois par individu de tout âge à verser
inconditionnellement chaque mois sur un compte d’existence
que chaque citoyen doit ouvrir dans la banque de son choix.
Une récente étude a confirmé cette évaluation par une autre
voie : en inventoriant tous les mécanismes redistributifs
actuels, toutes les dotations compensatrices, toutes les
exonérations fiscales… dans leur impressionnante complexité
conditionnelle, auxquels pourrait se substituer le revenu
d’existence (sans toucher aux risques sociaux santé…), le
budget actuel s’élève pour la France à 288 milliards d’euros,
c’est-à-dire à peine plus que le montant du revenu d’existence.
Vient alors inévitablement l’interrogation : Comment
passer de notre système actuel à cette nouvelle organisation.
Simplement par une phase de transition de durée à choisir,
5 ans par exemple, selon le modèle de l’écluse. Le niveau
d’eau actuel correspond au PIB. Il s’agit d’élever le niveau
d’eau en ajoutant de la monnaie, tandis que simultanément
des allocations conditionnées antérieures sont en partie,
puis en tout au terme de la transition supprimées. On choisira
les modalités techniques, concrètes, de telle sorte que personne
n’y perde, tandis que certains y gagneront, que le processus
soit universel, qu’elles respectent les exigences institutionnelles,
qu’elles améliorent la compétitivité de l’économie. La solution
a déjà été proposée, testée et acceptée par les économistes
et les banquiers. Son lancement ne dépend plus que de la volonté
politique.
L’intégration assurée pour chaque être humain, dès
la naissance. La différenciation en sortira renforcée par
la multiplication des échanges et des activités engendrées
par la liberté de choix, par la moindre pression exercée par
la nécessité de trouver n’importe quel emploi sans lequel
il n’y a pas de revenu, car soutenu par ce filet dont la valeur
réelle augmentera avec la croissance, le risque d’entreprendre
et de valoriser les talents de son choix retrouveront force
et vigueur. Alors oui le travail redeviendra une valeur. À
l’objectif de plein-emploi nous lui substitueront l’objectif
de pleine activité. Le salariat évoluera vers le « Participat
».
Reste la sécurité. La sécurité sociale sera maintenue.
À la sécurité de l’emploi et des revenus qui lui sont aujourd’hui
liés, on aura coupé le lien strict exclusif emploi-revenu.
Avec le revenu d’existence on aura fondé une sécurité inconditionnelle
de revenu. Les revenus d’activité qui s’y ajouteront ne seront
évidemment pas garantis dans leur continuité. Inévitablement
inscrit dans le fonctionnement efficace du capital humain,
c’est l’intermittence qui prévaudra, alternance d’intenses
activités productives, alternées de périodes d’amélioration
du capital humain personnel, c’est-à-dire de formation, mobilité
dans les tâches et les activités, pour beaucoup immatériels,
informationnelles et relationnelles… L’accompagnement
personnalisé tout au long de la vie active, au-delà de l’éducation
nationale, de l’enseignement supérieur, de la formation professionnelle,
sera l’exigence collective de la sécurité de la personne.
La sortie de crise pourrait devenir la source d’une
espérance nouvelle. Le grand emprunt destiné à préparer l’avenir
est une bonne décision. L’investissement sociétal que
représenterait l’instauration du revenu d’existence pourrait
être d’un rendement considérable, démultipliant les autres
investissements choisis orientés vers la recherche et les
innovations.
Ajoutons pour conclure que ce nouveau modèle social
serait exemplaire pour l’Europe et le Monde en attente d’une
nouvelle espérance.
Yoland BRESSON
Les
nouveaux Zorros sont arrivés.
Yves-Marie FRIPPIAT.
De nouveaux Zorros de la politique belge se sont emparés
de la situation de crise record pour lancer, via Internet,
des appels au « sursaut citoyen ». Ils
se proclament évidemment « apolitiques »,
voulant dire par là qu’ils ne « roulent
pour personne » et sont très vigilants à
ne pas se laisser « récupérer ».
Fort bien. Mais quel degré de naïveté et
d’ignorance ne faut-il pas atteindre pour croire sérieusement
qu’une mobilisation de la population autour d’une question
éminemment politique pourrait vraiment être « apolitique » ?
D’abord il y a le contexte : depuis près de sept
mois, sept partis politiques sont impliqués dans des
discussions sur la réforme institutionnelle, tandis
que quatre n’y ont pas participé. Dès lors qu’on
invite les citoyens à manifester leur mécontentement
à l’égard de l’enlisement des discussions, ipso
facto on prend parti contre les sept et on fait d’une manière
ou d’une autre le jeu des quatre. Soutenir le contraire est
risible.
Ensuite, il y a le fond. Nos Zorros invitent la population
– que dis-je ? les Citoyens ! – à manifester
leur ras-le-bol vis-à-vis de l’incapacité des
politiques à sortir de l’impasse. Très bien.
Mais quelqu’un a-t-il une idée de la manière
dont on peut résoudre la quadrature du cercle suivante ?
D’un côté, un groupe numériquement majoritaire
et économiquement plus prospère veut garder
sa richesse pour lui ; de l’autre, un groupe numériquement
minoritaire et économiquement plus faible redoute les
conséquences très concrètes que produira
nécessairement tout changement dans les grands équilibres
laborieusement établis en quarante ans.
Le problème, il est là. Quiconque a deux doigts
de connaissance et de conscience politiques le sait. Résoudre
un tel nœud autrement que dans la guerre civile relève
des Travaux d’Hercule. Mais nos Zorros n’en ont cure, de même
que tous ceux, peut-être nombreux en effet, qui suivent
et suivront leurs mots d’ordre illusoires.
Qu’on se comprenne bien : il ne s’agit évidemment
pas ici de contester aux citoyens le droit de s’impliquer
dans le débat public. Ce qui est pernicieux, c’est
l’état d’esprit sous-jacent aux initiatives dont on
parle en ce début 2011. Cet état d’esprit est,
quoi qu’on dise, imprégné de poujadisme puisqu’on
n’a pas de mots assez durs pour condamner l’incapacité
des politiques à dénouer la crise, comme si
c’était affaire de simple bonne volonté et/ou
de talent. Moyennant quoi on s’autorise, par exemple, à
fixer aux négociateurs un délai ultime au-delà
duquel on réclamera remboursement (?) pour cause de
service non rendu…
En gros, ce qui alimente toutes ces propositions d’interventions
citoyennes, c’est l’idée que les problèmes institutionnels
ont été créés par les politiques
alors que le bon peuple, lui, n’y serait pour rien. Et qu’au
contraire, sans les politiques et leurs intérêts
partisans, les Belges ne demanderaient qu’à s’entendre
et à marcher main dans la main. Cette fable prolifère
dans les courriers de lecteurs et autres blogs, ignorant ou
faisant mine d’ignorer que les problèmes de coexistence
des deux grandes communautés qui composent la Belgique
sont presque aussi anciens que la Belgique elle-même.
Il n’est pas davantage question, ici, de stigmatiser les « méchants
Flamands égoïstes » abusant de leur
position de force. Il est, en effet, dans la nature des choses
qu’un individu, une famille, un groupe social ou une communauté
nationale, veuille « garder sa richesse ».
Quand, de surcroît, le débat sur la répartition
des moyens disponibles survient, comme c’est le cas aujourd’hui,
au terme d’un long contentieux historique, dans un contexte
général de repli identitaire et de culminance
néo-libérale, il est tout bonnement inévitable
que les termes fondamentaux de l’équation soient ceux
indiqués plus haut. La solidarité n’est pas
spontanée, c’est le « chacun pour soi »
qui l’est. La tâche du politique est de faire en sorte
que, dans un environnement terriblement compliqué,
les individus « naturellement égoïstes »
qui composent la société belge acceptent de
dépasser leur intérêt à court terme
pour chercher les formules de la coexistence généreuse.
Qui peut raisonnablement s’étonner qu’une telle recherche
prenne du temps ? C’est là que réside le
caractère nuisible des « initiatives citoyennes »
de ce début janvier 2011. Non pas d’appeler les citoyens
à se mêler de ce qui les regarde. Mais de le
faire apparemment – même de bonne foi- sans connaissance
de cause.
La
"fédération Wallonie-Bruxelles": pège
ou tremplin?
(28 JUIN 2011)
La récente annonce faite par les présidents
de partis francophones de lancer la désignation nouvelle
de la Communauté française au travers du vocable
« Fédération Wallonie-Bruxelles »,
a pu produire chez certains une sorte de détente de
l’atmosphère et d’effet d’éclaircie. En effet,
à rebours du climat général, elle insistait
à la fois sur la volonté d’alliance et sur la
personnalité concrète de deux régions,
aisément repérables dans leur réalité
territoriale, et clairement identifiables dans leur «
épaisseur » socio-historique.
Le Mouvement du Manifeste Wallon entend évaluer en
profondeur la portée de cette initiative prise par
les partis représentés au Parlement de la Communauté
française, dans la perspective d’un véritable
essor durable de nos deux Régions.
Pour ce qui est de la démarche, nous constatons son
caractère particratique, et autoritaire car elle n’émane
d’aucune délibération démocratique préalable
quelque peu approfondie au plan parlementaire. De plus, nous
ne pouvons que relever son caractère velléitaire
et symbolique, puisque l’intronisation officieuse de cette
appellation ne modifie en rien la subsistance de la réalité
constitutionnelle de la Communauté Française
de Belgique.
On a aussi la forte impression que la démarche est
moins développée en direction des opinions wallonne
et bruxelloise que dans la direction ciblée des acteurs
dirigeants flamands. Le but immédiat de la manœuvre
étant en réalité, de tenter d’intimider
l’interlocuteur flamand en faisant apparaître l’éventualité
d’une alliance de deux régions différentes se
liguant face à la seule communauté/région
du Nord du pays ! Ce côté tactique de la démarche
prend donc à cet égard une allure regrettable
de jeu politicien.
Cependant cette démarche volontairement sibylline et
péremptoire nous oblige à nous interroger sur
la nature des orientations politiques réellement sous-jacentes
à ce choix fait par les présidents et par les
appareils de partis. Voici à tout le moins trois remarques
cruciales.
1. Il est impossible de discerner clairement si l’affirmation
de cette nouvelle « fédération »
doit s’appréhender plutôt dans le cadre d’une
Belgique maintenue comme Etat souverain, ou plutôt dans
le contexte d’une possible « évaporation »
de cet Etat Belgique (« Plan B »). Il s’agit donc
là d’une première équivoque qui demande
à être levée au plus tôt.
2. Dans la nouvelle appellation, la citation des deux «
régions » censées se constituer en «
fédération » n’a fait l’objet d’aucune
précision explicative. Ceci pose un autre problème
d’équivoque considérable car ladite région
citée de « Bruxelles » paraît bien
ne renvoyer en réalité qu’à la composante
francophone de la Région de Bruxelles-Capitale, et
non à l’entièreté de celle-ci ! Cette
fédération nouvelle n’est présentée
par ses promoteurs que comme une transformation de l’appellation
de la « Communauté française de Belgique
» (celle-ci ayant déjà elle-même
été officieusement rebaptisée antérieurement
sous le vocable de « Communauté Wallonie-Bruxelles
»). Il apparaît donc que la formulation bi-régionale
choisie pour désigner la nouvelle fédération
pourrait bien n’être qu’un vrai « miroir aux alouettes
». Les appellations « régionales »
utilisées s’inscriraient en réalité,
bien plus dans un schéma communautariste d’une Belgique
recomposée plutôt que dans un schéma authentiquement
multi-régional de cette Belgique ou post-Belgique de
demain. Autrement dit, contrairement aux apparences, ladite
« fédération » ne ferait en fait
qu’annoncer l’avènement prochain d’une Néo-Macro-Communauté
!...
3. La démarche politique à la fois impromptue
et sibylline que nous décryptons, doit être également
suspectée en ce qu’elle n’évoque aucunement
la moindre esquisse de répartition des domaines de
compétences au sein même de la fédération
nouvellement proclamée. Ce point revêt aussi
un aspect capital, puisque l’on se trouve mis brutalement
devant une proclamation du fait accompli ouvrant subrepticement
la porte à une possible réorganisation fondamentale
de l’attribution des compétences au sein même
de ce que l’on désigne habituellement comme les «
entités fédérées ». Cette
réorganisation pourrait en effet impliquer de la sorte,
soit simplement un non-accroissement des actuelles compétences
des pouvoirs régionaux, - allant donc en cela complètement
à rebours de l’accroissement que nos mouvements régionalistes
réclament à cor et à cris depuis plusieurs
décennies, soit même une éventuelle non-conservation
du paquet actuel intégral de domaines de compétences
actuellement détenues par les instances politiques
des Régions tant wallonne que bruxelloise !!
EN CONCLUSION
Nous, régionalistes wallons, considérons ce
resurgissement politiquement orchestré et étrangement
inexpliqué du concept de Fédération entre
Wallonie (avec ou sans les germanophones ?!) et Bruxelles,
comme une erreur politique et non comme une avancée
potentiellement utile. Dans ce contexte, nous considérons
qu’il est de notre devoir de réaffirmer avec la plus
grande force et en toute clarté que :
1. La sortie effective de la crise politico-institutionnelle
actuelle passera nécessairement par un accroissement
majeur des compétences des Régions, ce qui implique
notamment, une reconnaissance de la région de Bruxelles
comme région à part entière au travers
de toutes ses composantes communautaires et culturelles, y
compris de sa composante flamande.
2. La mise en place de liens de solidarité effective
entre les régions wallonne et bruxelloise doit non
pas précéder le processus de reconnaissance
du statut de pleine autonomie de chacune de ces régions,
mais au contraire être réalisée consécutivement
au renforcement des pouvoirs régionaux. Précisons
aussi que pour être effectif et efficace, le renforcement
de l’autonomie régionale postule le transfert à
chacune des Régions, des compétences jusqu’ici
dévolues à la Communauté française
(Enseignement, Culture, Médias, etc.)!
C’est donc postérieurement à l’aboutissement
de ce processus de renforcement des pouvoirs régionaux
qu’il y aura lieu de déterminer le type optimal de
liens garantissant la mise en œuvre d’une réelle solidarité
entre régions. Celle-ci pourra en effet apparaître
à ce moment-là, comme exigeant de préférence,
par exemple un socle d’accords de coopération multiples
à passer entre les deux régions, wallonne et
bruxelloise, plutôt qu’un cadre global de « fédération
» proprement dite, unissant celles-ci par le haut.
Pour le Mouvement du Manifeste wallon :
François ANDRE, Michel GIGOT, Jean-Pierre LAHAYE, Janine
LARUELLE, Jean LOUVET, Yves WEZEL
Le
revenu de base dans une situation de crise
Bernard Kundig –Publié le 13/09/2011
Tout le monde ne parle aujourd’hui que de crise écologique,
de crise de la gouvernance politique et surtout, depuis quelques
temps, de crise financière et économique, un
thème qui agite beaucoup les médias en tout
genre. C’est vrai : Sur les places boursières,
les grandes multinationales ont perdu depuis le début
de l’année jusqu’à 20% de leur capitalisation,
secteur financier en tête, ce qui représente
quelques centaines de milliers de milliards partis en fumée,
au moment précis où dans les pays dits riches,
les Etats sont en train de raboter leur système de
protection sociale, histoire de faire quelques économies
de bout de chandelle et ainsi de convaincre ceux qui en ce
moment sont assis sur leur argent que tout n’est pas fini
et que ça va bien finir par s’arranger. Autant le dire :
Nous nageons en plein délire. (...suite...)
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